Tunisie : Cherche «alternative finance» désespérément

hub-finance-1.jpgInnovation. C’est là l’un des mots d’ordre fort présents depuis quelques années dans le débat national sur les moyens d’accélérer le développement des entreprises en particulier, et de l’économie en général. Sauf qu’on ne s’y est pas pris comme il faut pour favoriser l’innovation, du moins en ce qui concerne son financement.

«En Tunisie nous avons lié le financement de l’innovation à la banque. Quelque part, il y a un non-sens. Il faut donc qu’en même temps on se libère et on libère le secteur bancaire, car ce n’est pas son rôle de financer le risque», analyse Mondher Khanfir, p-dg de Wiki Start Up. C’est pour cette raison que Carthage Business Angels, une association incubée chez Wiki Start Up, a décidé de mettre la question du financement de l’innovation sur la table en organisant un séminaire (26-27 avril 2012, Hôtel Résidence) sur l’alternative finance.

Le séminaire sera ouvert par Mohamed Lamine Chakhari, ministre de l’Industrie et du Commerce, et clôturé par Fadhel Abdelkéfi, président du Conseil d’administration de la Bourse de Tunis, parce que «nous avons besoin à la fois des industriels -pour définir l’innovation et les enjeux qui y sont liés, et rationnaliser les mécanismes actuels –on compte 15 ou 16 outils différents», explique Mondher Khanfir.

Sur la base d’exposés sur les mécanismes publics et privés de financement, les participants à cette rencontre sont appelés à «réfléchir à l’optimisation de ces moyens tels qu’ils existent aujourd’hui. Car nous ne devons pas jeter le bébé avec l’eau du bain. On ne peut pas travailler sur un nouveau modèle, tant que nous n’avons pas vérifié s’il n’y a pas moyen d’optimiser ce qui existe. Ce sera le thème d’une première table ronde. Là nous comptons sur les professionnels pour expliquer les obstacles contre lesquels ils butent et de proposer des solutions pour les surmonter et accélérer ainsi le processus».

Le financement de l’innovation bute contre «deux contraintes majeures dans l’innovation: la première est l’évaluation du risque. Pour cela, il faut des professionnels. On ne peut pas être sélectif si on ne sait pas évaluer; la sélection se faisant par rapport au risque. La deuxième contrainte est le «time to market» -c’est-à-dire le temps s’écoulant entre la conception d’un service/produit et sa mise sur le marché: il faut aller vite. Aujourd’hui, nous avons des faiblesses sur les deux axes. La sélectivité pose problème et le «time to market» également. Et pour optimiser, il faudra agir sur ces deux axes», note le fondateur de Wiki Start Up.

La deuxième table ronde travaillera sur l’alternative finance en essayant de répondre à une question: y a-t-il une chaîne alternative de financement de l’innovation? «Ici on aborde le champ non-institutionnel qui peut être 100% privé. Mais comme notre excédent en capitaux est très limité, le secteur privé ne peut pas financer beaucoup. On ne peut qu’amorcer une dynamique qui pourrait par la suite être relayée par du Partenariat Public/Privé (PPP)», explique notre interlocuteur. Qui voit une alternative le «full equity», c’est-à-dire «le financement sans passer par le bancaire et qui présente beaucoup d’avantages. Dont celui d’être concerné à la fois par le bénéfice et par la perte et de ne pas poser de problème par rapport à la chariaâ. Puisque ce mode de financement est forcément conforme à la chariaà».

En effet, révèle Mondher Khanfir, «je rencontre aujourd’hui des jeunes promoteurs qui ne souhaitent pas être bancarisés soit par souci d’être conforme à la chariaâ, soit d’éviter de se retrouver en prison en cas d’échec, s’ils font financer leur projet par le secteur bancaire».

Pour financer des projets innovants, la solution réside dans le full equity, «au moins dans les phases de démarrage: pré-amorçage, amorçage, etc.», réitère le patron de Wki Start Up. Qui avertit: on ne peut pas développer ce mode de financement si l’on ne prépare pas une porte de sortie aux investisseurs, notamment étrangers.

Si nous ne créons pas un écosystème particulier à la start-up lui permettant d’entrer en Bourse et d’en sortir au bout de quatre à cinq ans, avec des conditions particulières –liées à sa faible rentabilité-, nous ne pourrons pas offrir des possibilités de sortie», tranche M. Khanfir. Qui rappelle qu’«aux Etats-Unis, c’est le Nasdaq qui assure ce rôle».

Fadhel Abdelkéfi, président de la Bourse, contribuera lors de ce séminaire «à alimenter la réflexion pour voir si nous sommes capables aujourd’hui d’identifier une chaîne complète de full equity adaptée à l’innovation».