Mercredi 6 juin 2018, Lotfi Brahem, ministre de l’Intérieur a été démis de ses fonctions par le chef du gouvernement, Youssef Chahed. Qu’est-ce qui explique ce limogeage alors que le pays s’apprête à fêter l’Aïd el Fîtr, mais surtout à entrer dans la saison estival avec tout ce que cela nécessite comme préparatifs?

Pour l’heure, un seul fait serait reproché au ministre de l’Intérieur par le chef du gouvernement: le drame du naufrage d’un bateau de migrants irréguliers à Kerkennah intervenu dimanche 3 juin 2018, et ayant fait plusieurs victimes.

L’annonce du limogeage est intervenue mercredi en fin de matinée sur la page Facebook de la présidence du gouvernement, sans aucune précision sur les raisons de ce limogeage; le gouvernement se contentera d’indiquer que le ministre de la Justice, Ghazi Jeribi, a été chargé d’assurer l’intérim de l’Intérieur.

Cependant, il n’est pas inutile de revenir sur ce qui s’est passé les quelques jours avant le limogeage du ministre de l’Intérieur.

D’abord, des bruits de couloir faisaient état d’un ultimatum de 48 heures donné à Lotfi Brahem par Chahed pour exécuter un mandat de dépôt contre Najem Gharsalli (ancien ministre de l’Intérieur) qui devait être entendu par la justice dans une affaire de complot contre la sûreté de l’état interne. Même si l’information a été démentie par l’intéressé lui-même, c’est-à-dire Lotfi Brahem, lequel affirme n’avoir reçu aucun avis -oral ou écrit- du chef du gouvernement concernant cet ultimatum, on ne peut totalement l’exclure…

Mais c’est presque une certitude, l’affaire de Kerkennah est pour beaucoup dans ce limogeage. En effet, il est particulièrement reproché au ministère de l’Intérieur d’avoir laissé “un vide sécuritaire” depuis 2016 après le retrait des forces de sécurité lors des accrochages qui ont eu lieu avec des sans-emplois protestant devant la société Petrofac.

A noter au passage que plutôt dans la journée de mercredi, Lotfi Brahem a démis 10 responsables des corps de la sécurité et de la Garde nationale à Sfax, à la lumière des investigations sur les circonstances du naufrage de Kerkennah.

On peut également souligner que durant le jour même (mercredi 6 courant), le président de la République a reçu le chef du gouvernement au sujet justement sur l’état d’avancement de l’enquête sur les circonstances du naufrage de l’embarcation au large de Kerkennah.

Mais l’élément qui présageait cette crise entre le Premier ministre et son ministre de l’Intérieur, c’est le déplacement, mardi 5 juin -c’est-à-dire près de 2 jours après le drame- à Kerkennah de Chahed sans être accompagné par Lotfi Brahem mais par celui de la Défense. D’ailleurs, il avait saisi cette occasion pour réaffirmer la détermination à renforcer la présence sécuritaire dans l’île, à remédier aux défaillances constatées et à poursuivre en justice les trafiquants de mort qui manipulent la jeunesse tunisienne.

Au cours de cette visite, Chahed avait ouvertement admis l’existence d’un vide sécuritaire malgré les nombreuses mesures prises. Il a annoncé la création dans les jours qui viennent, d’un groupement de sécurité à Kerkennah qui permettra aux sécuritaires d’être présents sur les lieux de manière continue.

Il a également assuré que des radars et autres équipements seront fournis aux unités de la Garde maritime pour leur permettre de mener à bien leur mission.