Tunisie-Lutte anticorruption : La loi sur l’enrichissement illicite doit également concerner le secteur privé

La Commission de la législation générale à l’Assemblée des représentants du peuple a entamé, début novembre courant, la discussion du projet de loi n°2017-89 relatif à la déclaration de patrimoine, à la lutte contre l’enrichissement illicite et les conflits d’intérêts dans le secteur public.

Proposé par le gouvernement Youssef Chahed, ce texte, une fois adopté, permettra, si besoin est, d’enrichir l’arsenal législatif contre la corruption, déjà en place. Le Parlement avait adopté, en février dernier, une loi anticorruption qui devrait permettre de faciliter la dénonciation de ce fléau tout en protégeant les lanceurs d’alerte.

Youssef Chahed a lancé, en décembre 2016, une stratégie nationale pour combattre ces dérives toujours présentes dans le pays, sept ans après la Révolution. “La corruption nuit au développement économique”, ont averti des experts, estimant que “le commerce parallèle s’élèverait à près de 50% du PIB de la Tunisie”.

Selon des études élaborées par des organismes internationaux, la lutte contre la corruption aussi bien au niveau de la législation qu’au niveau de la mise en application des décisions est jugée aujourd’hui “lente” face à l’ampleur des défis auxquels est confronté le pays.

Mohamed Ayadi, membre de l’Instance nationale de lutte contre la corruption a souligné que l’arsenal législatif de lutte anticorruption comporte aujourd’hui plusieurs lacunes et ce, en dépit des avancées enregistrées dans ce domaine. Il a appelé à accélérer l’adoption de la loi sur la déclaration de patrimoine et la lutte contre l’enrichissement illicite.

“Ce projet, une fois adopté, permettra à la Tunisie de se doter d’un important arsenal législatif de lutte contre la corruption”, a-t-il estimé.

Pour Ayadi, la loi ne devra pas concerner uniquement le secteur public dans la mesure où le secteur privé n’est pas à l’abri de ce fléau.

Ayadi à plaidé pour la mobilisation de moyens humains, logistiques et financiers conséquents pour mener à bien la stratégie nationale de lutte anticorruption.

Par ailleurs, le membre de l’instance a appelé à la numérisation de l’administration et à la généralisation du système informatique dans toutes les transactions et les marchés publics à travers la mise en place des systèmes “Open Gov” et “E-gouvernement”.

Contrairement à l’avis de Mohamed Ayadi, le juge d’instruction près le Pôle économique et financier, Mohamed Kammoun, a estimé que la loi sur la déclaration de patrimoine, la lutte contre l’enrichissement illicite et les conflits d’intérêts ne devra en aucun cas concerner le secteur privé d’autant que le code pénal n’incrimine pas dans sa version actuelle la corruption dans le secteur privé.

Selon le juge, le point faible de la législation tunisienne réside en l’absence de textes de lois qui incriminent la corruption dans le secteur privé. “Cette importante lacune a eu un impact négatif sur le processus d’évaluation de la législation tunisienne dans ce domaine”, a-t-il regretté jugeant indispensable d’amender le code de procédure pénale dans le sens de l’incrimination de la corruption dans le secteur privé.

Kammoun a dénoncé les difficultés auxquelles est confronté aujourd’hui, le Pôle judiciaire, économique et financier appelant à la mobilisation d’équipements et de moyens humains nécessaires notamment les analystes et les experts qui n’ont pas encore rejoint le pôle, a-t-il insisté.

Pour Taieb Madani, président de la commission de législation générale à l’Assemblée des représentants du peuple, la législation tunisienne sur la lutte contre la corruption est “insuffisante; le gouvernement Chahed avait proposé, le projet de loi sur la déclaration de patrimoine et la lutte contre l’enrichissement illicite pour enrichir seulement l’arsenal législatif”.

Madani a souligné que l’effort national en matière de lutte contre la corruption est aujourd’hui éparpillé dans la mesures où plusieurs intervenants sont directement impliqués dans ce processus citant notamment, la police fiscale, la douane, les institutions de contrôle et la Justice”.