Tunisie : Ile de Kerkennah… «J’ai un puits de pétrole dans mon jardin et rien dans la main»

Par : Autres

kerk5-0609.jpgComme à l’accoutumée, j’ai encore passé mes vacances d’été 2012 dans l’Ile de Kerkennah, une bonne habitude depuis 1996. Seulement cette année j’étais médusé de voir un puits de pétrole entouré de murs et de fils barbelés juste devant une agglomération de villas où résident plusieurs centaines d’habitants inconscients des dangers qui les guettent.

Qu’en tirent les Kerkenniens?

Quelques Kerkenniens, loin d’être devenus des Hillibilles (Série TV comique américaine “The Beverly Hillbillies”, 1962) enrichis subitement suite aux gisements découverts dans leurs terrains: des terres agricoles cédées pour 1 million de dinars tunisiens pour quelques familles (3 ou 4).

De l’argent est versé au gouvernorat de Sfax pour résorber le chômage des jeunes (près de 1 MDT en 2011). «l’Exploitant» a fait don de 2 MDT en 2012. «… Des miettes, nous ne voulons pas de la charité britannique, affirme un notable de l’île, les dons sont mal gérés, une partie infime est destinée aux Kerkenniens…», assène-t-il.

Quant à l’emploi, “l’Exploitant” a recruté près de 250 personnes originaires de l’île, la plupart des manœuvres et des gardiens, et beaucoup de promesses! Les promesses ne résistent pas à l’épreuve des faits.

Les Risques Liés au Gaz Naturel

…Pour l’amont de la filière, les principaux dangers du gaz naturel sont liés au fait qu’il est extrait, véhiculé et fourni sous pression, qu’il est inflammable et explosif. De plus, les gisements les plus accessibles s’épuisent. Il faut donc forer plus profondément et faire appel à des gaz non-conventionnels souvent plus sales, acides, corrosifs et toxiques. Les industriels ont à traiter et gérer une quantité croissante de soufre (sous forme de H2S principalement)… Outre des risques de corrosion exacerbés pour l’industrie extractive, ce caractère acido-toxique est a priori source d’un risque supplémentaire en cas d’accident ou de fuite… (Wikipedia)

Une question s’impose: «l’Exploitant» a-t-il prévu un Plan de délocalisation des habitants jouxtant les gisements?

La pollution du littoral sévit déjà, les petits poissons se font rares, l’équilibre biologique est perturbé. La flore est en danger: les petits coquillages se font rares: Clovisses, Bigornos, Crabes, etc.

Ces torchères dégageant de la fumée sulfureuse peuvent former les pluies acides qui ont un impact dévastateur sur la végétation et l’agriculture (oliviers, vignobles, figuiers…) et la riche faune sauvage.

Le ministère du Tourisme tunisien s’inquiète déjà sur l’avenir du tourisme dans l’île pour des questions d’environnement; déjà cet été on a eu droit à une baignade parfumée par du pétrole.

Les incidents de Mellita

Pour survivre, les petits pêcheurs ont dû recourir à la pêche illégale dans les eaux plus clémentes du Golfe de Gabès et Djerba dans des eaux peu profondes (moins de 20 mètres). Ces pêcheurs ont été arrêtés, en application de la loi relative à la protection du corail, ce qui a provoqué les émeutes de Mellita cet été, émaillées d’incidents violents: le poste de la Garde nationale de Sidi Youssef et un véhicule furent incendiés, l’accès au port bloqué et la route principale barricadée pendant près de trois jours, paralysant ainsi toute activité économique et les ravitaillements provenant de Sfax.

A qui profite cette richesse?

kerk6.jpgUne entreprise britannique d’exploitation et de prospection («l’Exploitant»), implantée dans l’île depuis 2007, a mis la main sur la manne, et s’enrichit au détriment des Tunisiens.

Le premier résultat d’un puits a donné 200.000 m3 par jour de gaz et 130 barils de pétrole. «L’Exploitant» a récemment transféré l’appareil à une deuxième localité baptisée Chergui 8 (voir photos ci-bas), espérant obtenir des résultats vers la fin septembre (La Presse 24 août 2012). Faites vos calculs: des revenus évalués à près de 25 millions de dinars par an et par puits.

PHOTOS

Des dizaines de points de prospection sont en cours dans l’île, il y en aurait 50 «Onshore» et «Offshore», soit des revenus pouvant dépasser les 2 milliards de dinars annuellement. Ainsi, «l’Exploitant» donnerait moins de 0,05% de ses revenus pour le «développement» de Kerkennah, un investissement “epsilonesque“ et spéculatif sans aucune valeur ajoutée!

Cela va sans dire qu’avec la libéralisation du marché de l’énergie, le prix du m3 de gaz ne cesse d’augmenter (exception faite du gaz US).

Epilogue

Je finirais cet article par une recommandation et une anecdote:

Il faudrait songer à la création d’un fonds de développement local pour Kerkennah. Un fonds alimenté annuellement par «l’Exploitant» et géré par des élus locaux indépendants. Ce fonds servirait à promouvoir plusieurs secteurs et financerait plusieurs projets: agriculture, santé, infrastructure, protection du littoral et de l’environnement, dédommagement des petits pêcheurs, port de plaisance, transport, allocation de bourses d’études pour les plus désargentés…

Un phénomène nouveau est apparu dans l’île: une ruée presque loufoque d’une nouvelle race de spéculateurs pour l’acquisition de terrains à vocation agricole, dans l’espoir qu’ils contiennent des gisements pétrolifères et gaziers pour les revendre au prix fort à «l’Exploitant»….

Bon courage!

 

Source: Babnet.tn