La Grèce tire les leçons de la crise en se faisant plus solidaire

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é de se multiplier avec la crise démarrée en 2009 (Photo : Louisa Gouliamaki)

[26/08/2014 08:18:48] Athènes (AFP) Multiplication des réseaux de solidarité, coopératives, troc, la “grande dépression” a accru en Grèce la prise de conscience d’un nécessaire renforcement de la coopération sociale, qui se lit à travers de multiples initiatives.

Fruit surtout du mouvement d’indignés apparu en pleine crise de la dette en 2011, ces nouvelles pratiques collectives dans des secteurs cruciaux, santé, emploi ou éducation, tentent de parer au manque de crédits publics et à la paupérisation engendrée par la politique d’austérité menée à la demande des créanciers du pays (la “troïka” FMI, UE, BCE) en échange des 240 milliards d’euros prêtés à la Grèce pour se relever.

“Notre projet est parti il y a deux ans de la nécessité de trouver une solution au problème +de l’emploi+”, explique ainsi la page d’accueil du café-restaurant coopératif “Pagaki” (“le petit banc” en français), près du centre d’Athènes.

“Un groupe de chômeurs et d’employés ayant vécu les difficultés du travail précaire après la dérégulation du marché, se sont associés pour créer un modèle collectif d’emploi basé sur les principes de solidarité”, poursuit le texte.

Pour sa part “FreeandReal” (Libre&Réel en français), une coopérative apparue deux ans avant l’éclosion de la crise de la dette en 2010, continue à ?uvrer pour la création d’un village écologique sur l’île d’Eubée (est).

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ée avec la crise en plongeant le pays dans une profonde récession depuis six ans, avec un recul cumulé de 25% du PIB, et un taux de chômage culminant à 27%, le pire de la zone euro
(Photo : Louisa Gouliamaki)

“Il s’agit d’un style de vie basé sur la nature et l’autosuffisance dans une ambiance joyeuse visant à la redécouverte de relations humaines saines”, explique Katia Hatzidimitriou, qui a récemment rejoint l’initiative pour échapper à la misère engendrée par la crise.

Aux côtés de ces initiatives privées, des mairies ou même des groupes de presse comme le site “Tous ensemble, on peut”, créé par le puissant groupe radiotélévisé Skaï, s’activent à la collecte de médicaments, de vivres ou à la protection de l’environnement, longtemps laissée de côté.

– ‘Prise de conscience’ –

“La crise a incontestablement accéléré la prise de conscience d?un certain nombre de dérives de la société grecque: un certain individualisme, un lien parfois distendu avec le bien commun et la nature en particulier, que les Grecs ne protègent pas assez”, explique à l’AFP Gabriel Colletis, professeur d’économie à l’université de Toulouse.

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écriteau de ce réseau de troc et de solidarité, installé en plein air à Athènes le 27 mai 2012 (Photo : Louisa Gouliamaki)

Basée sur la consommation, l’économie grecque s’est en effet effondrée avec l’apparition de la crise en plongeant le pays dans une profonde récession depuis six ans, avec un recul cumulé de 25% du PIB, et un taux de chômage culminant à 27%, le pire de la zone euro.

Rappelant que les décennies qui ont suivi les années 80, étaient “caractérisées par un standard de consommation proche et parfois supérieur à celui des autres pays européens”, M. Colletis souligne que “ce modèle économique ne pouvait pas se poursuivre”.

“La famille a souvent servi de refuge mais elle a aussi pu produire un certain enfermement, voire elle a freiné la prise de conscience de la nécessité du collectif”, analyse-t-il.

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à Athènes: magasins fermés, graffitis
(Photo : Louisa Gouliamaki)

Cet esprit de coopération nouveau a même touché, d’une certaine façon, une classe politique dominée depuis des décennies par l’alternance au pouvoir des deux grands partis, Nouvelle Démocratie à droite et le Pasok socialiste.

Face à l’impasse politique des dernières législatives de juin 2012, le Premier ministre Antonis Samaras (Nouvelle Démocratie) a été contraint de cohabiter avec son grand rival, Evangelos Vénizelos, chef du Pasok, devenu vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères.

La Grèce a connu depuis une certaine stabilisation politique et un début d’amélioration de ses finances publiques, tout en permettant l’émergence de nouveaux partis comme le “Potami” de centre gauche (“la rivière” en français), un peu aux dépens du Pasok, tandis que le parti arrivé en tête aux européennes est celui de la gauche radicale, Syriza.

“De nouvelles formations politiques apparaissent toujours en temps de crise”, remarque M. Colletis.

Auteur du livre “Hors de la crise: pour un pays qu’on mérite”, il se veut optimiste sur la poursuite de ces changements “pour peu que les Grecs investissent le champ du politique”, et abandonnent la politique de rigueur.