Bangladesh : décision dimanche sur le renvoi de Yunus, le “banquier des pauvres”

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à Memensingh

[03/03/2011 14:53:44] DACCA (AFP) Le prix Nobel de la paix et “banquier des pauvres” Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank, spécialisée dans le micro-crédit, a saisi la justice jeudi pour contester son renvoi par le pouvoir à l’issue de mois de pression politique et une décision devrait intervenir dimanche.

Le pionnier du microcrédit, âgé de 70 ans, a été limogé mercredi, la banque centrale du Bangladesh lui imputant un manquement au règlement fondateur de la Grameen Bank qui encadre la nomination de son directeur général.

Mais jeudi matin, M. Yunus, faisant fi de cette décision, était présent comme à l’accoutumée au siège de sa banque, dont le conseil d’administration lui est loyal.

Et il a “engagé une action pour contester la légalité de la décision de la Banque (centrale) du Bangladesh de lui retirer ses fonctions”, a indiqué à l’AFP le procureur général Mahbubey Alam.

La Haute cour de Dacca a tenu dans la journée une audience pour entendre les différentes parties et devait rendre sa décision dimanche, selon des sources judiciaires.

M. Yunus a déclaré à la sortie de cette audience qu’il souhaitait “une solution élégante pour “(son) départ de Grameen”. “J’ai dit et répété que je ne voulais pas être directeur général mais le conseil d’administration a refusé ma démission”, a-t-il dit.

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érence de presse le 13 novembre 2006 à Halifax (Photo : David Boily)

Mercredi, la Grameen Bank a diffusé un communiqué de soutien à son fondateur dans lequel elle indiquait que “le professeur Muhammad Yunus est toujours en poste”.

Une loi encadrant le secteur bancaire, datant de 1991, donne de larges pouvoirs à la Banque (centrale) du Bangladesh, y compris celui de mettre un terme aux fonctions des dirigeants des établissements du secteur privé.

Les ennuis de Muhammad Yunus semblent avoir commencé en 2007 lorsqu’il créa son propre parti politique, qui fit long feu.

Le Premier ministre Sheikh Hasina, qui accuse l’organisation de micro-crédit de “sucer le sang des pauvres”, s’était alors pour la première fois opposée au “banquier des pauvres”.

En janvier, M. Yunus avait comparu devant un tribunal du Bangladesh pour une affaire de diffamation datant de 2007.

Peu avant, le gouvernement avait ordonné une enquête sur les pratiques financières de la Grameen Bank, qui partage avec lui le prix Nobel de la paix remis en 2006, signe de frictions persistantes entre lui et le Premier ministre.

Muhammad Yunus a fondé la Grameen Bank pour financer les projets de villageoises bangladaises n’ayant pas accès aux crédits bancaires habituels.

Détenu à 25% par l’Etat, l’établissement compte plus de 8 millions de clients, dans 82.000 villages.

De récents scandales en Inde ont montré que le micro-crédit a pu être détourné de son but pour s’apparenter dans certaines banques à un crédit à la consommation ruineux dont certains bénéficiaires se sont suicidés, une dérive condamnée par M. Yunus.

Les partisans du Nobel n’ont pas tardé à lui apporter leur soutien. La Norvège, qui a participé à la création de la Grameen Bank, a jugé mercredi, par la voix de Erik Solheim, ministre du Développement international, que son renvoi était “une très triste nouvelle. On assiste à une lutte brutale pour le pouvoir au Bangladesh”.

“Yunus était une personnalité populaire tant dans son pays qu’à l’étranger, et cela vous apporte toujours des adversaires”, a-t-il ajouté, faisant référence à la rivalité entre M. Yunus et Mme Hasina.

L’ambassade américaine à Dacca a exprimé son “profond trouble” et demandé à Dacca de traiter M. Yunus avec respect.

Le ministre des Finances du Bangladesh, A.M.A. Muhith, devait rencontrer jeudi matin des diplomates étrangers pour leur expliquer les raisons du renvoi de M. Yunus.