Il n’est nul besoin d’être un expert en une quelconque discipline pour identifier des offres d’emplois dans le monde. Il suffit de zapper sur le net pour se rendre compte que pratiquement tous les pays industrialisés en offrent. Deux principales conditions sont exigées : la qualification de cette main-d’œuvre et son adaptation aux besoins exprimés.

Toutes les spécialités sont demandées. C’est particulièrement le cas du Canada qui reçoit, chaque année, plusieurs centaines des milliers de travailleurs émigrés qualifiés. C’est le cas des pays de l’Union européenne dont les besoins en main-d’œuvre sont estimés à 2 millions de personnes. Des centaines de milliers d’offres d’emplois sont également formulées par d’autres pays comme la Nouvelle Zélande, l’Australie, le Japon, la Suisse….

Lorsqu’on sait que la Tunisie compte plus de 600.000 chômeurs dont plus de 250.000 sont des diplômés, on ne peut pas s’interdire de s’interroger sur le désintérêt et l’incapacité de notre diplomatie économique d’exploiter ce filon pour négocier avec les pays demandeurs une émigration organisée.

Interpellé par des “experts“ hyper-médiatisés sur ce sujet, le secrétariat d’Etat chargé de ce dossier, tout autant que les autres départements concernés (Affaires sociales et Formation professionnelle) n’ont pas daigné apporter des réponses convaincantes…

Pourtant, ce que ces experts leur demandent est très simple. Il s’agit de répertorier par spécialité, dans une base de données centrale, tous les demandeurs d’emplois en Tunisie et d’assurer aux non qualifiés d’entre eux de nouvelles formations professionnelles de trois à six mois pour les adapter aux profils exigés à l’international.

Il semble que le mal dans la structure chargée de la diplomatie économique ait besoin de temps pour s’adapter à ces nouvelles exigences. 

La diplomatie économique a besoin d’une vision

Le Centre international Hédi Nouira de prospectives et d’études sur le développement s’est penché sur ce dossier et est allé plus loin que cette recommandation générale des experts. Il propose, dans le cadre d’un rapport sur «le redressement économique 2018-2019» auquel ont contribué 17 experts multidisciplinaires, une stratégie en cinq points pour booster la diplomatie économique en Tunisie et pour la professionnaliser.

Le premier point consiste en la création, en urgence, d’un Conseil supérieur de la diplomatie économique. Cette structure est appelée à arrêter une vision dans ce domaine et de tracer une feuille de route pour la diplomatie tunisienne et l’ensemble des représentations tunisiennes (ambassades, consulats, structures d’appui diverses…).

Ce conseil aura également à évaluer en permanence le rendement de ces structures et décidera des réaménagements à y apporter.

Faire de l’ambassade un think tank

Le second point se propose de faire de l’ambassade «un think   tank» au service de la coopération technique et un coordinateur-animateur de l’ensemble des services extérieurs.

Il s’agit aussi de conférer un nouveau profil au chef de poste diplomatique et de repenser la Conférence annuelle des ambassadeurs notamment, en l’organisant sur une base régionale et en adoptant une approche basée sur les résultats.

A titre indicatif, le rapport suggère la mise en place d’une sous-stratégie diplomatique dédiée à l’Afrique (coopération technique, transport, redéploiement des banques tunisiennes dans cette zone…).

Le troisième point met l’accent sur l’intérêt qu’il y a pour la Tunisie de développer les services d’intelligence économique, un segment sur lequel la Tunisie demeure absente.

Le quatrième point recommande un partenariat plus efficace entre le ministère des Affaires étrangères et les ambassades et le patronat. Objectif : donner la place qu’il faut au secteur privé dans la diplomatie économique.

L’enjeu du lobbying

Le cinquième et dernier point de cette stratégie porte sur l’enjeu de mettre en place un réseau de lobbying et l’exploitation de l’argumentaire démocratique : la Tunisie démocratie naissante, premier pays du printemps arabe, transition politique sans heurts….).

Le rapport note à ce propos : «Partout dans le monde, aujourd’hui, l’influence s’exerce en partie en dehors des cercles diplomatiques officiels et il faut reconnaître à ce niveau que la Tunisie a de moins en moins de relais à l’extérieur depuis le démantèlement de l’ATCE et de réseaux informels, tel que le «Cercle des amis de la Tunisie».

Toujours au rayon du lobbying, le rapport suggère à la Tunisie de s’adjoindre les services spécialisés dans la communication et le lobbying.

Par-delà cette stratégie du Centre international Hédi Nouira, la Tunisie, confrontée à une récession économique sans précédent, a tout intérêt à actionner, en toute urgence, le levier de la diplomatie économique aux fins de placer une bonne partie de ses chômeurs, de mobiliser de nouveaux investissements directs étrangers et de disposer de relais de lobbying dans les centres de décision internationaux.