Tunisie : Mohamed Ghannouchi, «Il est impératif de sortir du cercle vicieux du bradage des prix»

m-ghannouchi-tourisme-1.jpg«Vendre notre produit touristique à rabais ne peut que nuire à notre image. Car des prix bas annoncent d’ores et déjà le niveau de la qualité des prestations qui ne peuvent satisfaire aux besoins d’une clientèle internationale», a déclaré Mohamed Ghannouchi, Premier ministre, à l’occasion de l’ouverture de la Journée consacrée à la consultation nationale sur la Stratégie 2016 du tourisme tunisien, samedi 9 octobre à Tunis.

Le secteur du tourisme, stratégique pour le pays, a affirmé le Premier ministre, malgré son recul ces dernières années, occupe une place toujours aussi importante dans l’économie du avec des rentrées de devises de 3.500 MDT en 2009. Il emploie directement et indirectement près de 400.000 personnes tout comme il booste d’autres secteurs comme ceux du transport, de l’agriculture, des services, du commerce et de l’artisanat.

Le secteur du tourisme figure également parmi les plus endettés avec 3.400 MDT d’engagements contractés par les promoteurs touristiques sans parler de ceux saisis par les sociétés de recouvrement. Certains hôteliers sont aujourd’hui dans l’incapacité même de rembourser leurs dettes.

La Tunisie, qui attire chaque année près de 7 millions de visiteurs qui dépensent en moyenne 500 dinars par séjour,  réalise moins de recettes que d’autres destinations méditerranéennes du Sud où les touristes dépensent plus du double pour la même durée de séjour.

Le secteur a souffert de plusieurs insuffisances qui n’ont pas été rectifiées en temps et en heure. La vétusté des unités hôtelières qui n’ont pas été rénovées à temps à cause de la modestie des bénéfices qui ne permettaient pas des investissements conséquents. La concurrence ardue entre les professionnels a eu pour conséquence le bradage des prix, ce qui a causé un tort considérable au secteur. Tout comme la mainmise des TO sur le secteur ainsi que la saisonnalité des activités touristiques ont été pour beaucoup dans la fragilisation du secteur et de la profession.

«Nous n’avons pas le choix»

Il est grand temps que ce secteur reprenne sa place, a indiqué Mohamed Ghannouchi, d’autant plus que la Tunisie a été à l’avant-garde du développement des activités touristiques dans le Sud de la Méditerranée. La diversification du produit est aujourd’hui plus que nécessaire, tels les tourismes culturel, saharien, de congrès, sportif ou la thalassothérapie (49 centres) qui attirent une clientèle moyenne et haut de gamme et qui disposent de plus de moyens et dépensent beaucoup plus. Le développement de ces produits peut nous donner des avantages compétitifs par rapport à d’autres destinations du Sud à condition que la promotion suive et que l’on puisse sortir du cercle vicieux du bradage des prix, et se libérer de la mainmise des TO.

Pour renforcer le secteur touristique et améliorer sa rentabilité, il faudrait que toutes les parties prenantes, l’Etat, les banques, les compagnies de transport et les professionnels assurent les rôles qui leur sont assignés. 

L’amélioration des prestations passe indubitablement par l’amélioration de la formation des personnels tous azimuts dont a besoin le secteur. «Nous ne sommes pas les seuls sur la scène du tourisme méditerranéen, nous devons par conséquent donner plus et assurer plus en matière de qualité de service. L’Etat assumera sa responsabilité pour ce qui est de la formation des compétences humaines par le biais des centres de formation et des instituts de tourisme. La profession doit également y participer activement en définissant les besoins du secteur que ce soit en matière de produits hôteliers ou para-touristiques», a affirmé le Premier ministre. M. Ghannouchi a appelé la profession à user plus des moyens de promotion sur le net qui est sous-exploité à ce jour dans notre pays, d’autant plus que les sites web peuvent attirer un nombre potentiel de touristes dont la Tunisie a besoin.

La dimension environnementale, très importante en tant que facteur d’attractivité pour la Tunisie qui investit près de 1,2% du produit national brut dans des projets environnementaux, le développement de nouveaux produits touristiques, la création de nouvelles zones touristiques (16) selon le 12ème Plan de développement ainsi que la libéralisation du ciel et le renforcement de la flotte de la compagnie aérienne nationale représentent autant de facteurs qui peuvent redonner au secteur touristique tunisien ses lettre de noblesse.

Seuls «hics» : la stratégie décrétée par la Consultation nationale sur le tourisme pourrait-elle être réellement concrétisée ou rejoindrait-elle toutes les autres études réalisées il y a des années qui sont restées lettres mortes et n’ont pas dépassé le stade de déclarations d’intention ? La profession suivrait-elle pour éviter le cercle vicieux du bradage des prix ? A-t-on prévu des mesures de sanction pour les plus réticents ? «Nous n’avons pas le choix, nous devons tous participer activement et efficacement pour que cette stratégie devienne une réalité, car ne pays s’y soumettre signifie à terme la mort du tourisme tunisien», a assuré un professionnel. Attendons voir.