Energie : l’Allemagne s’interroge sur le sort de ses centrales au charbon

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Allemagne, le 16 janvier 2012 (Photo : Patrick Stollarz)

[20/11/2014 10:55:56] Berlin (AFP) Après avoir condamné ses réacteurs nucléaires, l’Allemagne s’interroge sur la place de ses centrales au charbon, première source d’électricité et grosses pollueuses, dont l’arrêt est pourtant loin de faire l’unanimité.

Le gouvernement s’écharpe sur la question. La ministre de l’Environnement fait valoir que si la part du charbon ne diminue pas, l’Allemagne, volontiers pionnière en matière de protection du climat, va manquer son objectif de réduction d’émissions de CO2 à l’horizon 2020 (-40% par rapport à 1990). Son confrère à l’Economie lui oppose des considérations de sécurité d’approvisionnement, de coût et d’emploi.

“On ne peut pas sortir simultanément du nucléaire et du charbon”, argumente ainsi ce dernier, Sigmar Gabriel.

L’Allemagne a décidé d’arrêter d’ici 2022 tous ses réacteurs nucléaires, et à l’horizon 2050 les énergies renouvelables doivent représenter 80% de l’électricité consommée. Mais pendant cette “transition énergétique”, le charbon, qui pèse pour 46% dans la production de courant, conserve un rôle prépondérant.

La faiblesse du prix de cette matière première – concurrence du gaz de schiste américain oblige – et l’inefficacité du système européen d’échange de droits à polluer font de la génération au charbon une affaire lucrative.

– “D’une pierre deux coups” –

Mais de plus en plus de voix s’élèvent qui réclament un arrêt des réacteurs les plus polluants – notamment ceux marchant au lignite. Les Verts, privés de leur croisade anti-nucléaire, sont à la pointe du combat, secondés par nombre d’associations de protection de l’environnement et instituts de recherche.

Mercredi, l’un d’eux, le DIW berlinois, a présenté plusieurs scénarios de fermeture de réacteurs au charbon – entre 21 et 46 selon le modèle retenu -, qui permettraient à l’Allemagne de remplir ses engagements envers le climat.

“Nous avons des surcapacités, ce serait le bon moment”, a argumenté Claudia Kemfert, chercheuse du DIW en charge de l’étude.

“Ce serait faire d’une pierre deux coups”, estimait Ralf Fücks, directeur de la fondation Heinrich-Böll, proche des Verts et mandataire de l’étude.

Soustraire des capacités ferait grimper les prix sur le marché de gros, pour le moment au plus bas. Cela permettrait aux centrales à gaz, dont un certain nombre ont été mises en sommeil car trop peu rentables, de revenir dans la course. Les bénéfices en berne des énergéticiens, RWE et EON en tête, repartiraient à la hausse, le tout en minimisant la pollution, selon le modèle.

A l’heure actuelle, la filière charbon emploie quelque 50.000 personnes en Allemagne. Mais les partisans d’un arrêt des réacteurs balaient l’argument “emploi” du revers de la main. “Globalement l’effet sur l’emploi sera positif”, juge ainsi M. Fücks, “il s’agit de substitution, pas de faire baisser la production”.

– Résistances fortes –

Près de la frontière polonaise, dans une région où le groupe public suédois Vattenfall est le plus gros employeur avec l’exploitation du lignite et trois centrales électriques, cette logique à l’échelle allemande n’a pas beaucoup d’adeptes.

L’inquiétude y est double: au débat général sur le charbon s’ajoutent les velléités de Vattenfall de vendre ses actifs dans la région.

A l’autre bout du pays, dans la Ruhr qui marche à la houille, les résistances sont fortes aussi. “Il y aura encore des centrales au charbon dans les prochaines décennies en Rhénanie du Nord-Westphalie”, assure la chef de gouvernement du Land, Hannelore Kraft.

Les industries fortement consommatrices d’énergie s’inquiètent pour leur part du prix du courant en hausse, synonyme de baisse de compétitivité sur les marchés mondiaux.

Reflet de ces tiraillements, la contribution du secteur électrique au plan d’action du gouvernement pour faire baisser les émissions de CO2, présenté la semaine dernière, est encore assortie d’un gros point d’interrogation.

Le document doit être examiné en conseil des ministres le 3 décembre. “Beaucoup de choses seront éclaircies” d’ici là, a assuré mercredi une porte-parole de M. Gabriel.