Argentine : le Sénat approuve le transfert du paiement de la dette

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énat en session pour discuter de la loi visant à rembourser la dette argentine, le 3 septembre 2014 à Buenos Aires (Photo : Daniel Garcia)

[04/09/2014 04:40:11] Buenos Aires (AFP) Le Sénat argentin a approuvé dans la nuit de mercredi à jeudi une loi visant à rembourser sa dette à Buenos Aires, voire à Paris, une stratégie pour contourner le blocage d’échéances à New York, sur décision de la justice américaine.

Le texte, adopté au Sénat malgré un avis défavorable de l’opposition (39 voix contre 27, 2 abstentions), sera également soumis au vote des députés, probablement dans 15 jours.

La présidente de centre gauche Cristina Kirchner a proposé cette solution alternative après l’échec de négociations pour régler un vieux litige avec des fonds “vautours”, vainqueurs d’un procès aux Etats-Unis, où un tribunal a obligé l’Argentine à leur verser 1,3 milliard de dollars, soit 100% de la valeur des bons, alors que 93% des créanciers ont accepté de ne toucher que 30% à l’issue des restructurations de 2005 et de 2010.

L’idée initiale était de proposer un versement à Buenos Aires mais il fallait offrir une solution “plus tranquillisante aux fonds d’investissements préférant généralement des places financières sûres”, a dit à l’AFP une source politique argentine.

Outre l’inclusion de Paris ou d’un autre lieu de paiement à la discrétion des créanciers, le texte prévoit la création d’une commission parlementaire dont l’objectif est de dresser un inventaire de l’endettement depuis 1976, début de la dernière dictature militaire.

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ésidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner à Buenos Aires, le 20 août 2014 (Photo : Juan Mabromata)

Un groupement de 450.000 petits porteurs italiens et le milliardaire mexicain David Martinez, un proche de Kirchner, ont d’ores et déjà manifesté l’intention de se présenter au guichet à Buenos Aires.

Pour l’Argentine, le temps presse. Une échéance de sa dette restructurée (de 200 millions de dollars) est due au 30 septembre et elle ne veut pas s’exposer à des demandes de remboursement anticipé que pourraient faire ses créanciers en cas de non-paiement prolongé.

Le montant de la précédente échéance, de 539 millions de dollars, a été versé sur le compte habituel par lequel transitent les remboursements, mais la somme est retenue par Bank of New York (BoNY), l’agent fiduciaire, à la demande du juge américain Thomas Griesa.

Plusieurs créanciers se sont retournés contre BoNY pour non-paiement du montant dû, notamment des créanciers brésiliens et le milliardaire américain George Soros.

– Paradoxe –

La situation est paradoxale. Le versement bloqué, les agences de notation ont jugé que l’Argentine était en “défaut de paiement partiel”.

Buenos Aires récuse cette qualification. Pour démontrer sa solvabilité et sa volonté d’honorer ses dettes, le gouvernement argentin a depuis réglé trois milliards de dollars à la Banque interaméricaine de développement (BID).

Pour la présidente argentine, le blocage de la somme par le juge Griesa est “illégal”. Ce dernier répond dans les mêmes termes : selon lui, l’Argentine entreprend une démarche “illégale” et se dérobe à la justice américaine.

Cette impasse a provoqué une grande incertitude dans les milieux économiques en Argentine, déjà fragilisée par une récession, une inflation de 30%, un déficit budgétaire et énergétique, et une baisse des réserves de devises.

Dans un pays où il existe un contrôle des changes sévère, la course aux dollars s’est accentuée et l’écart entre le taux de change officiel peso-dollar et le taux au marché noir atteint 70%.

L’Argentine s’explique en disant que si elle appliquait le jugement du juge Griesa, c’est le processus de désendettement approuvé par 93% des créanciers qui serait menacé. Elle invoque pour cela la clause RUFO du contrat de dette, qui stipule que si Buenos Aires offre de meilleures conditions à un créancier, les autres peuvent exiger le même traitement.

Dans un tel cas de figure, il en coûterait 120 milliards de dollars à la 3e économie latino-américaine, selon le calcul de cabinets de conseil privés, alors que ses réserves sont sous la barre des 30 milliards.

L’économiste argentin Pablo Tigani estime que le gouvernement doit désormais “tenir jusqu’à ce que la clause RUFO expire”, au 1er janvier 2015.

L’opposition a voté contre le projet de loi même si elle pense elle aussi que “l’application du jugement du juge Griesa est impossible”, selon le député centriste Sergio Massa, candidat à la présidentielle de 2015 et un des chefs de file de l’opposition.

A New York, deux Prix Nobel d’économie et d’anciens responsables politiques ont appelé l’ONU à établir un mécanisme de gestion “ordonnée” des faillites d’Etats permettant d’éviter un scénario similaire à celui de l’Argentine.