Ouvrir un vrai débat dans le pays sur la fiscalité. Tel est l’objectif qu’ont assigné les responsables de l’Association des économistes tunisiens (ASECTU) à l’étude sur «Ancrage de la justice fiscale & mobilisation des ressources», lancée avec l’appui de la Fondation HANNS SEIDEL et dont les conclusions ont été présentées jeudi 19 octobre 2017.

En la matière, rien n’est fait comme cela devrait être, rappelle Mohamed Haddar, président de l’ASECTU.

Premier constat, en six ans (2011-2017), la Tunisie a eu 10 gouvernements, 8 ministres des Finances, 13 Lois des Finances (LF) et Lois de Finances Complémentaires (LFC). Donc, il y a «instabilité gouvernementale». Or, rappelle M. Haddar, «les réformes fiscales demandent une vision et du temps».

Deuxième constat : l’«orientation et bureaucratique et technocrate. On est toujours dans la recherche de l’équilibre. On commence par décider du volume des dépenses puis on cherche les ressources pour les couvrir». Inconvénient de la démarche : «C’est toujours plus de taxes, donc plus de déficit et plus d’endettement». Ce qui «est malsain», juge le président de l’ASECTU. Qui y voit la preuve de la poursuite de «la politique de la fuite en avant».

Mais peut-on faire autrement en matière fiscale, s’interroge l’économiste? Qui est convaincu que oui. Et la recette se trouve dans le rapport de l’étude préparé par Professeur Mohamed Haddar et Mustapha Bouzaiene, statisticien-économiste.

Afin d’instaurer une justice fiscale et d’atteindre une meilleure utilisation des ressources publiques, l’étude de l’ASECTU œuvrer à ancrer 9 «préceptes»: légitimer l’impôt, mieux cerner la population potentielle des contribuables, rendre le système fiscal plus intelligible, évaluer l’impact des mesures fiscales ex-ante et ex-post, améliorer la capacité de l’Etat à lever l’impôt, faire face à l’élargissement du secteur informel, limiter sensiblement les règlements en espère, garantir un minimum de progressivité et cibler davantage le patrimoine.

Jugée comme l’«axe fondamental», parce qu’«il y va de la cohésion sociale et du vivre ensemble», la première action –la légitimation de l’impôt- consiste à «trouver un compromis sur des règles de justice et des règles de redistribution».

La deuxième action –mieux cerner la population fiscale- passe, outre la modernisation des services fiscaux, la mise en place d’un identifiant unique, par la mise en place d’un identifiant unique aussi bien pour les individus que les opérateurs économique devenue “urgente”.

La troisième action, rendre le système fiscal plus intelligible, vise à réduire l’opacité (…) et privilégier le prélèvement à la source «dans la mesure où l’opacité favorise l’irresponsabilité fiscale».

L’importance de la quatrième action –évaluer l’impact des mesures fiscales- réside dans le fait que «le manque de données statistiques fiables empêche souvent les décideurs d’évaluer convenablement l’incidence possible de changements majeurs au régime fiscal».

La cinquième action –améliorer la capacité de l’Etat à lever l’impôt- est importante parce que «quelle que soit son importance», la réforme fiscale «ne peut atteindre ses objectifs que si l’Etat procède à une amélioration profonde de l’administration fiscale elle-même». Cette amélioration passe par un renforcement des capacités logistiques, une dotation en ressources humaines qualifiées et l’instauration de procédures et techniques de contrôle «fermes et simplifiées».

Sur la sixième action –faire face à l’élargissement du secteur informel-, l’étude est moins catégorique. Elle se contente de rappeler que «les propositions s’accordent souvent sur le fait de mettre en place des mécanismes favorisant le basculement des activités formelles vers la sphère formelle».

A propos de la septième action –limiter «sensiblement » les règles en espèce-, le rapport de l’ASECTU souligne que les mesures prises à cet effet en Tunisie «ne sont pas suffisantes et ne sont pas mises en application avec rigueur».

Garantir «un minimum de progressivité» -huitième action-, qui «devrait signifier idéalement que les plus riches contribuent plus que les plus pauvres à l’effort fiscal», semble sinon impossible du moins difficile à atteindre. Car «les pouvoirs économiques et politiques» dont les riches disposent «leur permettent souvent de bloquer les réformes qui auraient pour effet d’accroître leur fardeau fiscal».

La dernière action –cibler davantage le patrimoine- semble encore plus difficile à atteindre, de l’aveu même des auteurs de l’étude. Qui observent que «s’il est déjà très difficile de se prononcer sur le degré des inégalités de revenu en Tunisie, on imagine bien que les disparités en termes de patrimoines soient beaucoup plus marquées».