La Norvège, contrainte de dépenser ses pétrodollars au compte-gouttes

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ège du groupe pétrolier norvégien Statoil, le 18 janvier 2013 à Stavanger, en Norvège (Photo : Kent Skibstad)

[06/09/2013 10:09:34] Oslo (AFP) Îlot de prospérité en Europe, la Norvège, actuellement en campagne électorale, a un problème de riches: quelle part de son immense richesse pétrolière peut-elle dépenser sans que cela finisse par nuire à son économie?

“Alors que tous les pays autour de nous sont condamnés à réduire leurs dépenses, notre grand défi, c’est d’avoir une manne pétrolière si importante qu’on en vient à utiliser cet argent pour de mauvais projets pas assez rentables”, résume Oeystein Doerum, chef économiste de la principale banque norvégienne, DNB.

Le dilemme est d’autant plus réel que la droite populiste (parti du Progrès, FrP), pressentie pour former un nouveau gouvernement avec les conservateurs après leur probable victoire aux législatives lundi, veut abolir les règles d’orthodoxie budgétaire auxquelles adhèrent les autres partis.

Depuis la fin des années 1990, le pays scandinave place religieusement ses revenus pétroliers dans un fonds appelé à assurer le financement de son généreux État-providence dans la durée.

Investi en titres et dans l’immobilier, hors de Norvège pour éviter une surchauffe, ce bas de laine est devenu le plus gros fonds souverain de la planète: en possession de 1,25% de la capitalisation boursière mondiale, il pèse aujourd’hui 750 milliards de dollars.

Pour lui permettre de grossir encore, une règle limite à 4% –l’équivalent du rendement attendu– les ponctions que le gouvernement peut y réaliser afin d’abonder son budget, autrement déficitaire.

“Qu’on puisse avoir des écoles délabrées et des routes défoncées, en même temps qu’un énorme fonds pétrolier appartenant à la collectivité, témoigne de la sobriété et des vues de long terme des dirigeants norvégiens”, fait valoir M. Doerum.

Seul contre tous, le FrP propose de faire sauter ce plafond. Il veut investir dans l’éducation, la recherche et les infrastructures, assurant que la croissance ainsi engendrée alimentera les caisses de l’État à moyen terme.

Problème: les conservateurs, appelés à être la force dominante d’une future coalition, tiennent à la règle et la trouvent même déjà trop généreuse pour la conjoncture actuelle: le fonds ne cessant de gonfler, la quantité de pétrodollars disponibles pour l’État croît en proportion.

“Le point de pourparlers le plus important entre le FrP et nous portera sur la nature des dépenses, pas sur le franchissement des 4%”, a averti leur patronne, Erna Solberg, probable futur Premier ministre. “Nous ne siégerons pas dans un gouvernement qui mène une politique économique irresponsable”, a-t-elle dit.

Même si la croissance norvégienne a ralenti, une injection excessive d’argent public pourrait déstabiliser l’économie.

Dans un pays où règne le quasi-plein emploi, le florissant secteur pétrolier tire les salaires à la hausse. Cet emballement s’étend aux industries traditionnelles, elles aussi en quête de travailleurs qualifiés.

Résultat: les coûts salariaux de l’industrie norvégienne sont supérieurs d’environ 70% à ceux des autres pays européens, un handicap énorme pour la compétitivité des exportateurs.

Un afflux de pétrodollars pourrait donc in fine avoir des conséquences catastrophiques pour l’emploi et les comptes publics.

“Tout dépend de la façon dont on utilise cet argent”, relativise Torbjoern Eika, chef de la recherche à l’institut de statistique SSB. “Si on choisit de baisser taxes et impôts, les effets négatifs pour l’économie sont moindres (…) car ça tend à stimuler l’épargne”, dit-il.

Donné perdant aux législatives, le Premier ministre travailliste sortant Jens Stoltenberg a prévenu que le projet de budget 2014 qu’il présentera en octobre –probablement son dernier acte au gouvernement– limiterait la ponction dans la manne pétrolière à un niveau guère supérieur à 3%.

Conforme aux recommandations économiques du Fonds monétaire international, cette mesure a aussi l’avantage au niveau politique de compliquer la tâche de l’opposition, qui a promis de réduire les impôts tout en augmentant les dépenses dans la santé et les infrastructures.