En dépit de son bilan pas très positif sur le plan économique, l’année 2017 a été marquée par des réalisations civilisationnelles majeures accomplies en partenariat entre la société civile et le gouvernement en faveur des personnes vulnérables, enfants, femmes, ruraux et individus victimes de la discrimination et de la corruption. Ces acquis, dont l’impact sera ressenti par les générations futures, ont fait l’objet de plusieurs lois progressistes dont certaines ont été adoptées tandis que d’autres sont examinées actuellement par le Parlement.

La première réalisation concerne l’adoption, le 26 juillet 2017, d’un texte qu’on peut qualifier de “révolutionnaire“, d’“historique“ et de “pionnier“. Il s’agit de la loi contre les violences faites aux femmes.

La femme mieux protégée

Cette loi, à la fois préventive et curative, vient renforcer la protection des femmes victimes de violences et abolit certaines dispositions rétrogrades avec la légalisation du mariage des Tunisiennes avec des non-musulmans et l’ouverture d’un débat sur l’égalité femme/homme en matière d’héritage.

Parmi les modifications qu’elle introduit, figure l’amendement de l’article 227 bis du Code pénal avec la suppression de la disposition qui prévoit l’abandon des poursuites contre l’auteur d’un acte sexuel «sans violences» avec une mineure de moins de 15 ans s’il se marie avec sa victime. En effet, dans son ancienne version, l’article prévoyait une possibilité pour le violeur d’échapper à une peine de prison s’il épouse sa victime.

La nouvelle loi interdit d’employer des mineures en tant qu’aides ménagères. Toute infraction à cette loi sera dorénavant sanctionnée de 3 à 6 mois de prison.

Autre nouveauté majeure: l’âge de la maturité sexuelle a été pour sa part élevé à 16 ans au lieu de 13 ans.

Plus de moyens pour lutter contre la discrimination

La deuxième réalisation est également une nouvelle loi dont le projet est actuellement soumis à l’approbation de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Cette loi se propose de réprimer, pour la première fois, la discrimination sous toutes ses formes.

Dictée par la multiplication d’actes racistes perpétrés contre les étudiants africains qui suivent leurs études dans les universités tunisiennes, cette loi institue des mécanismes qui permettent de prévenir la discrimination, de protéger ses victimes et de sanctionner sévèrement ses auteurs.

Ainsi, toute personne qui tient des propos désobligeants et méprisants vis-à-vis d’une autre personne ou commet des actes racistes peut écoper soit d’une peine de prison d’un mois à six mois, soit d’une amende de 500 à 1.000 dinars, soit les deux à la fois. La sanction est doublée lorsque les victimes sont des personnes fragiles (enfant, vieillard, femme…) et lorsque les fauteurs d’actes de discrimination occupent des postes officiels.

Ces sanctions sont aggravées dans d’autres circonstances. L’article 9 prévoit des peines de prison de un à 3 ans de prison ou d’une amende de 3 mille dinars ou les deux sanctions à la fois à toutes les personnes qui incitent à la haine, à la violence, à la discorde et à la suprématie raciale.

L’article 10 va plus loin, il prévoit pour toutes les personnes morales qui encouragent et financent la constitution d’organisations racistes ou participent à leurs activités des amendes de 5 mille à 15 mille dinars.

Avec cette loi progressiste, la Tunisie, premier pays arabe et musulman à avoir aboli l’esclavagisme un certain 23 janvier 1846, se distingue de nouveau en renforçant son arsenal juridique pour lutter encore plus efficacement contre toute forme de discrimination.

Il s’agit là d’une avancée fort significative sur la voie de la tolérance et de l’égalité totale entre les hommes. Nous ne pouvons que la saluer.

L’économie solidaire et sociale, un nouvel ascenseur social

La troisième a une vocation développementale. Elle concerne l’élaboration d’une loi devant institutionnaliser, en Tunisie, l’Economie solidaire et sociale (ESS).

En théorie, le concept d’économie solidaire et sociale désigne un ensemble d’entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d’utilité sociale.

Ces entreprises adoptent des modes de gestion démocratiques et participatifs. Elles encadrent strictement l’utilisation des bénéfices qu’elles réalisent : le profit individuel est proscrit et les résultats sont réinvestis. Leurs ressources financières sont généralement en partie publiques.

L’ESS s’est imposée en raison de la non inclusivité de certains modèles de croissance, de la fragilité des tissus sociaux et des conséquences sociales de la vulnérabilité socio-économique de plusieurs catégories (femmes, petits exploitants agricoles, artisans, catégories aux besoins spécifiques…).

Cela pour dire qu’aujourd’hui l’ESS offre une réelle opportunité d’élargissement de certaines sphères productives des pauvres et d’organisation des liens de solidarité entre les populations et les régions.

Selon le PNUD, cette forme d’organisation économique et sociale contribue, dans plusieurs pays développés, à créer 10% de l’emploi total. D’où l’importance de ce secteur en tant que gisement de création de richesses et d’emplois dans plusieurs secteurs d’activités et de consolidation des liens de solidarité entre les populations et les régions.

A retenir également: l’ESS n’est pas une niche d’assistanat, c’est une économie à part entière à même de générer des sources de revenus réguliers et décents. Elle est développée dans les activités où l’Etat ne peut pas financer et où le privé ne veut pas y investir.

L’ESS n’est pas un cadre pour des activités caritatives. Les entreprises qui s’en réclament sont des entités appelées à créer des richesses.

C’est la panacée idéale pour créer au moindre coût des emplois et des sources de revenus dans l’arrière-pays. Est-il besoins de rappeler que le coût d’emploi est estimé à 5 mille dinars au maximum.

Des dénonciateurs pour dissuader la corruption

La quatrième consiste en l’adoption, en février 2017, de la loi relative à la dénonciation de la corruption et à la protection de ses dénonciateurs. Cette loi constitue un pas important sur la voie de la lutte avec plus d’efficience contre le fléau de la corruption.

Défini comme loi organique, ce texte prévoit la mise en place des mécanismes de dénonciation de la corruption et de protection de ses dénonciateurs, de manière à consacrer les principes de transparence et d’intégrité.

La loi définit, également, les conditions et les procédures de dénonciation de la corruption et de protection de ses dénonciateurs et dresse les sanctions envisagées contre toute personne qui s’avise de révéler l’identité du dénonciateur.

Point d’orgue de cette loi, le chapitre réservé à la protection des dénonciateurs. La loi donne des garanties de protection des dénonciateurs de corruption en coordination avec les autorités (encadrement juridique et sécuritaire). L’atteinte à l’intégrité physique des dénonciateurs est sanctionnée de cinq à dix ans de prison.

Cette loi gagnerait toutefois à être renforcée par l’institutionnalisation de la lutte corruption et par l’adoption du projet de loi sur l’enrichissement illicite et la lutte contre les conflits d’intérêt.