Banque mondiale-Rapport : «Si seulement les choses étaient plus claires en Tunisie…»

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«Si vous saviez le dilemme que nous vivons ici même à la Banque mondiale concernant la Tunisie, vous n’en croiriez pas vos yeux. Nous avons toujours soutenu la Tunisie en tant que pays dont le potentiel humain représentait un atout important et nous rassurait par ses compétences et ses capacités à gérer les affaires de l’Etat. On nous a auparavant reproché d’avoir cautionné les politiques suivies par le gouvernement Ben Ali, nous ne voulons pas refaire la même erreur aujourd’hui, d’où l’importance accordée de plus en plus au suivi de politiques gouvernementales économiques et financières entreprises aujourd’hui par la Tunisie, mais dans le même temps, nous ne pouvons permettre que l’économie tunisienne s’effondre. D’où l’importance pour ce gouvernement de se doter des compétences aptes à gérer cette conjoncture délicate».

Une déclaration faite par un haut fonctionnaire de la Banque mondiale à Rabat qui préfère taire son nom.

Il faut reconnaître que le taux de croissance préconisé par la Banque mondiale pour la région MENA n’est pas de bonne augure: «Le taux de croissance de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord devrait, selon les projections, retomber à 2,5% en 2013, contre 3,5% en 2012, car l’Iran est en récession depuis deux ans, l’Égypte affiche une croissance très modeste, l’Algérie quant à elle connaît une légère reprise».

Ceci s’explique selon la BM par les tensions politiques qui persistent dans la régions rien qu’à voir les aller/venues d’une Constitution tunisienne approuvée par les comités de rédaction, revue et corrigée par le rapporteur général qui serait, selon certains bruits de couloirs, sous les ordres du Grand Ghannouchi et qui s’inspirerait presque dans les détails de la Constitution des Frères musulmans égyptiens de la première moitié du 20ème siècle. Mais passons.

Pour les décideurs de la BM, des événements importants -la proximité des élections, leur réalisation ou pas, les possibles référendums, et les risques sécuritaires- «font obstacle à l’activité et aux investissements». Tout comme «les déséquilibres croissants des finances publiques et des comptes extérieurs des pays importateurs de pétrole qui exacerbent les pressions et qui s’exercent au niveau des financements par suite de la forte contraction des entrées de capitaux privés observée depuis 2010. Les perspectives à moyen terme de la région sont tributaires non seulement de l’élimination des tensions politiques et des risques sécuritaires mais aussi de la mise en œuvre de réformes visant à placer les économies de la région sur des bases plus solides et à promouvoir les investissements, l’emploi et la croissance. Le taux de croissance du PIB de la région indiquée par les projections est de 3,5% pour 2014 et de 4,2% pour 2015, sous réserve que les tensions s’atténuent et que des réformes soient poursuivies».

Dans des pays comme la Tunisie, il convient d’atténuer les tensions politiques et les conflits, et d’adopter d’urgence des réformes structurelles pour stimuler la croissance, améliorer le climat des affaires et créer des emplois.

Pour notre pays, les politiques financières axées plus sur le renflouement des caisses de l’Etat pour répondre à des besoins urgents orientés sur la consommation et non pas sur des projets d’investissements créateurs de richesses, les perspectives ne semblent pas très positives ou très rassurantes pour les bailleurs de fonds internationaux.

Une croissance anémique en Europe

A l’international, «la situation financière des économies avancées s’est améliorée, mais la croissance reste anémique… en particulier en Europe où son développement est freiné par le manque de confiance, la restructuration du secteur bancaire et les efforts d’assainissement des finances publiques. La reprise bénéficie d’une assise plus solide aux États-Unis, où on observe une relance passablement robuste du secteur privé en dépit des mesures de resserrement budgétaire. Parallèlement, au Japon, un assouplissement radical de la politique macroéconomique semble avoir déclenché un regain d’activité économique, à tout le moins à court terme».

Selon les dernières projections, le taux d’augmentation du PIB des pays en développement sera de l’ordre de 5,1% en 2013 puis augmentera pour atteindre 5,6% en 2014 et 5,7% en 2015.

Même la Chine n’y échappe pas…

Dans plusieurs pays à revenu moyen ou intermédiaire, la croissance est freinée par l’existence de goulets d’étranglement au niveau de l’offre, et il est peu probable que ces pays puissent afficher des rythmes de croissance aussi rapides qu’avant la crise, à moins de poursuivre vigoureusement des réformes axées sur l’offre.

La croissance s’est aussi ralentie en Chine par suite des efforts menés par les autorités pour rééquilibrer l’économie.

A l’échelle plus générale des régions, la croissance devrait s’effectuer cette année au rythme de 7,3% en Asie de l’Est, de 2,8% dans les pays en développement d’Europe et en Asie centrale, de 3,3% en Amérique latine, de 2,5% dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), de 5,2% en Asie du Sud, et de 4,9% en Afrique subsaharienne…

Pour la Banque mondiale, la croissance future dépendra de plus en plus de la mesure dans laquelle les pays réussiront à faire face aux difficultés liées à l’offre et à combler les lacunes des infrastructures physiques, sociales et réglementaires. Pour accélérer leur croissance de manière durable, les pays en développement devront redoubler d’efforts pour rétablir et préserver leur stabilité macro-économique, améliorer leur gouvernance, simplifier leur réglementation, ouvrir leurs marchés au commerce et à l’investissement étranger, et investir dans l’infrastructure et dans le capital humain.

Redonner au patronat la place qu’il mérite…

Pour un pays comme la Tunisie, il va falloir que le gouvernement prenne le taureau par les cornes et au lieu de noyer les problèmes socioéconomiques de fonds dans des considérations idéologiques dénuées de tout fondement ou opposer le terme désormais surexploité «la3assa fil Ajla», établir un dialogue sérieux et constructif avec les investisseurs locaux et aplanir les difficultés qu’ils rencontrent quotidiennement dans l’exercice de leurs missions.

Il s’agit aussi de simplifier les procédures administratives, redonner au patronat et aux créateurs de richesses la place qu’ils méritent dans le pays, les responsabiliser et les impliquer dans la reconstruction de l’économie de la Tunisie avant de faire appel à d’autres venus d’ailleurs. Telle est la mission à laquelle devraient s’atteler Ali Laarayedh et ses conseillers politiques et économiques qui devraient résoudre au plus tôt les affaires en suspens et non basées sur des dossiers consistants des opérateurs privés importants du pays au lieu de les tenir en otage.

Car beaucoup tendent à croire que c’est du racket institutionnalisé, et que notre chef du gouvernement est au-dessus de ces pratiques de malversations contre lesquelles il a toujours lutté.

Car la confiance s’acquiert auprès des investisseurs domestiques avant de chercher à conquérir les internationaux. Et ça, c’est une vérité de La Palisse.