Les tribunaux de commerce en grève contre la loi Macron

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étaient en grève le 11 mai 2015 pour protester Loi Macron qui prévoit de confier à des tribunaux spécialisés les contentieux concernant les plus grandes entreprises (Photo : Loic Venance)

[11/05/2015 11:18:30] Paris (AFP) Audiences suspendues et affaires renvoyées: une grande partie des tribunaux de commerce étaient en grève lundi pour protester contre une disposition du projet de Loi Macron qui prévoit de confier à des tribunaux spécialisés les contentieux concernant les plus grandes entreprises.

Ce mouvement, annoncé comme illimité par la Conférence générale des juges consulaires de France (CJCF), intervient alors la loi Macron doit être votée mardi au Sénat. Les juges s’inquiètent notamment de l’impact de cette réforme sur la “justice de proximité”.

“Plus de 98% des tribunaux ont suspendu leurs audiences aujourd’hui”, soit “près de 130 tribunaux de commerce sur 135”, a annoncé à l’AFP Yves Lelièvre, président de la CJCF. “Au total, ce sont plus de 3.000 juges qui sont en arrêt total d’activité”, ajoute-t-il.

Selon M. Lelièvre, la Conférence n’est pas hostile par principe à la délocalisation de certains dossiers importants, mais s’inquiète du seuil qui déclenchera le transfert automatique d’une affaire vers une autre juridiction.

Ces seuils doivent être déterminés par décrets, mais le gouvernement envisage de les fixer à 150 employés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, des bornes que la Conférence juge trop basses.

– Seuil de 250 salariés –

“Que les grandes entreprises soient traitées par des tribunaux spécialisés, pourquoi pas, mais à condition qu’ils soient suffisamment nombreux sur le territoire et que les tribunaux de proximité continuent à s’occuper des entreprises de taille moyenne”, assure M. Lelièvre.

Selon lui, certains patrons devront faire avec la réforme “200 ou 300 kilomètres” pour régler leur contentieux. Un coût important “en temps” et “en argent”, notamment pour les entreprises en difficulté.

La Conférence demande ainsi l’insertion dans la loi Macron d’une référence à la classification des entreprises de la loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008, soit un seuil de 250 salariés. Elle demande aussi que le nombre de tribunaux spécialisés soit fixé à 15 et non huit.

“A ce stade, aucun seuil n?a été décidé par le Gouvernement. Ils seront déterminés ultérieurement par voie de décret”, assure de son côté le ministère de l’Economie, qui conteste également le chiffre de huit tribunaux avancé par la CJCF.

“La réforme consiste à spécialiser certains tribunaux de commerce existants pour gérer les dossiers de redressement judiciaire les plus complexes. On parle d’une petite centaine de dossiers par an sur les 63.000 redressements judiciaires opérés chaque année”, ajoute Bercy.

– Entreprises en sursis –

Conséquence de la grève: de nombreuses affaires étaient reportées lundi, plaçant en sursis le sort des entreprises concernées. A Toulouse, Albi, Grenoble, l’activité des tribunaux était suspendue. A Rouen, les audiences étaient ouvertes mais reportées à trois semaines.

Au tribunal de Nanterre, qui s’inquiète de ne pas faire partie de la liste des tribunaux spécialisés alors qu’il est le 2è de France après Paris, plus de 500 dossiers devraient être renvoyés cette semaine, selon son président Francois Chassaing.

“S’il y a péril sur un bâtiment, si une entreprise se trouve en très grande difficulté, évidemment nous entendrons cette urgence et nous apprécierons au cas par cas”, assure toutefois M. Chassaing.

“Le mouvement est illimité tant qu’on n’a pas d’assurances que le gouvernement revienne sur les décisions qu’il semble avoir prises”, avertissait de son côté la présidente du tribunal de Rennes, Aliette Benoist.

Dans un communiqué, la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) a apporté lundi son soutien aux juges consulaires, en demandant “que les tribunaux de commerce de proximité gardent compétence pour les PME jusqu’à 250 salariés”, sauf cas spécifiques.

“Il est important que dans une telle période, les chefs d’entreprise, déjà fragilisés par les difficultés économiques qu’ils traversent ne soient pas, en outre, confrontés à des problèmes matériels liés à l’éloignement”, estime la CGPME.

Le Sénat a validé mercredi lors de l’examen du projet de loi la création des très controversés tribunaux de commerce spécialisés, mais en proposant, contre l’avis du gouvernement, que leur compétence ne soit automatique que pour les entreprises de plus de 250 salariés. Le texte doit être voté solennellement mardi avant de retourner devant l’Assemblée nationale.