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Vue de Tokyo en janvier 2011 (Photo : Kazuhiro Nogi)

[15/12/2011 11:12:29] TOKYO (AFP) Sa dette représente le double de sa richesse nationale et son déficit annuel frise la moitié de son budget, mais ses obligations s’arrachent à des taux dérisoires. Si le Japon échappe pour l’heure à une crise budgétaire à l’européenne, il ne peut ignorer le danger.

Né dans les années 1990 des efforts gouvernementaux pour relancer l’économie grippée par l’éclatement d’une bulle financière et immobilière, le problème d’endettement nippon semble pourtant pire, sous certains aspects, que les écarts ayant conduit des pays européens au bord de la faillite.

La troisième puissance économique mondiale est endettée à plus de 200% de son produit intérieur brut (PIB), une proportion sans égale parmi les pays développés. A titre de comparaison, les engagements bruts de l’Italie, désignée à la vindicte des marchés, ne représentent “que” 120% de son PIB.

Le budget initial 2011 du gouvernement japonais est financé à 48% par l’émission de nouveaux bons du trésor dont le montant dépasse celui des revenus fiscaux de l’Etat, les comptes n’étant bouclés qu’en puisant dans des réserves spéciales.

“Le déficit public va dépasser 10% du PIB en 2011 et sans doute encore 7% en 2015 car l’austérité n’est pas de rigueur, contrairement aux autres pays industrialisés”, prévient David Rea, du cabinet Capital Economics.

Le gouvernement nippon emprunte toutefois sur dix ans au faible taux de 1%, contre 2% pour les bons du trésor américains et allemands considérés comme des “valeurs refuges” et de 6 à 7% pour les obligations italiennes récemment.

Plusieurs fondamentaux de l’économie nippone expliquent cet apparent paradoxe.

L’évolution des prix limitée voire négative, d’abord, garantit un revenu aux investisseurs malgré le faible taux nominal des bons du trésor. La balance des paiements est en outre excédentaire depuis trente ans: les Nippons accumulent de l’épargne sur laquelle les autorités peuvent compter pour emprunter.

“Le gouvernement profite de la propension des banques et autres institutions financières japonaises à effectuer des placements sûrs sur le marché national. Les ménages nippons préfèrent ce type d’investissement aux paris plus risqués”, résume M. Rea.

Cette demande importante maintient à taux réduits les obligations de l’Etat, diminuant le montant des intérêts qu’il doit débourser à ses créanciers.

Adossés à ce puissant marché intérieur, les bons du trésor sont détenus à 94,3% au Japon dont les finances sont à l’abri des mouvements erratiques de capitaux internationaux qui ont mis à genoux plusieurs Etats européens.

L’archipel détient en outre les deuxièmes plus importantes réserves de changes au monde et dispose d’une monnaie de réserve internationale, le yen, ce qui renforce sa position sur les marchés.

Fin août, l’agence de notation financière Moody’s a pourtant réduit d’un cran la note de la dette du Japon, à Aa3, la quatrième meilleure possible sur 19 échelons. Ses concurrentes S&P et Fitch créditent l’archipel d’appréciations comparables, mais menacent de les abaisser.

Moody’s estime que l’instabilité gouvernementale chronique – six chefs de gouvernement en cinq ans – entrave la résolution du problème budgétaire. “Une crise de financement est très improbable à court terme, mais le risque pourrait augmenter à plus longue échéance”, prévient-elle.

Le vieillissement de la population risque d’abaisser les revenus fiscaux et élever les dépenses de santé, creusant davantage le déficit.

La dépendance vis-à-vis des investisseurs étrangers pourrait en outre augmenter, à cause de la stagnation du revenu des ménages.

“Nous ne sommes pas vaccinés contre une crise d’endettement”, vient d’avertir le Premier ministre de centre-gauche Yoshihiko Noda, ancien ministre des Finances dont la réforme fiscale est l’un des chevaux de bataille.

“Nous ne pourrons maintenir la confiance dans notre pays si nous transmettons les factures aux générations futures”, a-t-il souligné.

Des impôts directs vont ainsi être relevés pour financer une partie des budgets de reconstruction du nord-est dévasté par le tsunami du 11 mars.