L’Algérie, la Tunisie, la Libye, pour une Alliance stratégique comme cela se décline dans l’acronyme “ATLAS“, est-ce “the last chance“ tentative de donner corps à cet alter Maghreb? L’attelage proposé tombe sous le sens. Toutefois, pour se réaliser, saura-t-il triompher de la résistance des nationalismes?

Jeudi 4 juin dernier, l’IACE organisait la troisième édition de son Tunis Forum autour du thème qu’impose l’actualité, à savoir “La Tunisie et ses pays voisins: risques communs et solutions partagées“.

Ce thème n’est pas né du hasard. En proie aux périls du terrorisme et de la contrebande, les trois pays se retrouvent dans l’œil du cyclone. Tous trois s’exposeraient aux vents mauvais de la déstabilisation, en somme le scénario frisson, s’ils ne se ressaisissaient pas ensemble. La nécessité les met donc au défi d’engager une riposte commune via un décollage économique concerté. Ce serait leur parade de salut, selon les experts. Décloisonner leur espace, c’est leur dernière carte.

Un sursaut, in extremis, est-il plausible?

Crever tous les abcès en public et se dire toutes les vérités en face…

Deux plénières et quatre ateliers pour aborder les questions qui fâchent, à propos de cette obstination des trois pays à jouer perso, envers et contre tout. Les Guest speakers et les participants offraient la plus large représentativité du monde politique, de celui de l’entreprise, des partenaires sociaux, de la société civile et des institutions internationales. Tous se sont désinhibés. Le forum s’est mis sur un tempo de forte tonalité avec des échanges de grande pertinence. Et quand il arrive que l’on croise le fer, cela n’a fait que donner plus de mordant au débat. Ce fut un Forum oxygéné, sain, bienfaisant, positif, et nous souhaitons constructif. On s’est dit les vérités en face. Toutes les vérités. Les calculs de boutiquiers de part et d’autre, les promesses trahies, les paroles reprises, les contreperformances et toute l’étendue des dégâts de l’immobilisme économique.

On a parlé des réfugiés libyens en Tunisie et des conditions problématiques de leur séjour. Les investissements croisés et les restrictions les concernant. Ainsi que toute l’irrationalité du choix de l’isolationnisme qui s’abrite derrière cette obscure raison d’Etat que l’opinion ne parvient pas à percevoir. Rien n’a été éludé. Ce fut un exercice de “Crowd – brainstorming“. Cet événement fera date. Une dynamique a été amorcée. Une onde de choc doit naître de cette journée.

ATLAS : Un plan détaillé, prêt à l’emploi avec des dates précises

Dans son speech inaugural, Ahmed Bouzguenda, président de l’IACE, conférait une certaine solennité à l’instant. Sans le dire mais tout en le laissant sous-entendre, il signifiait à tous ses invités que c’est le moment ou jamais pour donner le strike, ensemble. Il décrit une sortie par le haut afin de combattre les maux qui font le lit du terrorisme et la contrebande retardant l’émancipation économique des trois pays.

Le terrorisme est en train de ronger la Libye avec la probabilité de la dépecer. La Tunisie est dans son collimateur. Et, par voie de conséquence, l’Algérie ne saurait être épargnée. Il faut faire coup double, disait-il. Associer la riposte sécuritaire au rebond économique sur fond d’intégration régionale. C’est une solution globale. Elle est déclinée dans le plan ATLAS dont le déroulé sera assuré par Youssef Kortobi, membre du board de l’IACE. Ce plan a le mérite de reprendre tous les projets structurants qui assureront une taille critique, aux trois économies ainsi intégrées avec les meilleurs rendements d’échelle.

On l’a bien vu, il ne s’agit pas d’une construction de l’esprit. Ce plan est concret. Il reprend un par un tous les projets concernant autant les zones frontalières que les projets transmaghrébins. Tout est consigné, chiffré et daté. Ce plan est imparable. Personne n’a pu lui apporter la contradiction. On n’a rien trouvé à lui opposer. Il coupe l’herbe sous les pieds des partisans de l’atermoiement, de ceux qui ont pris l’habitude de botter en touche, retardant le remembrement économique de la région. Le message est clair. Tout le monde est gagnant. Rien n’interdit a priori de le mettre en route, car il est prêt à l’emploi.

Quand les atomes n’accrochent pas, hélas!

