Tunisie-Partis politiques : “Devrions-nous nourrir nos enfants par le Mouvement des patriotes au petit-déjeuner et par le parti de la justice au déjeuner?”

dostour1.jpg«On peut prospérer économiquement sous une dictature, mais on ne peut réussir la transition démocratique si le système économique est grippé», la déclaration est de Mustafa Kamel Ennabli, gouverneur de la BCT, lors d’une manifestation publique. Elle a également incité le Cabinet Smart Consult, en collaboration avec l’Association Touensa, à lancer un cycle de rencontres avec les principaux partis pour débattre de leurs programmes économiques et sociaux. Les responsables et auteurs de ces programmes seront ainsi invités séparément à discuter avec un public d’opérateurs économiques.

Il faut que la politique et l’économie soient en symbiose, a récemment déclaré Mansour Maalla dans une interview accordée à WMC, tant il est vrai que les liens entre stabilité sociale, croissance économique et choix politiques judicieux paraissent importants.

L’establishment politique et le rôle joué par l’Etat dans l’économie justifient le souci du secteur privé de se voir représenter par des personnalités avisées, conscientes de ses problématiques et soucieuses du bien-être économique du pays.

Dans les pays émergents, les élites économiques sont bien souvent des proches du pouvoir. En Tunisie, nombre d’entreprises ont été asservies de gré ou de force par le régime Ben Ali et les dirigeants du RCD. Les conseillers de Carthage, la famille et le parrain devaient seuls décider de qui gagne quoi et qui bénéficie de quoi. Sans oublier le poids qui pesait sur les ministères en charge des relations avec le secteur privé pour collaborer avec les favoris et exclure les «indépendants».

La Tunisie passe aujourd’hui par une période transitoire décisive. Une phase dans laquelle le peuple devrait décider de ses orientations politiques et économiques. «Depuis le 14 janvier 2011, une multitude de partis politiques a émergé sur la scène tunisienne. Nous avons tous vu sur les plateaux de télévision, assisté à des meetings, rencontré directement ou lu les articles des premiers responsables politiques des principaux partis. La plupart des dirigeants politiques sont plutôt clairs sur les grandes valeurs républicaines de la Tunisie nouvelle: démocratie, liberté, justice sociale, droits de l’Homme… Mais là où nous restons sur notre faim, c’est par rapport aux orientations économiques et sociales de ces partis. Les programmes présentés nous apparaissent comme trop vagues et sans vision claire», estime Jalel Henchiri de Smart Consult.

Il est rejoint pas un compatriote qui déclarait sur Mosaïque: «Il est quand même aberrant de n’entendre parler dans nos médias et de la bouche des représentants des partis que de politique, de social et jamais du coût de la vie de plus en plus élevé, des denrées alimentaires qui flambent et de ce qui nous attend sur le plan économique. Alors, je devrais peut-être nourrir mes enfants par le Mouvement des Patriotes démocrates au petit déjeuner, et par le Parti de la justice et du développement au déjeuner. Et si on s’intéressait à des problèmes réellement autrement préoccupants pour nous, ceux simples de notre vie de tous les jours?»…

Ce genre de déclarations explique peut-être le fossé qui existe entre les discours politiques d’ordre principalement idéologique et les préoccupations des citoyens d’ordre existentiel.

La révolution de la dignité est également celle de l’essentiel: trouver du travail, être rémunéré convenablement, trouver les commodités nécessaires dans son environnement direct et être considéré comme un citoyen et non comme un sujet.

Ce que veut le Tunisien aujourd’hui, ce qu’il attend, c’est d’abord une stabilité qui lui permette de vivre bien sans subir le stress des fins de mois difficiles et les angoisses d’enfants dans le besoin ou risquant de devenir des chômeurs structurels.

Quelles sont les réponses apportées par les partis politiques à ces interrogations? Presque rien. Et si tous ces partis qui prétendent pouvoir diriger le pays ne présentent pas des programmes économiques concrets et des plans de relance et de développement réalistes et efficients, eh bien l’économie sera non seulement grippée mais contractera éventuellement une pneumonie mortelle…

Comment créer les richesses et les redistribuer équitablement? Comment réussir à combler le gap entre les régions? Quels programmes pour la création des emplois dans les secteurs privés et publics? Quels rôles respectifs des secteurs privé et public pour réaliser des taux de croissance convenables? Et quel rôle pour les investissements étrangers? Voilà entre autres les questions qui seront posées aux vis-à-vis économiques des partis politiques lors des rencontres de Smart Conseil et de l’Association Touensa.

Parce qu’économie et politique sont les deux faces d’une seule médaille, pour être efficaces, les acteurs politiques ont tout intérêt à proposer des programmes de développement conséquents et à s’entendre avec les acteurs économiques. Car, quand l’économique et le social croulent, le politique est le premier à en payer les frais, dans une démocratie cela s’entend. Nous l’avons vu, nous l’avons vécu dans notre chair et notre sang, ici même, en Tunisie.