Le président de la Chambre de commerce tuniso-libyenne : «Les Turcs sont plus nombreux en Libye que les Tunisiens»

tunisie-lybie-art.jpg«La sécurité s’améliore de plus en plus en Libye et même si quelques incidents persistent, c’est entre des bandes rivales, et c’est d’ailleurs tant mieux, car en s’entretuant, ils nous débarrassent de leur présence sans que nous ayons à intervenir par nous-mêmes».

C’est ainsi que s’est exprimé le président de la Chambre de commerce tuniso-libyenne lors de la rencontre organisée par ladite chambre en partenariat avec la Fédération du bâtiment sur la reconstruction de la Libye et dont les assises se tiennent les 27 et 28 décembre à l’UTICA.

«La Turquie dessert la ville de Misrata, 5 fois par semaine et Tripoli quotidiennement. Les Turcs sont plus nombreux en Libye que les Tunisiens alors que la Tunisie est le seul pays arabe dont les ressortissants n’ont pas besoin de visa pour entrer dans notre pays», précise le président de la Chambre de commerce tuniso-libyenne.

«Je pense qu’être présents sur le terrain, c’est impératif. D’autant plus que nous avons déjà des entreprises implantées en Libye bien avant la guerre et qui ont subi des dégâts énormes. Nous avons déposé des réclamations et fait l’inventaire de ces entreprises et l’état de leurs pertes. Nous avons également engagé des pourparlers avec le gouvernement libyen de transition et nous leur avons soumis des dossiers», a déclaré Chokri Driss, président de la Fédération nationale des entrepreneurs de bâtiments et des travaux publics.

La Libye a offert depuis 2005 un bol d’oxygène aux entreprises tunisiennes du bâtiment qui ne pouvaient plus s’épanouir dans un espace national devenu exigu. Sans oublier qu’il n’est point facile de lancer une société de bâtiment à l’international, car il s’agit d’investissements lourds impliquant des équipements et de la main-d’œuvre. «C’est un secteur qui exige d’énormes frais, des mobilisations et des engagements. Nous avions des chantiers en démarrage, d’autres en cours et d’autres en achèvement. Sur les 2 millions de dinars de contrats, il y avait 45% de réalisé et le reste encore en instance. Il y a par conséquent lieu de reprendre les travaux stoppés net suite à la révolution et d’autres à relancer».

Pour les pertes et les dégâts dont ont été victimes les entreprises tunisiennes du bâtiment en l’absence de la couverture des assurances, un état a été soumis au gouvernement libyen de transition qui a déjà lancé un plan pour dédommager les entreprises nationales. «Nous avons prié les autorités libyennes de nous dédommager en nous mettant sur le même pied d’égalité que leurs propres entreprises. Nous n’avons pas la capacité en tant que petites entreprises de faire face à autant de pertes par nos propres moyens. Et même les grandes entreprises étrangères outillées, comme les turques, ne peuvent pas passer outre leurs pertes et effacer leurs ardoises tout de go. Il s’agit là de plusieurs millions de dollars».

Mais ce qui manque à la Libye aujourd’hui, c’est la relance du marché financier et monétaire. Les banques sont en mal de liquidités, ce qui n’aide pas les entreprises à tourner normalement. «Je pense que la situation des banques s’améliorera d’ici quelques mois. J’estime qu’il faut marquer notre présence et avoir le courage et l’audace de nous implanter en Libye aujourd’hui et tout de suite. Car à la différence des Turcs qui sont accompagnés par leur Etat, nous, nous ne pouvons compter que sur nos propres capacités en l’absence d’un appui réel et concret de la part des autorités publiques».

Les entreprises tunisiennes du bâtiment installées en Libye, depuis près de 5 ans, sont familiarisées avec le marché: «Il y a beaucoup d’opportunités chez notre voisin, d’autant plus que pour ce qui est de l’emploi, nous pouvons le considérer comme vierge après le départ de milliers d’Africains. Nous voulons que nos travailleurs soient liés par des contrats de travail de longue durée comme ceux des Libyens, et nous estimons que le rôle de l’Etat tunisien sur ce plan là est crucial. Le ministère de l’Emploi a une mission importante à accomplir pour négocier et accompagner les travailleurs». Les pertes des entreprises tunisiennes et tuniso-libyennes du bâtiment en Libye évaluées par la Fédération du bâtiment s’élèvent à 400 MDT.

La Libye est demanderesse d’une main-d’œuvre qualifiée dans tous les domaines, allant du bâtiment à la santé et l’enseignement, en passant par les cabinets spécialisés en études, architecture, finances et autres. Les Tunisiens peuvent, pour les grands projets, réaliser des alliances avec des pays méditerranéens comme l’Italie, l’Espagne, la Grèce ou la France.

Pour consolider la présence des entreprises tunisiennes en Libye, les banques doivent suivre pour les financer et accompagner leur développement. Il faut par ailleurs «supprimer les frontières», estiment les opérateurs aussi bien libyens que Tunisiens, mais également simplifier les formalités administratives et procédurales pour l’implantation des entreprises. «Les cabinets tunisiens d’études trouvent d’énormes difficultés à ouvrir des représentations en Libye, nous appelons nos partenaires voisins à nous considérer comme des nationaux et nous ferons de même chez nous», a indiqué un représentant du secteur des cabinets d’études en Tunisie.

2.800 entreprises opèrent dans le secteur du bâtiment en Tunisie et emploient près de 400.000 personnes, soit 13% de l’ensemble des autres secteurs économiques.

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