Quand les entreprises s’inspirent de la nature : le biomimétisme

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énées qui permet un gain de 20% de consommation de kérosène (Photo : Alexander Klein)

[12/03/2014 08:27:00] Paris (AFP) Imiter les rapaces pour créer des avions plus économes ou les éponges calcaires pour produire du béton allégé et compostable: la recherche de modes de vie plus “soutenables” nécessite de s’inspirer toujours plus de la nature, “la plus belle entreprise ayant jamais existé”, plaide le biologiste Gilles Boeuf.

Le biomimétisme, le nom donné à l’imitation de la nature, “n’est ni une technologie, ni une discipline scientifique, c’est une philosophie qui consiste à se dire que la plus belle entreprise ayant jamais existé, c’est le vivant”, explique à l’AFP le président du Muséum national d’histoire naturelle.

Gilles Boeuf, l’un des meilleurs spécialistes français de la biodiversité, est à la tête du conseil scientifique du Ceebios, le premier site français de recherche et de développement économique consacré au biomimétisme attendu à partir de fin 2014 à Senlis (Oise) et au coeur d’une conférence ce jeudi à la Maison de la Chimie, à Paris.

“Le vivant a 3,85 milliards d’années et il a résolu énormément de questions liées à son existence et à sa survie. La nature est excellente parce qu’elle réagit toujours en optimisant, au coût énergétique le plus bas”, souligne le chercheur.

Un exemple? Ces microalgues marines, les diatomées, qui secrètent du verre à seulement 20°C quand l’homme “ne sait le faire qu’à 1.000 degrés!”

“Dans cette philosophie, il faut beaucoup d’humilité et ne pas être arrogant en disant qu’on va tout créer”, relève le professeur au Collège de France.

S’inspirer de la nature n’est pas nouveau: Léonard de Vinci le faisait déjà pour certaines de ses inventions et le pionnier de l’aviation Clément Ader a aussi imité les chauve-souris.

Dans la seconde partie du XXe siècle, on parle alors de “bionique”, une science “qu’on imagine à l’époque très axée sur les matériaux et les technologies de transports” et sur les formes. Depuis les années 1990 et un livre fondateur de la scientifique américaine Janine Benyus, le terme de “biomimétisme” s’impose, même si Gilles Boeuf préfère, lui, celui de “bio-inspiration”.

– Ventilation inspirée d’une termitière –

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à Paris le 5 février 2010 (Photo : Patrick Kovarik)

Ce qui est nouveau, c’est peut-être l’intérêt de plus en plus marqué des entreprises.

Certaines, explique le chercheur, continuent à s’intéresser aux formes pour réduire la consommation d’énergie.

Des avions, par exemple, ont aujourd’hui le bout des ailes recourbées: une modification née de l’observation du vol de rapaces dans les Pyrénées qui permet un gain de 20% de consommation de kérosène, s’enthousiasme le chercheur.

Au Japon, des trains à grande vitesse Shinkansen ont été “non seulement inspirés de la forme du martin-pêcheur quand il pénètre dans l’eau mais ont, en plus, un revêtement inspiré des ailes de hibou pour ne pas faire de bruit”.

D’autres industriels s’intéressent aux matériaux, poursuit Gilles Boeuf, en montrant l’échantillon de coque de bateau en fibres de lin posé sur son bureau situé au Jardin des plantes, à Paris.

“On peut par exemple aujourd’hui faire du béton inspiré du squelette des éponges calcaires, beaucoup plus léger, largement aussi résistant mais surtout compostable”, décrit-il.

Mais la nature offre aussi des solutions pour dépolluer des sols comme le font certaines bactéries ou améliorer les bâtiments, comme pour cet immeuble à Harare, au Zimbabwe, dont la ventilation est inspirée de celle des… termitières.

“Je pense qu’on va encore trouver plein de choses”, affirme Gilles Boeuf, soulignant que beaucoup de chercheurs “font déjà du biomimétisme sans le savoir”, faute de relations fortes entre laboratoires, ingénieurs et entreprises.

D’où, selon le biologiste, l’intérêt du futur Ceebios, installé sur une ancienne caserne militaire à Senlis, qui aura pour objectif de “mettre en relation des PME et des grands groupes avec des ingénieurs et des chercheurs et de les faire +brainstormer+ ensemble pour sortir de nouveaux produits. Cela existe en Allemagne et aux Etats-Unis, pas en France.”

“On peut vivre mieux en consommant moins, et l’entreprise joue un rôle pour cela important”, conclut le chercheur résolument “optimiste” sur l’avenir de la planète.