Tunisie : Mandats d’amener des juges de Kasserine et Sidi Bouzid contre Ben Ali et Belhaj Kacem

Le président déchu a voulu mater la révolte à Kasserine à coups de bombes après
avoir réalisé que les tireurs d’élite de la police nationale n’ont pas réussi à
assujettir les populations insoumises à coups de balles.

Et pendant que lui coule des jours heureux en Arabie Saoudite -qui a pris sur
elle de protéger un assassin au lieu de le délivrer ainsi que sa dulcinée aux
autorités tunisiennes-, les parents de ces morts injustement tués crient
justice. 106 martyrs dont les dossiers ont été soumis à la Commission nationale
d’investigation sur les violations et les abus commis au cours des derniers
événements. 241 d’après le ministère de l’Intérieur et pouvant atteindre les 300
selon Ibrahim Bouderbala, président de la Commission qui préconise la découverte
d’autres victimes tout au long des investigations qu’il mènera avec son équipe
sans oublier les blessés graves qui pourraient succomber à leurs blessures.

979 dossiers seront étudiés par la Commission dans le cadre de ses enquêtes et
ses investigations. Les tribunaux de Gabès et
Sidi Bouzid
qui travaillent avec
des moyens humains et matériels réduits ont déjà procédé à des arrestations dans
les rangs de la police nationale et des instructions ont été ouvertes contre le
président Ben Ali et Rafik Belhadj Kacem pour crimes contre l’humanité.

Des dizaines d’agents de la police ont été d’ores et déjà arrêtés et des mandats
d’amener ont été ordonnés par les juges d’instruction dans ces gouvernorats.

Plus que Sidi Bouzid, d’où est partie la première flamme, ce sont les régions de
Kasserine, Thala, et Siliana qui ont subi les feux des exactions de l’ancien
régime. Ces régions qui avec Gafsa constituent historiquement le front de
résistance en Tunisie ont été soumises à un étau policier important. Les
populations courageuses ont vécu un désarroi sans précédent lorsque les tireurs
d’élites ont commencé à tirer sciemment sur les foules: «Ils n’ont même pas
épargné ceux qui accouraient pour secourir les blessés, continuant à tirer sur
la personnes tombée à terre et l’autre qui voulait la sauver, une deux, trois
balles, on ne calculait pas…», a précisé le président de la Commission. Et fait
inhabituel, des détenus ont été violés dans les geôles des postes de police, 4
jeunes hommes.

Ces régions ont pourtant assez souffert, ont été pendant des décennies les
oubliées du système. Elles n’ont bénéficié d’aucun programme de développement
sérieux dans le but peut-être de les maintenir dans un tel état d’indigence
qu’elles n’oseraient jamais lever la tête ou revendiquer des droits.

Mais ce que déplorent, plus que tout, les populations de ces régions, c’est le
fait de se sentir ignorées, passé l’engouement des premiers jours, par les
médias, les organisations des droits de l’homme et les autorités publiques. «On
a beau s’attendre à voir de la misère dans ces régions, la réalité est
cauchemardesque. Je me rappelle avoir été, dans les années 80, à Kasserine et
j’ai la nette impression qu’elle a fait, depuis, marche arrière», a indiqué M.
Bouderbala, faisant allusion à l’état d’extrême pauvreté et dénuement dans
lequel vivent ces régions. C’est ce qui expliquerait éventuellement le système
de scoring mis en place par le ministre du Développement régional pour allouer
aux régions des budgets selon leurs besoins et en se basant sur des éléments
objectifs reliés à leurs insuffisances…

Aujourd’hui, Kasserine, Thala et Siliana réclament justice. Il faut qu’il y ait
une volonté politique pour accélérer les processus d’instruction et d’enquêtes
et procéder aux arrestations d’usage. Il faut également que les médias tunisiens
arrêtent le jeu du sensationnalisme aux dépens de la souffrance et du sang des
jeunes martyrs et qu’ils accordent leur confiance aux enfants du pays, ceux qui
aiment la Tunisie plus qu’Amnesty international ou autres organisations
étrangères, ceux qui disposent de peu de moyens et sont volontaires pour faire
éclater la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Ceux-là sont les
membres de la Commission nationale d’investigation sur les violations et les
abus commis au cours des derniers événements.