Toyota : après la descente aux enfers, comment remonter la pente

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évision chez un concessionnaire, le 27 janvier 2010 à Los Angeles (Photo : Mark Ralston)

[14/02/2010 08:26:03] TOKYO (AFP) L’affaire Toyota est un désastre en termes d’image de marque, comme en ont vécu de nombreuses multinationales de Coca Cola à Exxon. Mais à l’instar de ces dernières, le géant automobile nippon saura revenir en grâce, prédisent les experts en communication.

Le premier constructeur mondial a rappelé 8,67 millions de véhicules dans le monde en raison de défauts techniques. Une crise aggravée, estiment les spécialistes, par le fait que la réaction initiale de Toyota a été confuse.

Le groupe a en effet tardé à admettre l’existence des défauts et à annoncer, au compte-gouttes, les rappels. Et son PDG Akio Toyoda est resté muré dans le silence pendant près de deux semaines.

En quelques jours, le groupe a perdu un cinquième de sa valeur en Bourse, a été critiqué de toutes parts au Japon et aux Etats-Unis, et semble promis à un plongeon durable de ses ventes en Amérique du Nord, son principal marché.

“Se remettre d’aplomb est beaucoup plus dur quand on prend un mauvais départ”, explique Jonathan Hemus, directeur du cabinet de communication britannique Insignia. “Toyota est, actuellement, en position difficile”.

Parmi les cas d’école d’entreprises ayant surmonté des crises majeures grâce à leur politique de communication efficace, les experts citent souvent l’américain Johnson & Johnson, confronté dans les années 1980 à une mystérieuse affaire d’empoisonnements à l’anti-inflammatoire Tylenol.

“Une situation comme celle de Johnson & Johnson, qui avait réagi très vite, savait quelles réponses apporter et avait communiqué très ouvertement, est bien sûr idéale”, affirme Deborah Hayden, du cabinet Krean Gavin Anderson Japan. “Mais toutes les entreprises ne sont pas aussi bien préparées”.

Ainsi Exxon (devenu ExxonMobil en 1999), dont le pétrolier Exxon Valdez avait provoqué une effroyable marée noire en Alaska en 1989.

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évrier 2010 à Tokyo (Photo : Toru Yamanaka)

“Le PDG avait mis une semaine avant de se décider à parler aux médias. Pendant ce temps-là, les écrans de télévision du monde entier étaient inondés d’images d’oiseaux et d’animaux marins couverts de mazout. Et pourtant, Exxon s’en est remis, même si cela lui a pris du temps”, rappelle Mme Hayden.

Selon elle, une crise comme celle de Toyota “est très éprouvante et évolue vite, mais on y survit”.

M. Hemus évoque pour sa part Coca Cola, qui avait tardivement réagi à une affaire d’intoxication en Belgique en 1999. “Le prix à payer avait été énorme en termes de coût des rappels, de baisse des ventes, de réputation ternie et de chute en Bourse. Mais en définitive, Coca Cola reste une marque puissante”.

Le retour en grâce de Toyota dépendra de sa capacité à coopérer avec les autorités, à se refaire des amis dans le monde politique et médiatique et à communiquer étroitement avec les consommateurs, préviennent les spécialistes.

“Toyota a perdu son autorité morale dans cette affaire, et devra trouver le moyen de prouver que la sécurité reste sa priorité numéro un”, juge Ray Rudowski, du cabinet de gestion de crises Hill & Knowlton de Hong Kong.

Selon lui, le groupe “a donné l’impression d’être une entreprise lente et secrète qui pourrait cacher des problèmes encore plus gros dans ses placards. Il lui sera difficile de se débarrasser de cette image sans se résoudre à des changements structurels, sérieux et transparents, au coeur même de son organisation”.

Toyota ne rebondira qu’une fois qu’il aura identifié les raisons, techniques et culturelles, de ses déboires, affirme lui aussi M. Hemus.

“La pire chose que Toyota pourrait faire serait de pousser un grand soupir de soulagement une fois que la tension actuelle sera retombée et reprendre ses petites habitudes”, estime-t-il. “Car c’est clairement à cause de ces petites habitudes que la crise a éclaté”.