Tunisie : Pour un nouveau mode de gouvernance régionale et locale

Par : Tallel

La réforme de la gouvernance régionale et locale actuelle, dont les turpitudes ont été examinées plus haut, pourrait épouser les grandes lignes suivantes:

Un exécutif régional coiffé par un gouverneur représentant les citoyens auprès du gouvernement

La première de ces grandes lignes concerne le profil de l’exécutif dans le modèle de développement régional à réinventer. Peu importent les appellations. Quelque soit la forme géométrique de ce profil, pyramidale ou non pyramidale, l’exécutif, pour fonctionner, a besoin d’un sommet, d’un ‘gouverneur’, au sens premier du terme. Mais un gouverneur- chef d’orchestre, représentant plus les habitants- citoyens de la région auprès du gouvernement que le ministère de l’intérieur auprès des administrés- sujets de la région. Jamais plus de gouverneur autocratique, régalien, paternaliste. S’il peut (et pas ‘doit’) être en plus originaire de la région, c‘est tant mieux. Si, un jour, il devait être un gouverneur élu par les citoyens de la région, nous aurions fait un pas de plus dans la voie de la démocratie régionale.

Des conseils de développement régionaux comme contre-pouvoirs

La seconde de ces idées-forces consiste en la mise en place, sinon d’un pouvoir parlementaire régional propre, à l’instar de ce qui se pratique dans plusieurs démocraties dans le monde, du moins d’un Conseil de développement régional (CDR) démocratiquement élu, et fonctionnant comme contre-pouvoir par rapport à l’exécutif dans la gestion des affaires générales, et plus particulièrement des projets de développement, de la région.

Il est encore trop tôt pour préciser davantage le rôle et la mission des CDR proposés. On pourrait, toutefois, en esquisser quelques grandes lignes. Définir les priorités d’investissement dans la région, Assurer le financement et le suivi des projets de développement. Assister lesdits projets durant leur durée de vie. Initier la création d’associations de développement régionales, composées de membres choisis parmi les diplômés du supérieur, rémunérés à temps plein, et nommés chefs de projets.

Jusqu’où les CDR pourraient-ils assumer toutes ces fonctions, en toute souveraineté, ou en partenariat avec d’autres instances régionales et même nationales? Quid aussi de leur tutelle éventuelle? Leur tuteur serait-il le gouverneur de région? Ou bien seraient-ils autonomes? Seraient-ils aussi généralisés à toutes les régions? Ou bien seraient-ils limités, dans une première phase en tout cas, aux régions défavorisées ? D’autres interrogations auxquelles il faudrait apporter réponse ultérieurement.

Des conseils municipaux mieux dotés et plus entreprenants

Le troisième volet de ces idées- force concerne les conseils municipaux. Ces derniers, pour pouvoir honorer toutes les servitudes liées à leur proximité des citoyens, devraient acquérir plus de moyens financiers et matériels et disposer de pouvoirs de décision et d’initiative réels.

Institution d’une fiscalité régionale

Le quatrième volet de ces idées- force a trait à l’institution d’une fiscalité régionale. Il est évident que ce rôle de contre-pouvoir que les Conseils régionaux, et à un degré moindre, les conseils municipaux, seront appelés à assumer, ne peut être exercé que s’il est assorti d’une autorité budgétaire propre. L’absence de toute fiscalité régionale, permettant aux régions, voire aux collectivités locales, de lever, sinon des impôts directs, du moins des taxes indirectes, constitue un des grands dysfonctionnements de l’organisation régionale présente. Aussi la mise à l’étude d’un projet instituant une fiscalité régionale nous semble-t-elle tout à fait pertinente

Elaboration d’un système de statistiques et d’une comptabilité régionales

Le cinquième volet de ces idées-forces consiste en l’élaboration d’un système de statistiques et d’une comptabilité régionales.

Révision du système des Offices et des Commissariats généraux pour le développement régional

Le cinquième et dernier volet de ces idées- force concerne une révision du système des ‘’Offices’’ et des ‘’Commissariats généraux’’, chargés actuellement de centraliser et de superviser les projets de développement régional. L’idée est de substituer à ces structures des représentations permanentes, moins bureaucratiques, plus souples, organisées sur une base thématique: agriculture, industrie, infrastructures et équipements collectifs, etc. et réparties à travers le territoire d’une ou de plusieurs régions économiques ou régions de développement, tel que délimitée(s) par le nouveau schéma d’aménagement du territoire national. La localisation de ces représentations permanentes tiendra compte des avantages comparatifs: agricoles, industriels, culturels ou autres des composantes de l’espace territorial régional ou plurirégional concerné.

A titre d’exemple, si les quatre gouvernorats du Nord-ouest tunisien: Jendouba, Le Kef, Béja et Siliana sont érigés en une région économique dans le nouveau schéma d’aménagement du territoire, les représentations permanentes évoquées ci-dessus pourraient être délocalisées comme suit: une représentation permanente pour l’agriculture régionale, à Jendouba ou à Béja; une représentation permanente pour l’industrie régionale au Kef; une représentation permanente pour la culture régionale à Siliana.

L’autre intérêt de ce modèle est que les représentations permanentes thématiques dans les diverses régions économiques constituées peuvent communiquer et coopérer les unes avec les autres, favorisant ainsi des processus d’intégration inter-régionales tout à fait souhaitables.

Prochain article : Réaménager l’espace territorial national