Tunisie : L’économie doit reprendre ses droits

economie-emploi-1.jpgRecherche nouveau modèle économique, désespérément. De même qu’un nouveau paradigme d’insertion à l’économie mondiale.

Mohamed Haddar «ronge son frein». Le président de l’Association des économistes Tunisiens (ASECTU), cheville ouvrière du «Cercle de l’économie» que l’Association vient de mettre sur pied avec un collectif de journalistes, s’impatiente. Il considère que les repères du débat public en matière économique sont clairement posés: la reconfiguration du système, rien de moins. Le programme du gouvernement n’y répond pas tout à fait. Du moins pas avec l’exigence de démarcation –ou de rupture- requise. Et les partis politiques ne semblent pas s’en soucier outre mesure, en dehors d’Ettakatol, seul parti sur la place à avoir publié un programme.

Les uns et les autres vont-ils se décider, pour les premiers à rectifier le tir et pour les seconds à prendre publiquement position, afin de coller aux attentes de l’opinion. Et, à la réalité du terrain?

La situation est critique: Le redéploiement économique est de rigueur

La politique ne doit pas occulter l’économie. Cette dernière doit retourner dans le champ public. Il est vrai que la politique va nous faire, demain, un environnement institutionnel propice avec de la gouvernance, de la justice et de la transparence. Mais c’est de la remise en marche de l’économie que dépendra, demain, notre salaire, notre job, l’avenir de nos enfants, le cadre de vie dans son ensemble. Et, de plus, exige Mohamed Haddar sans appel, il faut poser les règles du jeu économique avant d’engager la partie. Comprenez, avant de s’installer à la Constituante.

Le pays est dans l’expectative. L’opinion, les jeunes, leurs parents, les opérateurs économiques, les travailleurs, les chômeurs, toutes les composantes de la collectivité nationale veulent du concret et du solide. Il faut nous annoncer le contenu des programmes politiques avant de donner le coup d’envoi de la Constituante.

Alors, le président de l’ASECTU attend de voir venir. Mais jusque-là, ce qui est publié l’exaspère. Le gouvernement a publié une note d’orientation au mois d’avril dernier. Or, Mohamed Haddar y voit une pâle copie du XXIIème Plan. Elle serait hors champ, selon lui.

Le schéma économique appelle une refondation totale, pas des palliatifs, des correctifs et autres mesures d’appui et d’assistance. Le schéma passé est mis au tapis car il a touché à ses limites. L’insertion dans le marché mondial au prix de la dépréciation rampante du dinar, des bas salaires, de la flexibilité et des technologies de faible valeur ajoutée, est bel et bien dépassée, martèle le professeur d’économie. Elle est à ranger au musée de la planification: «forget it!».

Il faut que le système se redéploye «Right now», pas moins. Et sous peu, il va poser la question publiquement de savoir comment le gouvernement et les partis politiques entendent s’y prendre.

Les propositions incantatoires, ça suffit! Les lieux communs, y en marre!

La situation est critique, à l’heure actuelle. Elle appelle de l’imagination et de la cohérence. Or, il ne voit rien de tout cela. On attend toujours de voir le plan présenté par le gouvernement au G8 dont la publication est prévue pour la fin du mois de juillet. Et du côté, des partis politiques, on est gavé de slogans génériques. L’arsenal des propositions incantatoires et des lieux communs ne passera pas. Pour Pr Haddar, chacun doit se dire «I’ll try my best!». Il sera là, avec les membres du Cercle, à traquer les failles et autres insuffisances.

L’urgence est là. Que faire demain pour réinsérer les 700.000 chômeurs sur le carreau? Cela ne se fera pas en un jour. Parler rigueur, c’est aussi parler franc. Il est contre les mesures d’assistance et les indemnisations à tour de bras. Quand «Solidarnosc» est arrivée au pouvoir en Pologne, toute formation syndicale qu’elle soit, elle a réduit les salaires de 20%. La situation l’exigeait et Lech Valesa, auréolé de son combat révolutionnaire, a pris le pari de parler le langage de la vérité aux Polonais.

De quoi demain sera fait? On est en droit de le savoir avant de glisser nos bulletins dans les urnes. Ce n’est pas du chantage mais bien un visa pour gouverner, en phase avec nos attentes.

Ne pas négliger de dialoguer avec les partenaires sociaux

Nous considérons que certains acteurs sociaux doivent être sermonnés autant que les membres du gouvernement et les partis politiques, à savoir les syndicats et les organisations patronales et professionnelles.

Quand Mohamed Haddar juge qu’il faut aller sur les sentiers de l’innovation et de la productivité pour “baremiser“ les salaires demain, ne convient-il pas qu’il associe les syndicats à sa réflexion? S’il veut que demain les avantages comparatifs de la Tunisie soient protégés, peut-il amener les syndicats à opter pour un syndicalisme participatif et non pas seulement revendicatif? Et s’il veut garder la même nature de véhicule industriel, à savoir la PME, mais lui changer sa vocation en en faisant un véhicule d’innovation, a-t-il l’assentiment du patronat? Et puis, au risque de récolter un zéro à ma copie, Pr Haddar, l’Université dans tout cela est-elle prête à faire son aggiornamento?