Tunisie : Ali Seriati, le dindon de la farce !

ali-seriati-1.jpgQuiconque parle d’Ali Sériati parmi ceux qui ont vécu dans l’entourage de l’ancien président de la République, vous dira que c’est une personne qui avait un très grand franc parler qui osait dire tout haut ce que nombre d’autres pensent tout bas et qui détestait tout bonnement la famille Trabelsi et surtout Sakhr El Materi qu’il considérait comme le talon d’Achille de Zine El Abidine Ben Ali.

Il y a déjà quelques années tout au début du mariage de Nesrine Ben Ali à Sakhr El Materi, Ali Sériati confiait à un proche «Ce jeune homme annonce la fin de Ben Ali, il est trop ambitieux, peu consistant et avide».

La loyauté d’Ali Sériati allait vers une seule institution, la présidence et vers une seule personne, le président qu’il avait la responsabilité de protéger avec ses proches.

Qu’est-ce qui explique alors qu’il soit aujourd’hui mis au pilori pour atteinte à la sûreté de l’Etat?

Est-ce le fait que Samir Tarhouni, pour couper court à toute discussion, avait répondu à son supérieur qu’il avait reçu l’ordre d’arrêter les Trabelsi de la part de Ali Sériati? Ce qu’il s’est d’ailleurs empressé de rectifier en expliquant qu’il ne voulait rien dévoiler de son plan avant que tout soit dans l’ordre.

Ces informations auraient-elles atteint les oreilles de l’ancien président que l’on disait très suspicieux au point qu’il en est venu à douter du directeur de la garde présidentielle à son service depuis des années?

Le fait est que l’arrestation rapide d’Ali Sériati au moment même où l’avion présidentiel partait en Arabie Saoudite n’était pas convaincante. Personne d’ailleurs dans l’entourage de l’ancien ministre de la Défense, Ridha Grira, ou dans celui d’Ali Sériati lui-même, n’a cru que ce dernier avait donné l’ordre de l’arrêter de son propre chef, d’autant plus qu’on n’avait informé les médias de cette arrestation que deux jours plus tard. Beaucoup penchent vers la thèse que c’est Zine El Abidine lui-même qui en a donné l’ordre de l’avion présidentiel.

D’ailleurs, Ridha Grira aurait informé le général Ammar que l’ancien président lui avait déclaré «Il y a des intrus issus du courant islamiste qui séquestrent ma famille à l’aéroport, il faut les arrêter tout de suite et s’il le faut tirez sur eux». Quelle relation avec Ali Sériati d’autant qu’il n’y a pas eu de coups de feu à l’aéroport et que ce dernier attendait plutôt, sur instructions de Zine El Abidine Ben Ali, Slim Zarrouk et Ghazoua Ben Ali, qu’il devait embarquer vers Djerba?

Le général Sériati, arrêté depuis le 14, aurait été accusé d’avoir fait feu sur des civils, ce qui était inexact et c’est sur ce chef d’accusation et de celui de crimes contre l’Etat dénué de preuves qu’il fut arrêté et soumis par la justice militaire au juge d’instruction.

Grira, bien qu’il ait reçu un appel de l’ancien président, nie avoir reçu l’ordre de ce dernier d’arrêter Ali Sériati, il va plus loin pour affirmer que la décision a été prise lors d’une réunion tenue en présence du ministre de l’Intérieur Ahmed Friaa et de Mohamed Ghannouchi, alors Premier ministre. Mohamed Ghannouchi a, pour sa part, démenti avoir ordonné l’arrestation d’Ali Sériati? Qui ment, qui dit vrai?

La vengeance: un plat qui se mange froid?

Ali Sériati, issu d’une modeste famille de Jendouba vouée à la culture céréalière, décrocha son baccalauréat en 1962 en tant que majeur de promotion, ce qui lui a valu d’être parmi les rares privilégiés à intégrer la prestigieuse école militaire de Saint Cyr1 en France.

De 1974 à 1976, suite à de nombreuses promotions, il a été nommé chef des offices d’Abdallah Farhat, ministre de la Défense. La même année, il poursuivit une formation d’un an à l’école d’Etat Major et de commandement au Maroc, où il fut majeur de promotion et décoré par le ministre de la Défense du royaume en 1976.

En 1977, à 37 ans, il fut promu Commandant de l’Armée de Terre Nationale chef du centre de formation du génie militaire ainsi qu’adjoint du chef du régiment du Génie militaire d’Oued Ellil jusque 1980.

Lieutenant-colonel de l’armée de Terre Nationale à 40 ans puis retourna en France afin d’intégrer l’école de Guerre 2 (école militaire de Paris) et obtenir en 1982 une maîtrise du haut commandement militaire de France en psychologie de commandement avec mention Elite3. En 1989, il fut promu Colonel-Major de l’armée de Terre Nationale à 49 ans.

Pourquoi un officier qui a suivi une carrière aussi brillante et qui n’a jamais failli dans son parcours professionnel aurait-il pensé à se retourner contre son pays ou à massacrer ses compatriotes?

Et si le but était de comploter contre la sûreté de l’Etat ou Ben Ali, quoi de plus facile que de l’abattre lui et sa famille et de paraitre au peuple tunisien comme un héros national qui les a débarrassé du dictateur et de sa mauvaise conseillère?

Pourquoi sachant qu’Ali Sériati était arrêté depuis le 14 à 18h, personne n’en a été informé?

L’un des officiers proches de l’ancien président a déclaré: «Ali Sériati figure parmi les responsables sécuritaires qui refusaient net les agissements de la famille de l’ancien président et l’informait de tous leurs dépassements sans que ce dernier réagisse à ce qu’on lui disait».

Sériati a été de 1990 à 1991 nommé Directeur Général de la Sécurité Militaire, y aurait-il des personnes qui lui en ont voulu et ont profité du climat de chaos du pays pour lui faire porter le chapeau?

D’après ses proches, la rigidité militaire d’Ali Sériati a provoqué une crainte de tous les protagonistes proches du pouvoir et a été parachevée par neuf années au palais, sans aucune promotion ni par un nouveau grade, ni par une fonction supérieure.

«C’est sa discrétion et son éloignement volontaire de la politique, du pouvoir et de l’argent qui auraient, selon eux, valu au général Ali Sériati, d’avoir été le candidat idéal pour porter le chapeau de crime contre la nation, d’avoir été considéré ennemi public numéro un, d’être en prison depuis un an déjà à 72 ans et après 50 années de loyaux sacrifices au service de la Tunisie ».