Tunisie : La coopération entre l’Universitaire et l’industriel est restée au stade embryonnaire

«Qu’est-ce qui distingue la Tunisie par rapport aux autres pays?», s’est interrogé un représentant de la Banque mondiale, lors du séminaire de lancement des bureaux de transfert technologique dans la région arabe, organisé par l’INNORPI, ce 13 décembre 2010 à Tunis. «C’est une question assez difficile, vous le savez! Mais ce que je puis vous assurer, c’est que la Tunisie se distingue par ses ressources humaines, ses compétences qui font la richesse de notre pays à l’intérieur et à l’extérieur», a rétorqué Riadh Soussi, représentant de la direction générale de l’innovation et du développement technologique au ministère de l’Industrie et de la Technologie. «Je puis ajouter que la Tunisie est l’un des pays qui investit énormément dans l’éducation avec 25% du PIB qui lui est consacré, en sachant également que 25% du budget est dédié à la recherche scientifique», enchaîne Aymen Mekki, directeur général de l’INNORPI.

Des compétences qui requièrent une valorisation efficiente pour une meilleure exploitation. D’ailleurs, le lancement du projet pilote pour la mise en place d’un réseau de bureaux de transfert de technologie en Tunisie s’inscrit dans cette optique. Booster la recherche scientifique au profit de l’industrie serait l’un des objectifs assignés à ces bureaux mais aussi un challenge puisque jusque-là le rapprochement entre le milieu universitaire et le milieu industriel reste difficile à concrétiser.

Exploitation des ressources…

Tel que l’a bien exprimé un professeur universitaire et ancien ingénieur participant au séminaire, «les universitaires sont restés des théoriciens. Les publications universitaires n’ont pas un grand intérêt pour les industriels parce qu’ils sont loin du terrain. De l’autre côté, on exploite mal nos ressources. Les ingénieurs sont le cœur de l’industrie et du développement. Il faudrait leur donner plus de confiance et exploiter le potentiel qu’ils ont. La création des technopoles est une très bonne idée mais faudrait-il que les industriels s’y mettent et s’y installent. Les industriels devraient aussi avoir confiance en nos compétences et ne pas recourir toujours aux bureaux et aux cabinets étrangers dans les études, par exemple. Les outils et les atouts existent mais il faut les chercher ici et non ailleurs», a-t-il affirmé.

Une problématique qui ne peut se résoudre sans une concertation entre toutes les parties concernées. «Malheureusement, la communication entre le milieu universitaire et le milieu industriel est resté au stade de réflexion, et je dirais même embryonnaire. Mais nous sommes toujours à la recherche de solutions. Le programme national de recherche et d’innovation offre plusieurs outils pour ouvrir cette brèche entre la recherche et l’industrie. En 2011, on prévoit même de lancer des programmes de doctorat au sein de l’entreprise», a affirmé M. Soussi. «La réalisation  de tous ces programmes ne peut être faites par une seule partie. Ce sont tous les intervenants: pouvoir public, université et industrie, qui doivent y adhérer», a lancé M. Mekki.  

Une infrastructure technologique adaptée…

Il faut dire que la stratégie nationale de l’innovation est très ambitieuse sur ce plan. Au niveau de l’infrastructure technologique, on prévoit la création de dix pôles de compétitivité qui généreront 100.000 emplois, avec un investissement de 1.000 MDT, dont 700 MDT déployés par le secteur privé. On estime que ces pôles constitueront un trait d’union entre les universités, les structures de recherche et le secteur productif par la mise en place de réseaux sectoriels d’innovation. On en compte trois actuellement, regroupant 300 entreprises et 150 structures de recherche. Le pôle technologique de Borj Cédria, en cours de réalisation, verra également la création d’un réseau sectoriel en énergies renouvelables.

En revanche, l’infrastructure technologique englobe les centres de ressources technologiques (CRT) créés par les centres techniques et qui sont au nombre de cinq actuellement. On cite le CRT de Sousse, spécialisé dans la mécatronique et implanté dans le pôle de compétitivité de Sousse, le CRT Monastir El Fajja, spécialisé dans le textile et le CRT Bizerte, spécialisé dans l’agroalimentaire et l’emballage. Il s’agit aussi du CRT Sfax, spécialisé dans les applications multimédias et informatiques ainsi que le CRT Sidi Thabet qui un est centre de production biologique.       

La stratégie nationale s’appuit sur le réseau des centres techniques, au nombre de huit actuellement et qui fournissent 13.000 h/j d’assistance au profit de 1.000 entreprises annuellement. L’objectif est de porter ces chiffres à 20.000h/j en 2014 pour 1.300 entreprises. Ajoutons à cela un réseau de 67 laboratoires fournissant 2.500 types d’analyses et d’essais, avec le but d’atteindre 87 laboratoires en 2014 dont 70 accrédités.

Investir dans les créneaux porteurs…

Pour le développement technologique des entreprises existantes, le programme de mise à niveau reste la principale locomotive avec l’adhésion de plus de 4.000 entreprises. On prévoit, ainsi, l’élaboration de 300 diagnostics technologiques par an et la réalisation de 1.000 actions ITP (Investissements Technologiques Prioritaires) contre 600 actuellement. A l’horizon 2014, 130 projets de recherche et d’innovation devraient être réalisés contre 10 seulement en 2009, moyennant des crédits de 11 MDT contre 0,6 MDT en 2009.

La création d’entreprises dans les créneaux porteurs devrait s’accélérer, soit 1.000 entreprises innovantes durant la période 2010-2014 ainsi que l’accompagnement de 5.300 promoteurs et la mobilisation de 4.400 h/j d’expertise par les pépinières d’entreprises et les centres d’affaires. En ce qui concerne le développement technologique des grandes entreprises, des contrats programmes ont été signées avec la Compagnie Phosphate Gafsa (CPG), le Groupe Chimique Tunisien (GCT) et la Société Tunisienne d’Electricité et du Gaz (STEG) moyennant des budgets de 39 MDT (soit 1% du chiffre d’affaires) en 2014 contre 10 MDT en 2010. L’objectif est d’atteindre 10 grandes entreprises qui consacrent 1% de leurs chiffres d’affaires aux activités de recherche et développement.

Toutes ces prévisions donnent une image assez rayonnante de ce que devrait devenir la Tunisie dans les années prochaines. L’innovation, la locomotive de tout projet de développement, est un axe fondamental pour stimuler la croissance économique du pays. Un axe qu’on ne peut développer sans la mobilisation des compétences scientifiques et le renforcement de la relation entre l’université et l’industrie.