Les violences en Jamaïque grippent la reprise économique du pays

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Des policiers patrouillent dans les rues de Kingston le 24 mai 2010 (Photo : Anthony Foster)

[29/05/2010 16:08:04] KINGSTON (AFP) Les violences qui ont fait 73 morts en Jamaïque depuis dimanche dernier donnent des frissons aux responsables économiques et politiques de l’île caribéenne, eux qui pensaient que le pays pouvait enfin se tourner vers l’avenir après un prêt historique du FMI.

Par le passé, ses plus grands détracteurs agitaient le spectre du Fonds monétaire international comme un chiffon rouge.

Mais, cette fois, les mesures d’austérité adoptées en début d’année –assainissement des finances publiques, compression du secteur public– ont été accueillies par les Jamaïcains avec une relative placidité. Au contraire de la Grèce, les rues de la capitale n’ont pas été le théâtre d’affrontements entre la police et une population excédée par le serrage de ceinture budgétaire.

Si un bain de sang a eu lieu à Kingston ces derniers jours, c’est parce que le gouvernement du Premier ministre Bruce Golding entend faire extrader le baron de la drogue local Christopher Coke vers les Etats-Unis. “Dudus” est considéré comme une sorte de Robin des Bois par les plus humbles, comme un marchand de mort ultra-violent par Washington.

Selon un décompte officiel, 73 personnes ont perdu la vie depuis que les forces de l’ordre ont lancé dimanche leur opération destinée à mettre la main sur “Dudus”. Alors, forcément, les experts et investisseurs ne peuvent qu’observer les événements avec nervosité et attendre que le calme revienne.

Mais déjà, le mal est fait, semble dire Joseph Matalon, le président de l’organisation du secteur privé de Jamaïque.

“Sans les événements récents, nos perspectives économiques seraient totalement différentes”, a expliqué M. Matalon à l’AFP.

Une semaine avant qu’éclatent les violences, une équipe du FMI s’était rendue en Jamaïque et avait assuré que le pays avait réuni et même surpassé les objectifs que l’organisation avait liés à l’allocation d’une ligne de crédit de 1,25 milliard de dollars en février.

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ïcains à Kingston le 27 mai 2010 (Photo : Anthony Foster)

Joseph Matalon craint que les échauffourées “ne menacent la stabilité économique” de son pays. “Les investisseurs locaux et étrangers ne vont pas se montrer aussi dynamiques qu’ils auraient pu l’être” sans les violences.

D’autant que la santé d’une des plus importantes sources de revenus de la Jamaïque, le tourisme, fluctue fortement en fonction de l’image que le pays renvoit.

L’an dernier, plus de 1,8 million d’étrangers ont passé leurs vacances dans le pays, en quête de soleil, de plages — mais certainement pas de violences urbaines.

Pour ne pas effrayer les touristes, les autorités s’échinent à expliquer que les violences touchent les bidonvilles de Kingston, qui, même en temps normal, n’ont aucun attrait touristique.

Mais, souligne Ian Boxill de l’University of the West Indies, même si l’instabilité génère des retombées négatives, il y a fort à parier que le secteur du tourisme s’en remettra tôt ou tard.

“Il y a eu des incidents similaires par le passé et le secteur s’en est remis”, a expliqué M. Boxill.

De même, si le gouvernement de Bruce Golding venait à tomber, l’opinion publique est peu encline à croire que l’opposition fera échouer l’accord passé avec le FMI.

Car la situation actuelle est bien différente de celle qui prévalait dans les années 1970. A l’époque, les Jamaïcains accusaient les conditions posées par le FMI à l’obtention de crédits d’alimenter l’instabilité.

“Cette fois, les choses sont différentes. Dans les années 70, certains menaient une bataille idéologique. Mais aujourd’hui, je pense que les gens ont compris qu’il fallait agir”, a observé Ian Boxill.