Malgré les résultats et les réalisations politiques importantes accomplies par la Tunisie, au cours des six dernières années, les avancées économiques tardent à venir. En effet, les finances publiques ont enregistré un net déséquilibre reflété notamment par la dégringolade du taux de croissance et l’aggravation du chômage, outre les ratios d’endettement sans précédent, en raison du changement semi structurel du tissu économique et financier et l’apparition d’un nouveau contexte social.

Il est difficile d’évaluer la conjoncture par laquelle est passée la Tunisie, au cours de cette période, car la question concerne des aspects économiques, financiers et sociaux complexes, selon l’expert économique spécialisé dans les risques financiers, Mourad Hattab.

Il a indiqué, dans un entretien à l’Agence TAP, que ce changement structurel des conditions économiques et sociales est le résultat de l’instabilité de la situation politique en raison de l’adoption du régime parlementaire, lequel a éparpillé les efforts et créer une situation de flou aux niveaux de la législation et de l’élaboration de politiques de développement répondant aux aspirations de larges franges de la société, qualifiant la période post révolution de “celle des maigres indicateurs financiers”.

Déséquilibre au niveau de la dynamique économique et effondrement de la classe moyenne

Un des résultats les plus importants de la Révolution du 14 janvier 2011, est la légère hausse de la valeur du PIB et du PNB aux prix courants, laquelle est passée de 61,1 milliards de dinars à 83,5 milliards de dinars, au cours des six dernières années, selon les dernières statistiques de la Banque centrale de Tunisie (BCT). “Réellement, la Tunisie n’a pas réalisé un taux de croissance selon les critères convenus”, a encore indiqué Hattab.

Et d’expliquer les divergences entre les estimations et les réalisations dans le domaine de la croissance (1,5% depuis 2011), par la hausse vertigineuse de l’indice de pression fiscale (22%), qui est l’un des indicateurs les plus élevés en Afrique et dans le monde.
Il s’agit, en outre, de l’instabilité du système fiscal (près de 570 mesures fiscales prises depuis 2011) en plus de l’attente par les investisseurs de profondes réformes économiques, a-t-il encore fait savoir.

Selon les données officielles de l’Institut national de la statistique (INS), cette situation a causé une baisse du revenu brut par habitant en dollar américain (monnaie de référence), de 11,6%, un niveau très élevé qui traduit la régression des acquis financiers des Tunisiens, entraînant pour la première fois, depuis la fin des années soixante-dix, l’effondrement de la classe moyenne et l’émergence d’une nouvelle classe appelée classe moyenne flottante (floating middle class), selon Hattab.

Sur le plan quantitatif, le capital fixe de la Tunisie (valeur de l’épargne nationale nette) a enregistré une baisse passant de 10,402 milliards de dinars à 7,776 milliards de dinars, au cours de la période post-révolution. “C’est une première du genre, estime l’expert, ajoutant que le Tunisien consacre près de 89,5% de son revenu pour la consommation des produits et services de base.

Cette situation a en outre causé une baisse du taux d’investissement qui a diminué pour s’établir à 15,6% contre 21,9%, ce qui a conduit à une baisse du nombre d’emplois créés (-49,6 mille emplois), comme moyenne annuelle. Cette baisse est expliquée par la régresion des recrutements dans le secteur privé, l’arrêt d’activité d’environ cinq mille entreprises et le blocage de l’activité d’environ 7 sociétés, selon les données de l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (APII).

Selon les mêmes données, 90% des intentions d’investissement dans la plupart des secteurs ne se concrétisent pas, sachant que leur valeur n’a pas dépassé 2,950 milliards de dinars dans les secteurs de l’industrie et des services, à la fin du mois de novembre 2017. La Tunisie a perdu, depuis le 14 janvier 2011, près de 250 mille emplois directs.

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