Russie : le rouble à de nouveaux records de faiblesse

d3f39aa554134a91f7330f628a4baa6404947293.jpg
à Moscou, le 13 octobre 2014 (Photo : Kirill Kudryavtsev)

[05/11/2014 18:01:10] Moscou (AFP) La Banque centrale russe a décidé mercredi de limiter ses interventions destinées à soutenir la monnaie russe qui, plombée par la crise ukrainienne, a plongé à de nouveaux records de faiblesse tandis que l’inflation continue de progresser.

La Banque de Russie a annoncé se limiter à intervenir à hauteur de 350 millions de dollars par jour et de renoncer ainsi à ses ventes de devises “illimitées” en vue d’éviter “les stratégies spéculatives contre le rouble”.

Depuis le début du conflit dans l’est de l’Ukraine entre séparatistes prorusses et forces loyales à Kiev, la Banque centrale russe a dépensé des milliards de dollars dans ses interventions, jusqu’à 2,5 milliards de dollars pour la seule journée de jeudi dernier.

Ce changement de stratégie et apparente volonté de laisser filer la monnaie a été accueillie par un brusque décrochage du rouble, à de nouveaux records de faiblesse.

L’euro est monté jusqu’à 56,36 roubles et le dollar jusqu’à 44,98 roubles en début de séance, des niveaux jamais vus, avant que le rouble ne se reprenne.

La monnaie s’est néanmoins reprise après des propos rassurants de la vice-présidente de la Banque centrale.

“Nous avons jugé nécessaire de conserver des interventions sous certaines formes (…) avant tout pour éviter au marché un choc sérieux”, a assuré Ksenia Ioudaéva, citée par les agences russes.

La responsable a également assuré tabler sur une stabilisation du marché “d’ici à la fin de l’année”.

La monnaie russe a perdu près du quart de sa valeur depuis le début de l’année sur fond de crise ukrainienne et de sanctions occidentales de plus en plus dures contre l’économie russe, à l’origine de fuites massives de capitaux hors de Russie.

Le phénomène dope l’inflation (actuellement à 8,3% pour le mois d’octobre) et touche de plus en plus durement les ménages, sans pour autant affecter la popularité du président Vladimir Poutine (88% d’opinions favorables, selon le centre Levada).

– Les prix s’envolent –

L’économiste Neil Shearing, de Capital Economics, a jugé que les annonces de mercredi permettraient de “réduire le risque que la chute du rouble ne se transforme en crise monétaire s’alimentant elle-même”.

Selon lui, elle répond en partie aux conjectures concernant l’évolution de la politique de la banque centrale vers un taux de changes fixé par le marché.

La Banque de Russie tente de freiner l’hémorragie en resserrant le robinet du crédit et a frappé fort vendredi en relevant d’un point et demi son taux directeur, porté à 9,5%.

La plupart des économistes jugeaient une hausse des taux nécessaire pour signifier aux investisseurs qu’elle ne restait pas sans rien faire, le sujet inquiétant de plus en plus les ménages.

Ces décisions sont cependant critiquées par certains responsables publics qui craignent qu’en réduisant l’accès au crédit, la banque centrale ne fragilise encore davantage une économie au bord de la récession en raison des sanctions et de la chute des cours du pétrole.

De nombreux experts se montrent sceptiques quant à l’efficacité de telles mesures, expliquant que la situation actuelle n’a pas grand-chose à voir avec la politique monétaire mais dépend de facteurs géopolitiques, c’est-à-dire des sanctions occidentales et de l’embargo sur les produits alimentaires décrété par Moscou en signe de réponse.

La hausse des prix à la consommation a atteint en octobre 8,3% sur un an et touche particulièrement les produits alimentaires comme la viande, le poisson et les fruits et légumes, selon les statistiques officielles publiées mercredi.

“A moins d’un miracle, nous devons nous attendre à de mauvaises surprises pendant les fêtes”, a estimé mercredi sur son blog l’opposant Alexeï Navalny, prévenant que les sanctions n’affecteraient pas seulement “les amateurs de parmesan ou d’huîtres” sous le coup de l’embargo.

“Il faudra bien alors se rendre compte que le nouveau téléphone portable que vous achetez pour votre enfant à l’étranger est vendu en dollars”, a-t-il ajouté.