Ben Laden : sur internet des questions plus qu’une théorie de la conspiration

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ésidence où se cachait Oussma Ben Laden à Abbottabad (Photo : Aamir Qureshi)

[03/05/2011 17:02:24] PARIS (AFP) L’annonce de la mort de Ben Laden, dont le cadavre a été jeté à la mer, alimente depuis 48 heures, notamment sur internet, de nombreuses interrogations, mais sans nourrir une vraie théorie de la conspiration.

D’autant que les autorités américaines n’ont publié aucun cliché du corps et qu’une photo initialement présentée comme celle du cadavre et diffusée par des chaînes de télévision s’est révélée être un faux.

“Comme pour la mort d’Hitler, il y aura des doutes sur la question de savoir si Ben Laden a réellement été tué”, explique Robert Alan Goldberg, professeur d’histoire à l’Université de l’Utah (Etats-Unis), interrogé par l’AFP.

“En outre, pour les convaincus de la théorie du complot dans les attentats du 11-Septembre, Ben Laden est vu comme une pièce dans le jeu de la CIA”, ajoute ce spécialiste, auteur de “La culture du complot dans l’Amérique moderne”.

“On va entendre dire que les Etats-Unis savaient où il était depuis tout ce temps et qu’ils ont décidé de s’en débarrasser maintenant”, conclut-il.

“Qu’on nous montre le corps !” : les premiers à ne pas y croire étaient d’ailleurs les habitants d’Abbottabad, ville pakistanaise où Ben Laden a été débusqué et tué.

“Combien de fois nous a-t-on déjà dit qu’Oussama était mort et ce n’était pas vrai ?”, se demandaient nombre d’internautes à l’instar de Justus Mwanzia, consultant, interrogé par l’AFP au Kenya, frappé par des attentats d’Al Qaïda en 1998 et en 2002.

“Si les Etats-Unis sont sûrs de l’avoir tué, pourquoi n’ont-ils pas donné à la presse toutes les photos et vidéos de sa capture et des circonstances précises de sa mort ? Pourquoi avoir précipité l’immersion de son corps en mer en déclarant respecter le rite musulman ?”, ajoutait son compatriote Herbert Ng’eno.

Même question de Ferial Haffajee, l’influent rédacteur en chef du journal sud-africain City Press: “comment savons nous que c’est vraiment Ben Laden qui a été tué s’il a été +inhumé+ en mer ? Et qui contredira le test ADN ?”.

“Il peut y avoir deux explications, affirmait le site kavkazcenter.com, proche de la rébellion islamiste tchétchène : soit Ben Laden n’était pas dans la maison attaquée, soit le corps était tellement abîmé qu’il ne peut être identifié (…)”.

A Prague, c’est Petr Hajek, un conseiller du président Vaclav Klaus, qui a qualifié Ben Laden de “fiction médiatique” : “il est mort comme il est né, dans d’étranges circonstances, presque mystiques. Croyez le si vous voulez!”.

Sur Facebook, Twitter, Youtube, les débats étaient vifs: “un grand mensonge !”, “Un soi-disant ADN, un soi-disant corps mort, un soi-disant responsable anonyme ?”

Les commentaires alimentent aussi la vieille thèse conspirationniste, aussitôt dégonflée par les internautes eux-mêmes, ou parodiée sur certains sites d’informations.

En Iran, où ni les autorités ni les médias n’ont globalement mis en doute la véracité de la mort de Ben Laden, l’agence Mehr imagine “un accord ultra-secret” dans lequel les Américains auraient convaincu Ben Laden “d’accepter sa mort médiatique au lieu d’une mort réelle”.

A Beyrouth, As-Safir, grand journal arabophone proche du Hezbollah, estimait aussi qu’il “faudrait être très naïf pour croire en détails ce qui a été dit concernant” la mort de Ben Laden.

“On a tous les ingrédients pour assister à une suspicion généralisée. Et même si demain on nous dévoile les conditions de l’exécution, le mal sera fait et les +complotistes+ se demanderont toujours pourquoi certains éléments ont été cachés”, résume Bruno Fay, auteur du livre “Complocratie”, sur le site de l’hebdomadaire français le Nouvel Observateur.

“Revivez dans les conditions du direct notre progression vers la vérité (ou alors suivez la propagande officielle)”: prenant le parti amusé de dégonfler d’emblée toute tentative conspirationniste, le site Slate.fr publiait mardi “Le jour où Ben Laden n’est pas mort”, une parodie de “toutes les preuves de ce vaste complot de l’administration américaine”, concoctée par l’un de ses journalistes.