Papandréou contre les taxis : un emblématique combat de libéralisation en Grèce

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à Athènes le 28 septembre 2011 (Photo : Angelos Tzortzinis)

[30/09/2011 15:22:08] ATHENES (AFP) “On n’espère plus rien. Le gouvernement est impitoyable”: Dionissis Théodorakis, artisan taxi qui sillonne les rues d’Athènes depuis 21 ans, refuse la libéralisation imposée à marche forcée par les créanciers du pays, l’UE et le FMI, sur un secteur névralgique des transports du pays.

Les taxis grecs, dont l’amabilité et le service souffrent d’une réputation peu flatteuse auprès de la clientèle, se battent depuis des mois contre le projet d’ouverture à la concurrence de leur profession, mis en place par le gouvernement socialiste de Georges Papandréou, et contenu dans le catalogue de réformes structurelles prescrites à la Grèce par ses créanciers, Union européenne et Fonds Monétaire International en tête.

Quelque 15.000 à Athènes, plus de 30.000 dans tout le pays, les taxis ont un rôle stratégique dans ce pays touristique, notamment sur l’axe compris entre l’aéroport d’Athènes et le port du Pirée, où embarquent les touristes. Dans les îles, ils pallient le manque de transport public.

Protégés de la concurrence par un ensemble de règles et de restrictions, ils achètent leurs licences dans des conditions opaques, favorisant la circulation d’argent noir, une des plaies du pays que la réforme vise à endiguer.

“Sur une île, en hiver, il y a cinq taxis, et en été, lorsque la population quintuple et qu’il y a des besoins énormes, il y a cinq taxis aussi et aucune possibilité d’augmenter ce nombre”, s’énerve Anguélos Tsakanikas, chercheur à l’institut patronal IOBE.

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à Athènes le 28 septembre 2011 (Photo : Angelos Tzortzinis)

Pour les libéraux, à l’image du bras de fer victorieux de Ronald Reagan en 1981 contre les 12.000 aiguilleurs du ciel américains ou celui de Margaret Thatcher en 1984 contre les mineurs, l’affrontement du gouvernement Papandréou avec les taxis, marqué notamment par une grève de trois semaines en juillet, prend valeur de symbole pour tester la volonté de réformer en profondeur l’économie du pays.

“Leur poids économique n’est pas déterminant dans le PIB, mais ce dossier est un signal. Si cette loi passe, les autres réformes ouvrant les centaines de professions protégées en Grèce seront plus faciles”, juge M. Tsakanikas.

Selon lui, le texte final du projet de loi, discuté vendredi à Athènes par les représentants de la troïka des bailleurs de fonds du pays –l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international– et le ministre des Transports Yannis Ragoussis, sera “très ouvert”, sans aucune limitation.

Actuellement, une licence de taxi, attribuée officiellement pour 1.000 euros, peut en fait s’échanger 100 fois plus, soit 100.000 euros, le tout au noir, dit-il.

Ce qui explique la résistance à la suppression des licences, ceux qui ont acheté leurs plaques dans les dernières années risquant de perdre gros.

L’an dernier, au moment d’ouvrir la profession des camionneurs, et après une grève, le gouvernement a consenti un délai de trois ans pour la mise en oeuvre afin que les derniers arrivés ne soient pas trop lésés.

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à Athènes le 28 septembre 2011 (Photo : Angelos Tzortzinis)

Aujourd’hui, le pays en pleine crise “n’a plus le temps de s’amuser à ce petit jeu pour les taxis”, estime M. Tsakanikas.

Après un accord entre la profession et le précédent ministre des Transports, instituant un plafond du nombre de plaques à Athènes et Salonique, la deuxième ville du pays, le gouvernement est revenu en arrière à la faveur du remaniement gouvernemental, et a supprimé le seuil.

“Dans deux ou trois ans, on ne pourra plus vivre de ce métier”, se plaint M. Théodorakis, artisan taxi, qui manifestait sans illusion jeudi à Athènes.

“Je gagne 5 à 6 euros de l’heure et je travaille 10 heures par jour. Avec la crise, chaque jour le nombre de clients diminue et parfois mes recettes ne couvrent pas mes frais”, dit-il, “même à Paris, il y a une limitation du nombre de taxis, je le sais”.

M. Tsakanikas soupire: “Je peux donner l’exemple de 50 pays où la libéralisation a été une bonne chose, mais chaque fois qu’on parle de privatisation, les Grecs ont l’impression que les choses seront différentes pour eux, que le soleil se lèvera à l’ouest”.