La Chine contrôle jalousement ses “terres rares”, des métaux cruciaux pour l’avenir

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électroniques contenant entre autres de l’yttrium collectées en France avant leur expédition pour recyclage. (Photo : Derrick Ceyrac)

[20/11/2009 09:04:55] PEKIN (AFP) La Chine qui arpente la planète pour en acquérir les ressources, notamment énergétiques, exerce pour sa part un étroit contrôle sur un groupe de métaux dits “terres rares” dont elle est riche, utilisés pour fabriquer iPods, éoliennes ou voitures électriques.

Le géant asiatique fournit au moins 95% de ces terres rares à la planète, 17 éléments chimiques confidentiels au nom parfois difficile à retenir, comme le praséodyme et l’yttrium, essentiels dans la haute technologie et les technologies vertes, donc toutes les industries d’avenir.

Ni terres, ni rares, ils ont été baptisés ainsi après avoir été découverts tardivement dans des minerais alors peu courants, dont il était difficile de séparer les composants.

La Chine, qui les exploite, en reconnaît depuis longtemps la valeur: l’ancien dirigeant chinois Deng Xiaoping avait un jour souligné que si le Proche-Orient était riche en pétrole, la Chine avait ses “terres rares”.

Et comme l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) avec l’or noir, Pékin contrôle étroitement le flux de ses ressources dans ce domaine.

“Son but est de créer des emplois et de produire des biens en Chine”, estime Jack Lifton, un analyste indépendant spécialiste du sujet aux Etats-Unis.

“Il faut que nous commencions à produire ces métaux (aux Etats-Unis) comme nous le faisions autrefois. Sinon, la Chine sera le seul pays à fabriquer des objets contenant des terres rares en 2015”, avertit-il.

A elle seule, une mine de Mongolie intérieure, dans le nord de la Chine, assure aujourd’hui la moitié de la production mondiale, le reste provenant du sud de la Chine, de Russie, d’Inde et du Brésil.

Mais la Chine garde la plus grande partie de ces trésors, en restreignant leur exportation.

Ces restrictions se sont accrues ces dernières années. Les terres rares sont devenues un moyen d’attirer sur son sol les entreprises étrangères, facteur de création d’emplois.

“Le gouvernement espère que les restrictions pourront apporter le transfert en Chine de certaines technologies liées aux terres rares”, explique Ren Xianfang, économiste à Pékin de IHS Global Insight.

“Mais reste à savoir si cette stratégie de ressources-contre-technologies va marcher”.

Les voyants d’alarme sont passés au rouge cette année avec des spéculations sur un resserrement du contrôle des autorités sur ces matières premières. Le gouvernement envisagerait même l’interdiction d’exporter certains éléments et la fermeture de mines.

Si de telles règles devaient être adoptées, les entreprises étrangères se verraient privées de métaux largement utilisés dans la haute technologie, y compris militaire (missiles), et contraintes de venir fabriquer en Chine.

“C’est un moment crucial”, souligne Dudley Kingsnorth, consultant dans ce domaine, basé en Australie.

“Au cours des prochaines années, les quotas vont se réduire et à moins d’avoir accès aux ressources ailleurs qu’en Chine, de plus en plus de compagnies vont devoir se délocaliser en Chine pour assurer leur approvisionnement”.

En sus de la petite production russe, indienne ou brésilienne, des réserves en cours de développement en Australie et aux Etats-Unis pourront produire environ 50.000 tonnes de terres rares d’ici à 2014.

Mais la demande mondiale devrait, elle, doubler et atteindre 180.000 tonnes dans les cinq ans. Elle pourrait rester largement insatisfaite si la Chine coupait le robinet.

“L’offre et la demande vont commencer à être très serrées entre 2012 et 2014”, prédit Kingsnorth.

“Si les projets (aux Etats-Unis et en Australie) sont retardés, nous allons avoir de vrais problèmes”, conclut-il.