Plusieurs partis tunisiens ont mis en garde contre l’aggravation de la crise politique après l’allocution du chef du gouvernement, Youssef Chahed, dans la soirée du mardi 29 mai 2018, à l’adresse de l’opinion publique.

Luttes intestines, selon Al Joumhoury

Al Joumhoury estime que le gouvernement Chahed “est l’illustration de l’échec du pouvoir issu des élections de 2014 en raison de l’absence d’une vision, d’une volonté de réforme réelle ou d’un traitement des échéances présentes vers l’atténuation du chômage, le développement, l’équilibre régionale et la lutte contre la corruption”.

Le parti va plus loin pour souligner que les négociations sur le document de Carthage 2, qui ont duré près de trois mois, “ont davantage fragilisé la situation et paralysé les structures du pouvoir rendant de ce fait inéluctable le changement du gouvernement d’union nationale qui a perdu le soutien de la plupart de ses signataires, en raison des coups que lui ont porté les partis au pouvoir lesquels font et défont les gouvernements à cause de leurs luttes intestines et leur volonté de positionnement”.

“La Tunisie a besoin aujourd’hui d’un gouvernement retreint se fixant pour objectif de limiter la détérioration de la situation socio-économique, préserver la sécurité, assainir le climat politique et préparer le pays aux prochaines élections avec un engagement du pouvoir exécutif bicéphale de se consacrer aux affaires de l’Etat sans se porter candidats aux prochaines élections et de réunir les conditions politiques propices à une sortie de crise loin des luttes de succession qui se profilent à l’horizon et dont la Tunisie a lourdement pâti dans sa récente histoire politique”, souligne Al Joumhouri.

“Trop tard” pour le Courant démocratique

Ghazi Chaouachi, secrétaire général du Courant démocratique, pense que l’allocution du chef du gouvernement “a été tardive car les problèmes qu’il évoque et les entraves qu’il rencontre étaient perceptibles dès ses débuts et, de ce fait, il aurait dû les faire savoir bien avant”.

“Le chef du gouvernement a essayé de mettre en valeur les réalisations de son gouvernement mais a dû faire face à des obstacles, dont la crise au sein du parti Nidaa Tounes, dont le responsable est son directeur Hafedh Caïd Essebsi, qui a atteint les structures de l’Etat”, a ajouté Chaouchi dans une déclaration à l’agence TAP.

Toutefois, ajoute-t-il, le chef du gouvernement “a avancé des contre-vérités dont le taux de croissance de 2,5% alors que celui-ci est conjoncturel, la preuve qu’il ne contribue pas à améliorer la situation économique”.

Il a d’autre part critiqué Youssef Chahed d’avoir “exploité une tribune médiatique publique (Al Wataniya 1) pour régler ses comptes avec le directeur exécutif de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, et adresser des accusations à son parti”, estimant que le chef du gouvernement “est tenu aussi d’assumer sa part de responsabilité”.

Afek Tounes: se positionner pour 2019…

Pour sa part Karim Helali, président du bureau politique de Afek Tounes, a appelé sur sa page facebook “à mettre un terme à la crise aiguë que vit depuis trois ans Nidaa Tounes, une des composantes importantes de la famille politique du centre, qui a influé sur le rythme des reformes économiques et sociales, sur le climat politique général dans le pays et sur le rapprochement des courants modernistes et l’instauration de l’équilibre politique avant l’échéance de 2019”.

Hirak Tounes: tous responsables…

Le parti Hirak Tounes a qualifié de son côté la suspension du Document de Carthage de “fin naturelle d’un processus tortueux basé sur des équilibres précaires, des calculs étroits et des consensus fallacieux qui a fini par un échec total dans la gestion des dossiers économiques et sociaux et la préservation de l’image de la Tunisie et de son crédit”.

Il appelle les organisations sociales à prendre leur distance de “ce processus suspect et d’assumer leur rôle originel dans l’instauration de l’équilibre social et la défense de ses adhérents après la crise politique profonde que connaît le système politique au pouvoir”.

Hirak Tounes rend responsables les parties engagées dans ce processus “parallèle qui viole la constitution et ses institutions et a conduit à une crise amplifiée du pouvoir” et de “ses graves retombées sur la stabilité du pays, le moral des Tunisiens et l’image de la Tunisie auprès de ses partenaires”.

Le président de la République… coupable!

Le Parti populaire républicain a rendu pour sa part le président de la République “totalement responsable de la détérioration de la situation dans tous les domaines”, estimant que “celui qui a choisi les gouvernements successifs est responsable des crises à répétition, de la violation de la constitution et de la mainmise des pouvoirs”.

“Le parti Ennahdha est devenu un arbitre dans la vie politique et le gouvernement gérera son échec sous sa protection alors que la présidence de la République poursuivra son plan pour briguer un nouveau mandat après avoir neutralisé le chef du gouvernement dans la course pour la présidence”, ajoute le parti.

Faux consensus Ennahdha-Nidaa pour se partager le gâteau

Le Parti des travailleurs souligne être “convaincu que le faux consensus entre les mouvements Ennahdha et Nidaa Tounes tout en consacrant les orientations socio-économiques réactionnaires hostiles aux intérêts du peuple et du pays va se transformer rapidement en une lutte acharnée pour se partager le gâteau et le contrôle des centres de pouvoir et d’influence qui n’a aucun rapport avec les intérêts du peuple et ne profite qu’aux intérêts des partis concernés, les figures du pouvoir et leurs familles ainsi que les lobbies qui les entourent”.

“Nous mettons en garde contre amplification de la crise, l’effondrement de l’économie, l’exacerbation des conditions de vie difficiles des citoyens et citoyennes (chômage, marginalisation, pauvreté, cherté de la vie, détérioration des services…) et l’ouverture du champ à l’intervention de puissances étrangères pour imposer leurs choix et installer leurs pions à la tête des institutions de l’Etat”, écrit le parti.

Le parti accuse “la coalition au pouvoir (présidence, chef du gouvernement, Parlement et partis) de vouloir mener le pays vers la faillite et le chaos”.

Le chef du gouvernement a défendu, lors d’une allocution télévisée mardi soir l’action de son gouvernement, tout en accusant le directeur exécutif du parti Nidaa Tounes, dont il fait partie, Hafedh Caïd Essebsi, et son entourage d’avoir “détruit” le parti.

Cette allocution du chef du gouvernement intervient après la suspension par le président de la République, Béji Caïd Essebsi, des pourparlers sur le Document de Carthage 2 et les divergences sur le changement ou le maintien de Youssef Chahed à la tête du gouvernement…