Elections An II : Fragments d’une scène politique éclatée

A toute chose malheur est bon, dit le proverbe! Entre le 23 octobre 2011 et le 23 octobre 2013, de l’eau a coulé sous les ponts et le paysage politique tunisien -qui était, à la sortie de la révolution du 14 janvier, encore brouillon et très contrasté et éparpillé- commence à se restructurer et en général pas du tout au profit de ceux qui détiennent le pouvoir depuis les élections…

caricatures-elections-2013.jpgLes élections du 23 octobre 2011 nous ont dévoilé une scène politique émietté que le code électoral et l’euphorie de plus de 100 partis ont complètement brouillé; et si le parti de Rached Ghannouchi est sorti vainqueur de cette bataille, il n’était pas le seul et surtout il l’était avec seulement la moitié des voix des électeurs! D’autres ont bénéficié également de l’instant comme le CPR, le courant de Hachmi Hamdi et Ettakatol qui formaient le tiercé de tête derrière Ennahdha!

La gauche historique, le centre et les partis démocratiques traditionnels, comme le PDP et Ettajdid ont été laminés par les nouveaux arrivants…

Rappelons les résultats de cette première consultation électorale libre dans l’histoire de la Tunisie: Ennahdha avait obtenu 37% des voix exprimées, le CPR 8,5%, Al Aaridha 7% et Ettakatol 6,9%, tandis que le PDP ne gagnait que 3,8%!

Deux ans après et avec un gouvernement de la Troïka toujours à la barre malgré des échecs cuisants, les contours de la scène politique tunisienne ont complètement changé et les donnes diffèrent, d’après les sondages qui se sont succédé au rythme de presque un sondage par mois.

Il a fallu l’initiative très «politique» de BCE, très tôt en janvier 2012 (c’était le 26 janvier 2012), appelant à un rassemblement des opposants face à la Troïka pour faire prendre conscience aux «débris» de la gauche et aux autres partis démocrates que les choses doivent bouger…

Nous connaissons la suite et l’émergence de Nidaa Tounes d’abord, depuis juillet 2012, et surtout du Front Populaire depuis presque un an (septembre 2012) afin de voir les lignes du front bouger et les donnes se confondre! Pas seulement au niveau de l’opposition mais également au niveau de la Troïka au pouvoir et au sein de presque tous les partis…

Le dernier sondage de Sigma Conseil, effectué entre le 24 septembre et le 13 octobre, vient de révéler ses résultats. Très intéressants résultats qui viennent après une crise politique aiguë qui dure depuis le 25 juillet 2013 -date de l’assassinat de Mohamed Brahmi. Après des âpres batailles entre les partis, au sein des partis, sur la scène médiatique, dans la rue et même au fin fond des montagnes de l’ouest à Chaambi et Sammama!

Le sondage de Sigma, qui vient confirmer d’autres résultats similaires, pousse le bouchon assez loin. La Troïka au pouvoir ne récolterait, dans une législative, qu’environ 40% des voix (36,6%), tandis que le Front du Salut -opposition regroupant Nidaa Tounes, le Front Populaire, Al Massar et Al Joumhouri- ramasserait presque 60% des voix (55,9%)…

En plus, d’après le sondage de Sigma, Nidaa Tounes a fini par écraser complètement Ennahdha puisqu’il récolte à lui tout seul 42,5% des intentions de vote contre 31,2% pour le parti islamiste au pouvoir. Tandis que le Front populaire frôle les 12% (11,9%), le CPR, Ettakatol et Al Aridha dégringolent vertigineusement et ne font pas beaucoup mieux que le Hezb Ettahrir -salafiste notoire et antidémocrate avéré- (2,9% pour le CPR, 2,7% pour Ettahrir, 2,5% pour Ettakatol, 1,9% pour Al Mahabba!).

L’ennui pour tous ceux qui ont parié sur leur alliance avec les islamistes d’Ennahdha, c’est qu’ils perdent tous lourdement tandis que le parti de Rached Ghannouchi, même s’il recule, il sort quand même indemne puisqu’il est toujours le deuxième parti au pays avec presque le tiers des intentions de vote. La stratégie tellement chère à Marzouki et Ben Jaafar a fini par leur faire perdre!

Ce sont ces résultats que les états majors des tous les partis suivent à la loupe qui expliquent la hantise d’Ennahdha dans la crise actuelle et son souhait de faire durer la transition le maximum possible. Ceci afin de mieux se placer partout où elle le peut, au sein de la société, de l’administration, de l’économie, et même dans les montagnes à travers la lutte contre Ansar Chariaa qu’elle a longtemps défendue!