Hédi Ben Abbes, ancien secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et ex-conseiller principal diplomatique du président Moncef Marzouki, développe son activité entrepreneuriale, entamée en 2014, en nouant un partenariat exclusif avec la banque espagnole ARESBANK qui veut prend pied sur le marché tunisien.

WMC : Vous venez de créer LTBY, un cabinet de conseil et d’études pour le secteur bancaire et financier. Concrètement, quelles prestations allez-vous proposer?

Hédi Ben Abbes : Nous faisons ce qu’on appelle en anglais du Business Development. Nous avons été contactés par un établissement bancaire espagnol, Banco Arabe Espanol S A. (ARESBANK), qui nous a demandé de développer son activité sur le marché tunisien et de voir dans quelle mesure on peut répondre aux besoins des banques tunisiennes par la facilitation du commerce et la mise à disposition de ressources financières dans cette période difficile. Notre partenariat est exclusif. Notre banque peut intervenir pour faciliter les transactions commerciales par la confirmation de lettres de crédit, à travers le réseau assez étoffe dont elle dispose pratiquement sur tous les continents. Ce service lié au commerce international constitue le cœur de l’activité de l’ARESBANK.

Notre rôle est de servir d’intermédiaire, facilitateur, apporteur d’affaires, pour permettre à certains établissements sélectionnés –parce qu’un due deal sera effectué pour analyser la capacité des banques et leurs finances. Notre cabinet intervient en apportant un avis motivé, sur la base d’études de l’état financier des établissements. Il se trouve dans une position névralgique qui va permettre de sécuriser ce genre de transactions.

Il est très difficile pour un établissement bancaire de venir dans un pays en difficulté. Et la Tunisie l’est : sa note souveraine est extrêmement mauvaise, et elle est plus ou moins sur toutes les listes noires, ce qui, évidemment, augmente le taux de risque du pays.

Lorsque la santé financière d’un pays est bonne, tout devient facile. Quand il est en difficulté, la confiance s’effrite. Par conséquent, certaines banques peinent à avoir la confirmation de leurs lettres de crédit, car très peu de banques étrangères acceptent de se porter garantes et de confirmer celles émanant d’un pays à risque comme la Tunisie.

En plus de cela, nous sommes disposés -c’est ce que j’ai dit à quasiment l’ensemble des directeurs généraux et P-DG de banques installées en Tunisie- à apporter des liquidités à court, moyen et long terme et sous plusieurs formes.

Les banques que vous avez approchées sont-elles intéressées ?

L’écrasante majorité, pour ne pas dire la totalité, sont preneurs, extrêmement favorables. Avec des degrés en termes de réactivité. Moi-même qui suis Tunisien jusqu’au bout des ongles, je n’arrive pas à comprendre une certaine lenteur. Surtout quand on est dans une situation un peu délicate. Qu’on soit moyennement réactif dans une situation confortable cela peut se comprendre. Mais quand on est un peu fragile et que la réactivité n’est pas à l’heure, c’est que c’est le système qui pose problème.

Les personnes sont pleines de bonne volonté. Mais la bonne volonté ne suffit pas. Il faut que l’ensemble de la machine suive. Mais nous avançons à une vitesse assez soutenue.

Aujourd’hui nous sommes dans une situation d’urgence et tous les intervenants et acteurs économiques et financiers doivent faire le maximum pour que notre pays puisse sortir de cette crise profonde dont les conséquences peuvent être extrêmement graves.

Est-ce que les banques publiques dont on connaît la situation peuvent, elles aussi, bénéficier des services que propose l’ARESBANK ?

Oui, absolument. J’ai pris contact personnellement avec les trois directeurs généraux des banques publiques qui ont très bien accueilli l’idée. Et nous sommes en train de travailler à la préparation des dossiers pour qu’on puisse avancer le plus vite possible.

Evidemment, les banques publiques sont de grosses machines. Elles diffèrent de certaines banques privées, de petites structures où la réactivité est beaucoup plus soutenue. Mais j’ai trouvé auprès des directeurs généraux et des premiers responsables un grand intérêt et un enthousiasme très encourageant.

Est-ce que l’intérêt d’ARESBANK pour la Tunisie peut aller, à terme, au-delà de la simple mise à disposition de financements ?

Oui, parce que l’ARESBANK est une banque …, ce que je vais dire est un peu oxymorique, contradictoire, une banque qui ne perd pas la dimension sociale. C’est très rare. Bien sûr, ARESBANK reste tout de même une banque qui cherche le profit ; il ne faut pas se leurrer. Mais elle a cette petite touche particulière qui lui fait accorder de l’importance à la dimension sociale.

Elle est disposée à développer pas mal d’autres activités. Bien que le cœur du métier de cette banque soit le commerce international, il y a des perspectives dans un certain nombre de domaines qui me paraissent, si on les travaille, assez prometteuses pour le pays. D’ailleurs, on est en train de constituer une équipe pour cela. En plus du volet bancaire, pour lequel nous travaillons à 95%, il y a d’autres aspects économiques sur lesquels on a commencé à mettre les premiers jalons.

Quelles activités pourraient être développées ?

Les Espagnols ont plusieurs points forts. L’agroalimentaire en est un. Je pense tout de suite à l’huile d’olive, mais il y a également les agrumes, les légumes. La Tunisie peut tirer profit du savoir-faire espagnol dans ces domaines.

Propos recueillis par Moncef Mahroug