L’ex-trader Kerviel veut parler de “moralisation” des marchés à son procès

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érôme Kerviel le 20 mai 2010 à Paris (Photo : Thomas Coex)

[21/05/2010 08:14:06] PARIS (AFP) L’ex-trader français de la Société générale Jérôme Kerviel pense que son procès sera une occasion de “mettre sur la place publique le débat sur la moralisation” des marchés financiers, alors que les spéculateurs viennent encore d’être pointés du doigt dans la crise grecque.

“Sur la dette grecque, on a entendu tous les chefs d’Etat dire: on ne laissera pas faire les spéculateurs. Mais il y a deux ans, ils avaient dit la même chose, j’ai du mal à comprendre ce double discours”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Jérôme Kerviel, 33 ans, accusé d’avoir fait perdre à sa banque près de 5 milliards d’euros début 2008, en prenant des engagements hors normes sur les marchés financiers, comparaîtra du 8 au 25 juin devant le tribunal de Paris.

Dans un livre paru début mai, il a expliqué avoir été pris dans un engrenage, tout en assurant que la banque, contrairement à ce qu’elle affirme, était au courant de ses opérations mais a laissé faire, tant qu’elles rapportaient de l’argent.

Rencontré au cabinet de son avocat, Olivier Metzner, le jeune homme, costume et chemise noirs, explique entre deux cigarettes qu’il a “pris conscience” depuis “du mal” que peuvent faire les traders.

“Cela m’est arrivé de pousser des petites sociétés vers le bas, de spéculer à la baisse sur elles, je n’avais pas d’états d’âme, on le faisait tous, on est conditionné pour ça, on est payé pour ça et si on ne le fait pas, on se fait engueuler”, dit-il.

Evoquant son procès, il se dit plutôt confiant, au regard des “éléments techniques” recueillis par sa défense, qui prouveront selon lui qu’il n’a pas agi à l’insu de ses chefs. De plus, dit-il, “des gens sont prêts à apporter leurs témoignages, à éclairer le tribunal” sur le fonctionnement d’une salle de marchés.

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érôme Kerviel et son avocat Olivier Metzner le 20 mai 2010 à Paris (Photo : Thomas Coex)

Poursuivi pour faux et usage de faux, introduction frauduleuse de données dans un système automatisé et abus de confiance, risquant cinq ans de prison, il plaidera la relaxe. Car, selon Me Metzner, “vous ne pouvez pas abuser de la confiance de quelqu’un qui vous a autorisé à faire ce que vous avez fait”.

“Mais cela va être tendu, oui, parce que les enjeux sont colossaux”, estime le jeune homme.

“Je pense que c’est aussi, dans le contexte actuel, un moyen de mettre sur la place publique le débat sur la moralisation, sur la régulation, sur le fonctionnement de tout ça”, poursuit-il. Ce contexte, croit-il, “a eu au moins l’avantage, aux yeux de l’opinion publique, de montrer que je n’étais pas un cas isolé et qu’il y a eu des dérives partout dans le milieu bancaire et dans le milieu du trading”.

Au plus fort de la crise financière, “il y a deux ans, tout le monde criait +haro sur les traders+, tout le monde a dit: +il faut moraliser, réguler+. Et deux ans après, rien n’a été fait”.

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érôme Kerviel à Paris le 20 mai 2010 (Photo : Thomas Coex)

Selon lui, “le système est mis à mal”.

“Quand j’allais à l’école, on me disait qu’un Etat ne pouvait pas faire faillite”. “Or, on vient juste de sauver la Grèce de la faillite”.

La Grèce, “ça fait un bon moment que des gens avaient un oeil dessus, émettaient des doutes sur les chiffres”, dit-il.

“De la même façon, on a l’impression de découvrir que (la banque d’affaires américaine) Goldman Sachs a spéculé sur les marchés hypothécaires américains”, mais “dès 2007, dans la salle des marchés, tout le monde le savait!”, affirme-t-il.

“Je suis sorti de ce milieu, j’ai pris conscience de pas mal de choses, et je crois qu’il y a urgence à expliquer aux gens comment ça fonctionne”.