La société de consommation s’installe en Birmanie

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Des consommateurs dans un centre commercial de Rangoun, le 2 mars 2013 (Photo : Soe Than Win)

[15/03/2013 08:17:17] RANGOUN (AFP) Deux ans après le départ de la junte birmane et l’ouverture au monde d’un pays reclus pendant 50 ans, la révolution s’installe en tête de gondole: les marques du monde entier se ruent sur un marché de 60 millions d’habitants, avide de produits étrangers.

Depuis la levée – ou suspension – des sanctions internationales, le pays asiatique est la coqueluche des fabricants de dentifrice et de jus de fruits, de cosmétiques et de télévisions.

Et l’amour est réciproque, avec une population – riche comme pauvre – épuisée de trouver les mêmes produits depuis un demi-siècle dans les devantures.

“J’ai un problème. Je ne trouve plus de fond de teint n°7 à Rangoun et c’est le meilleur que j’aie jamais trouvé”, se désespère ainsi Win Lai Phyu dans l’un des centres commerciaux fatigués de Rangoun. Elle devra en faire venir de Bangkok.

Mais sa frustration est une mine d’or pour les distributeurs et les grandes marques, qui veulent saisir l’instant pour s’imposer dans les habitudes de consommation d’une population en éveil.

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à Rangoun, le 3 mars 2013 (Photo : Soe Than Win)

“Il y a une euphorie de part et d’autres sur l’ouverture”, résume Freddy Oh, de la société locale Foodland Manufacturing, qui vient de récupérer la licence pour vendre du MacCoffee venu de Singapour.

“Les jeunes veulent se connecter avec le monde. Ca donne une chance aux marques de se tailler des parts de marché”, ajoute-t-il, en évaluant le marché du café instantané à 200 millions de dollars par an.

Les panneaux publicitaires fleurissent à Rangoun, l’ancienne capitale demeurée le poumon économique du pays où Coca et Pepsi ont déplacé leur rivalité planétaire. Quant aux fabricants de portables, ils s’appuient sur l’estimation selon laquelle 96% des Birmans n’ont pas de téléphone.

Bientôt, estiment les analystes, arriveront en masse les tablettes et écrans plats de grande marque pour remplacer les versions bon marché que proposent les négociants chinois.

“La demande existe pour toutes sortes de produits de consommation”, assure David Webb, directeur du Bureau britannique pour le commerce et l’investissement à Rangoun.

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é à Rangoun, le 24 février 2013 (Photo : Soe Than Win)

“L’industrie manufacturière de Birmanie a été quasiment anéantie par les sanctions. Les sociétés étrangères ont l’argent et l’accès à l’expérience, aux marchés, aux réseaux d’approvisionnements (…). Ca leur donne une longueur d’avance”.

Et le profit potentiel est énorme. “La richesse ne se répand pas partout mais il y a beaucoup d’argent (…) assurément à Rangoun”, constate Damien Duhamel, du consultant marketing Solidiance, basé à Singapour.

La seule question est donc de savoir quand débarquer en force avec enseignes et produits. Certains veulent imposer leur noms quand le marché est encore volatil. D’autres, constate Duhamel, se sont brûlés les ailes au Vietnam et en Chine et préfèrent observer encore un peu.

“Pas mal de cowboys vont venir en ville pour chercher +l’avantage du pionnier+”, dit-il, en particulier les Asiatiques – Taïwan, Hong Kong, Singapour et la Thaïlande.

Mais ce coup d’avance “s’estompe vite et les multinationales entreront en jeu dans un deuxième ou troisième temps, une fois les consommateurs éduqués. Ils ne seront pas dans la frénésie, mais voudront se construire une solide part de marché”.

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ète des produits cosmétiques, à Rangoun, le 4 mars 2013 (Photo : Soe Than Win)

Car l’attraction pour la Birmanie n’est pas sans risque. Le système bancaire est embryonnaire, les infrastructures en ruine et la main d’oeuvre mal formée, en particulier dans les métiers du marketing, de l’informatique ou de la vente.

Le système légal et fiscal est lui aussi en pleine reconstruction, avec son lot d’incertitudes et d’étrangetés. Mais nul ne doute du potentiel birman. “Personne n’a de boule de cristal. Mais les gens auront toujours besoin de manger, boire et se laver les dents”, constate Freddy Oh.