Conférence des Nations unies sur le climat : Attention, ça va chauffer !

Les nationalismes économiques ont eu raison de la solidarité entre nations, à
Copenhague. Une seule terre, certes. Mais au profit de tous ou au bénéfice de
quelques uns ? Le nouvel ordre économique mondial ne passera donc jamais ?
Attention, ça va chauffer !

A Copenhague, l’humanité n’a pas su parler d’une seule voix. Elle s’y était
pourtant préparée depuis deux ans. En 2007 à Bali, à l’issue de la conférence
préliminaire, on avait convenu d’une feuille de route. Elle était directement
inspirée par les scientifiques et soutenue avec ferveur par tous les peuples de
la Terre, particulièrement ceux qui sont les plus exposés aux conséquences des
’’déviations’’ climatiques. Pour les endiguer, il fallait contenir le
réchauffement à hauteur de 2°C. Ils étaient 193 pays et 130 chefs d’Etat à se
rendre dans la Capitale du Danemark avec l’espoir, c’est du moins ce qu’on
croyait, qu’il y aurait unanimité pour cette résolution. Hélas, les égoïsmes
nationaux ont prévalu. On devra se contenter d’un accord, qui n’est donc pas un
traité juridiquement contraignant.

Faute d’objectifs chiffrés, et de mécanismes de financement conséquents en
faveur des pays pauvres pour se protéger des fureurs de la météo, où va la
planète ?

Gros temps sur la planète Terre

copenhague.gifL’humanité est frustrée d’avoir à repousser une fois encore cet ardent souhait
du poète René Char : «Et si tous les gars du monde se donnaient la main».
Pourquoi cette impuissance à réaliser un consensus, qui semblait pourtant acquis
d‘avance, peut-on se demander ? Pour la «mère des résolutions», celle de
préserver le climat d’une catastrophe systémique dont on commence à percevoir
les prémices, il n’y avait pas à hésiter. Et pourtant ! Faute de convenir
d’objectifs chiffrés et contraignants, on ne sait pas où l’on va. Toutes les
options sont ouvertes. Cela ajoutera «du danger au danger et de la misère à
celle qui existe déjà», tonnait Nicolas Hulot dépité par cette grande discorde.

Bye, Bye Kyoto. Il n’y aura pas de remplaçant

Les accords de Kyoto expirent en 2012. Ils avaient imposé la réduction du quart,
par les pays pollueurs, de leurs émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) par
rapport à leur niveau de 1990. Cet accord a eu le mérite de faire naître une
certaine discipline écologique sauf par quelques Etats, tel les Etats-Unis qui
ne l’ont pas ratifié, arguant que leur confort n’est pas à négocier. On a vu se
mettre en place une «Bourse» des quotas qui a aidé les pays en développement à
aller vers des sources énergétiques propres. Les pays, gros émetteurs, qui ne
pouvaient réaliser la totalité de leurs objectifs pouvaient, pour compenser leur
retard, aider d’autres pays en développement à réduire leurs émissions et
intégrer ces «gains» dans leur calcul. On pensait que la Conférence des Nations
unies à Copenhague voterait une plate-forme bien ficelée pour relayer les
accords de Kyoto. Et on pensait faire échec au réchauffement climatique et au
scénario des imprévisions météorologiques qui accentueraient les fléaux de la
sécheresse et des inondations.

Des appels pathétiques ont fusé de toutes parts. Celui qui a émané des
représentants de l’Archipel de Tuvalu dans le Pacifique sud, et qui appelait à
un objectif non pas de 2° mais et 1,5° était des plus poignants. En effet, la
montée du niveau des mers risque de submerger l’archipel. La menace est donc
présente et l’opportunité est là.

