Tunisie : Décryptage de l’actualite politique

bla-bla-politique.jpgLe pari d’écarter les ministres «technocrates» révèle ses limites. Le pays est perturbé par des choix idéologiques. Il y a un impératif de visibilité.

Nous n’avons pas retrouvé nos repères. Les prises de bec entre les formations politiques et syndicales traduisent une absence de plan d’action. Nous oscillons entre des choix idéologiques sans conséquence, qui nous gavent d’effets d’annonce. Peut-on ramener la stabilité et la croissance en ces conditions?

L’autisme plutôt que le dialogue

Tout le temps que l’opinion ne verra pas émerger une feuille de route claire et contraignante pour l’équipe au pouvoir, l’instabilité sera dans les esprits. Or tout autour de nous, c’est le ni-ni qui prévaut. Cheikh Rached Ghannouchi a annoncé haut et fort qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat pour la présidence d’Ennahdha. A moins, laisse-t-il sous-entendre, que le congrès en décide autrement. On ne sait trop, donc, si le grand timonier, celui qui a guidé son parti au pouvoir, pourra faire prévaloir ses droits à la retraite. Son annonce ne sonne-t-elle pas, plutôt comme un appel à plébiscite qu’un au-revoir et merci?

Le syndrome Bourguiba de la présidence à vie est-il en train de se refaire? Et qui plus est, par ses anciens détracteurs. Et tenez-vous bien, après la révolution du 14 janvier! Cauchemar ou réalité? On ne sait donc pas si cette figure de proue va quitter le navire. Tout le temps que le doute persiste, la classe dirigeante peut-elle s’affranchir? L’équipe au pouvoir, éblouie par la stature du commandeur, ne saura donc, en matière de ligne de conduite politique, s’il faut trancher. Qui osera apporter la contradiction à la légitimité spirituelle quand elle recommande, dans un élan d’ambiguïté suprême, le dialogue avec les factions qui prônent la voie ultra, la rupture et au besoin le jihad.

Sur quel pied danser, dites-moi? Comment faire régner l’ordre républicain quand on vous pousse à dialoguer avec ceux-là même qui veulent le faire péricliter? Il y a faux jour.

Ben Ali faut-il l’oublier? Agiter la raison d’Etat pour ne pas courroucer ses hôtes au motif qu’ils peuvent nous arroser de leur obole, n’est-ce pas une pirouette pour sacrifier les objectifs de la révolution, sans le dire? Et puis, un gouvernement politique, qui peut le mettre à l’amende? De toutes façons, il ne s’est obligé à aucun objectif, c’est-à-dire rien de précis ni de limité dans le temps? Comment lui exiger un compte de pertes et profits?

Des objectifs tacticiens

On nous gave à l’heure présente d’effets d’annonce. La finance islamique, pour toute réponse au financement du redémarrage du système, c’est un peu court. La finance seule, fût-elle islamique ne fait pas de miracle. Et puis, la finance islamique on l’a mise à l’épreuve. Comparez l’offre islamique en matière de financement de l’habitat, premier souci des ménages tunisiens. Elle n’a pas fait de miracle en comparaison de ce que font les banques locales.

Le pays a besoin d’un transfert technologique. Or, si l’on modifie les alliances diplomatiques traditionnelles du pays, comment trouver des partenaires technologiques pour continuer? Les projets des technopôles sont en panne. Il n’y a qu’à les réactiver. Evidemment, il ne faut pas regarder du côté du Golfe, car on ne trouvera pas grand monde pour nous accompagner sur cette voie.

Ni même du côté de l’Amérique. Les députés américains nous ont ovationnés debout au Congrès mais n’ont pas ratifié notre accord de partenariat. Quand Mme Clinton nous envoie un satisfecit, on est en plein désarroi. L’accolade avec Mac Cain nous intrigue. Faut-il rompre ou continuer avec l’Amérique? Comment peut-on à la fois supporter une faction qui tire à boulets rouges sur les valeurs de l’Amérique et étreindre l’allié des néoconservateurs? Il faut rappeler que les néoconservateurs sont ceux-là qui ont défoncé l’Irak et au bout de 8 ans d’occupation, innommable, l’ont fragmenté en trois ethnies antagoniques. Il y a du brouillard.

L’ISIE sera-t-elle reconduite? On sait qu’il faut une loi pour désigner son dirigeant. Mais pourquoi ne pas prendre en mains la structure actuelle. Ce geste nous rassurerait sur le sort du prochain scrutin. Il est vrai que l’ISIE prendrait au moins huit mois pour finir son travail. On peut toujours remettre en selle quand on veut gagner du temps.

Toutes ces questions restées en suspens nous laissent croire que l’agenda politique cherche à user de solutions tacticiennes que de solutions pratiques et rassurantes.