Les trois pays offrent une physionomie figée. Le constat est amer car le ciment de l’union a manqué hier tout comme il n’est pas là aujourd’hui. La confiance ne règne pas entre les trois partenaires. Tout le temps qu’elle ne sera pas au rendez-vous, toutes les conventions signées par les Etats ne seront que de l’épat’ pour distraire la galerie.

L’Etat de blocage dans lequel se confinent les trois économies est proprement désolant. On ne trouve aucun bien-fondé à cette obsession contagieuse de l’isolationnisme. Les élites des trois pays se connaissent bien. Elles se sont côtoyées durant leur cursus universitaires et ont développé des visions proches sinon communes.

Les citoyens, pour leur part, ont su tisser des solidarités via les mariages mixtes et les affaires. Les chefs d’entreprise ont su transgresser les obstacles de toutes natures. Et pourquoi diable, les atomes, au lieu d’accrocher, se repoussent dès qu’il s’agit des pouvoirs en place? Les raisons d’Etat, quand elles vont à l’encontre des intérêts des peuples et à contrecourant de l’histoire, ne convient-il pas de les réviser? L’ennui est que la configuration actuelle est des plus favorables. L’intégration est aisée car nos économies ne sont que faiblement concurrentielles et, par conséquent, leur complémentarité est acquise.

Wided Bouchamaoui rebondira sur ce point et dira que le blocage vient de l’absence de volonté politique. Et c’est là la principale barrière non tarifaire qui nous fige dans notre impuissance. Est-il acceptable que des containers soient bloqués de part et d’autre entre l’Algérie et la Tunisie pour pointillisme douanier, tatillon? Laissez faire, laissez passer, disait-elle en substance. Assez de cette passivité politique désastreuse.

Houssine Abassi fera chorus avec elle mettant en avant l’effet dévastateur de la contrebande sur la sécurité de l’emploi et le pouvoir d’achat des salariés du secteur organisé. Par instinct de survie, il faut sévir et relancer la dynamique de l’intégration, concluait-il, en substance.

Tunisie : La balle au centre

Préfèrent-ils dépérir séparés au lieu de prospérer unis? Question existentielle pour les trois pays. En élaborant le plan ATLAS, l’IACE se met en posture de défiance par rapport aux calculs étriqués des nationalismes économiques dans les trois pays. ATLAS est un défi jeté aux trois gouvernements. Il se moule dans cette riposte devenue culte et connue de tous les amoureux de Martin Scorsese: “Une offre qu’ils ne pourront pas refuser“.

ATLAS tient compte des contraintes de chacun et il apporte une solution globale qui convient à tous. Cela dit, il met la Tunisie dans un rôle central de Hub. Mais est-ce un point de discorde? C’est un caprice de l’Histoire, voilà tout. Cela fait que la géographie du Maghreb s’en trouve impactée. Bourguiba, qui était attaché au Maghreb Central, le définissait de manière rusée: Le Maghreb s’arrête là où s’arrête le couscous, écartant de facto la Mauritanie et la Libye.

Désormais le Maghreb se décale et son centre de gravité et sa locomotive pourraient être la Tunisie. Et c’est là une réalité du terrain. A l’ouest, le Maroc a dribblé le Maghreb en se projetant dans les profondeurs africaines. A l’est, l’Egypte vit de manière introvertie. Par conséquent, le plan ATLAS devient un horizon imparable pour les trois pays.

Afif Chelbi, ancien ministre de l’Industrie, dit tout haut que la situation dans le Maghreb ne changerait pas pour les dix années à venir. L’oracle de l’IACE peut-il se vérifier? A bien des égards, esquiver le plan ATLAS apparaîtrait comme un acte de mauvaise volonté politique. Est-ce possible alors que la redevabilité commence à devenir, certes timidement, une composante de la vie politique dans nos pays?

Il reste que…

D’un point de vue strictement rationnel, on peut s’enthousiasmer pour le plan ATLAS et on ne peut que louer l’initiative de l’IACE car la Tunisie en tirerait plein bénef’. Il reste que d’un point de vue pragmatique, les choses ne se présentent pas comme on le souhaite car l’Algérie, peut encore vivre sur ses réserves et que, ATLAS n’est pas une priorité absolue. Pareil pour la Libye où le business de contrebande prime sur le reste. On comprend dés lors l’initiative de la Tunisie d’oeuvrer à une solution politique en Libye. En effet cela pourrait raviver l’intérêt de l’état libyen pour reprendre la main et à deux on pourrait entrainer l’Algérie dans cette opération de salut commune. Il faudra vraiment y aller au forceps.