Avis de tempête : Un accord politique, au lieu d’un traité juridique

A Copenhague la conférence s’est laissé surprendre. L’ONU, passive, a assisté
impuissante au naufrage de la motion de Bali qui s’est trouvée ‘’off track’’
totalement hors la voie. Alors, on a vu une initiative de soi-disant dernière
chance naître fortuitement. Un groupe de 28 pays constitué dans la hâte sans
raison apparente a voulu donc sauver les meubles. Mais les a-t-il sauvés pour
autant. Dans la «chaleur de la nuit» -pour les nostalgiques «in the heat of the
night»-, il y a eu une ultime réunion qui a proposé un vague texte d’à peine
trois pages. On l’a, dans la précipitation, appelé «l’accord de Copenhague» et
il faudra le proposer à l’avis des 193 pays participants hors le cadre de la
conférence.

Que propose ce texte ? L’abandon de tout ce qui constituait l’âme de la motion
de départ. Il abandonne l’objectif contraignant de réduction des GES à hauteur
de 20% en 2020 et de 50% à l’horizon de 2050, car certains pays n’ont pas
accepté de changer de mode de développement, refusant de supporter les frais de
mutation vers une croissance propre. On sera donc dans une fourchette de 8 à
19%. Pas plus qu’il n’y aura un observatoire mondial pour contrôler les
réalisations de chaque pays. On devra se contenter des affirmations de chacun.
Bien entendu les mécanismes de financements seront moindres que prévu. Il y aura
10 milliards de dollars par an pendant les trois prochaines années (soit 2010
puis 2011 et 2012), alors que les besoins sont au multiple de ce montant.

Une alliance contre «Nature»

Ce qui s’est passé à Copenhague donne à réfléchir. Il est d’abord contre
l’esprit et la Charte et la morale de l’ONU qui voulaient ‘’un pays, une voix’’.
On voit surgir un «cabinet noir», un directoire de salut planétaire, une sorte
d’ONU-bis, ce qui revient à saborder la véritable ONU. On ne comprend pas que
des pays comme la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud, tout récemment émergents et
hier encore appartenant au tiers monde, coaliser avec les pays puissants. Leurs
intérêts ne sont pas convergents par conséquent leur alliance est contre
«Nature» car elle lutte mollement pour sauver le climat. Ce coup d’éclat de la
part d’une oligarchie constituée par un groupe restreint de pays nantis ou
émergents n’est pas une perspective sûre. Il faudrait que les pays en
développement ripostent fermement pour préserver le cadre onusien et revenir à
la négociation sur la motion de Bali. On aura perdu un peu de temps mais on peut
toujours conjurer la catastrophe de voir imploser la conférence. Beaucoup
espèrent rattraper le coup en 2010 à la conférence que réunira le Mexique et
aboutir à un traité en bonne et due forme. Tout comme on peut redouter que cela
ne débouche sur rien de concret.

Quo Va dis ?

L’ennui dans tout cela, c’est que la situation pourrait basculer du tout au
tout. Les pollueurs, en se dérobant, vont laisser les pays démunis et exposés
aux conséquences des changements climatiques se débattre dans leurs problèmes.
Ils seront bien contraints de se saigner pour faire face, compromettant ainsi
leur dynamique de croissance. En abandonnant le climat à vau l’eau, la calotte
polaire va se dégarnir et on sait qui va s’emparer des richesses de son
sous-sol. Et ce ne sera pas pour le bien-être de l’humanité. Un Continent comme
l’Afrique, dans la perspective de ce scénario frisson, se contentera pour vivre
de brader ses ressources minières.

Il y a eu le développement inégal, puis l’échange inégal et enfin le climat
inégal où les pays sinistrés seraient contraints de payer pour les pollueurs,
dans un monde perpétuellement appelé à vivre dans un ordre inégal. Le centre
sera confortablement installé au centre et la périphérie se retrouvera une fois
encore hors du coup, mais cette fois elle pourrait être définitivement out.

C’est à désespérer de tout, à force de ne pas pouvoir s’opposer à la raison du
plus fort. Il faut, par contre, lutter obstinément contre cette situation et
remettre en selle la motion de Bali. C’est une bouteille à la mer. Et c’est une
planche de salut.