Tunisie – Technologies : CGS – les As de la 3D

tunis2050-090909.jpgAu delà des appréciations que l’on peut faire de la série télévisée «Tunis 2050», il y’a une histoire à raconter. Celle des compétences
tunisiennes qui sortent de l’ombre depuis peu.

Derrière les images en 3D de la série ramadhanesque , ses couleurs
acidulées, ses délicieux dialogues et ses pics irrésistibles, il y’a des
héros. Derrière l’exquis « Lassad sans plomb », le pétillant robot « Rouchka
», « Bessa » et son langage châtié, ou encore la BCBG Yasmin et son papa
d’avocat, il y’a une entreprise. Elle répond à de très sérieuses initiales.
CGS :Computer Graphic Studio.

Avant de me rendre à mon rendez vous et comme de nombreux tunisiens et
tunisiennes, j’ai suivi les péripéties des protagonistes de la série. J’ai
adhéré au groupe officiel de « Tunis 2050 » sur Facebook avec plus de 60 000
fans et surfé sur son site web comme les 10 000 visiteurs qui le cliquaient
tous les jours.

Je me doutais que derrière cette jolie aventure, il y’avait une pointe de
folie, une mesure d’humour et deux doses de travail acharné réalisé par une
équipe en béton. Une équipe, qui ne peut que nourrir de grandes ambitions.

Dans les bureaux de CGS, on est ravis du résultat et de l’accueil fait à «
Tunis 2050 » par le public, les professionnels, la critique et la
blogosphère tunisienne. Dans les bureaux de l’entreprise, on a largement
compris qu’un challenge a été relevé, mais on ne perd pas sa concentration
pour autant. Devant leurs ordinateurs, plus d’une quinzaine de techniciens
sont scotchés. «L’open space» des bureaux est moderne et l’ambiance
intimiste. On entend les mouches voler.

«Nous avons accumulés suffisamment de maturité et de logique de transfert
de connaissance pour affronter un projet aussi ambitieux Produire Tunis2050
est un pas stratégique. Nous souhaitions mettre un pied dans l’univers de la
production cinématographique en 3D. La prochaine étape est le lancement de
notre entreprise à l’internationale
» précise Riadh Ghariani, au regard
espiègle et l’allure frêle. Le jeune trentenaire est le Directeur Général de
l’entreprise .Il est le sénior d’une équipe qui a en moyenne 26 ans.
Désormais, un seul objectif fait courir la CGS et son équipe ; conquérir le
marché du 3D au niveau européen et international.

Au delà de ce délicieux délire collectif, il y’a, semble t-il une véritable
stratégie. Des prétentions, tout à fait légitimes et qui devraient être
soutenues pour certains. Il n’est d’ailleurs pas exclu, de voir « Rouchka »
et ses amis s’exporter dans certains pays voisins. Verrons-nous aussitôt
notre « Bessa » national parler le dialecte algérien ou marocain ? «
Pourquoi pas », rétorque Riadh Ghariani. «Il suffit d’adapter les voix et
réajuster les dialogues. La trame de fond est caractéristique de nos pays.
Cependant, l’enjeu capital et l’avenir se situent ailleurs. Il s’agit
maintenant de pousser cette aventure locale plus loin. Le marché est énorme
et difficile, mais nous avons les compétences suffisantes pour devenir une
référence mondiale en matière de cinéma en 3D
». L’ambition est déclarée.

tunis_2050_1.jpgLes plus sceptiques ne peuvent s’empêcher d’esquisser un sourire. Ils en
appellent à plus de modestie. Sur la blogosphère tunisienne, à côté de très
nombreux commentaires élogieux, on lira à propos de la série : «La
recherche artistique n’est pas très achevée (on se sent pas en 2050) décors
pauvres et dépourvus de détails, personnages non expressifs, «skining» mal
fini, éclairage moyen, absence de « Motion Blur » et d’occlusion, absence de
simulations (cheveux, vêtements), dynamique des objets pauvre, «lipping» non
synchronisé avec les voix. Ceci dit, je dirai seulement, que s’il ya quelque
chose qui a sauvé la série, c’est bel et bien le travail du scénario et des
dialogues… A part ça, ca aurai été un vrai fiasco. Pour un début, c’est
une bonne initiative. Et arrêtez de comparer avec les USA, l’écart est
énorme et jamais il ne sera rattrapé.
».

Un autre son de cloche, retentit au niveau des professionnels. Une place au
soleil serait, semble t-il, à briguer. L’univers de l’animation en 3D est
encore très modestement investi dans les pays Arabes et Africains. Mis à
part le Maroc, la Syrie et le Liban, peu de pays sont en mesure de proposer
la technicité nécessaire pour produire des films. Les écoles tunisiennes
forment, mais il serait urgent de promouvoir davantage ces nouveaux métiers
et asseoir une stratégie globale qui viserait à faire de la Tunisie un pôle
de création cinématographique en 3D.

Le salaire moyen d’un technicien en 3D, diplômé en Arts et métiers, ou d’un
technicien supérieur en audiovisuel, toutes spécialités confondues, est de
1500 d par mois. Pour que la Tunisie prenne davantage de parts de marché
dans un secteur d’avenir, les professionnels en appellent à «une réelle
communication à l’échelle internationale. Il faut surtout et avant tout,
établir un programme de développement dans la création cinématographique
tunisienne en 3D
»

Pour face à la concurrence publicitaire, CGS a aussi inauguré une nouvelle
stratégie : le placement de produits. Emprunté au Cinéma, cette technique
ouvre de nouveaux horizons à l’investissement des entreprises. Face à
l’encombrement publicitaire durant le mois de ramadhan la parade pourrait en
séduire plus d’une.

Ceci dit, combien a coûté Tunis 2050 ? Motus et bouche cousue. «Le risque
financier était important pour la CGS. Tenez en compte que jusque là, nous
avions travaillé uniquement sur commande. L’investissement est tout de même
conséquent pour une entreprise comme la notre. Il se calcule en centaine de
milliers de dinars. Nous avons travaillés comme des fous pendant près de 7
mois avec une équipe qui atteignait les 25 personnes toutes spécialités
confondues : texture, habillage, modélisme, dessinateurs…
» répond Ghariani. Le projet germait dans la tête de ses concepteurs, depuis plus de
deux ans. «Vous rendez vous compte que Tunisie 2050, c’est 15 épisodes X
10 minutes chacune. Donc, 150 minutes au total. Bien plus que la durée d’un
long métrage, non ?
» conclut –il.

En attendant « Tunis 2050 » Saison II, on assiste à un véritable engouement
des annonceurs pour la 3D.Loin d’être propre au marché local, la publicité
en 3D hisse ses voiles dans le monde entier. Ceci est de nature à soutenir
des entreprises comme la CGS qui tourne entre 10 et 15 spots publicitaires
annuellement. Le prix se situe entre 15 000 d et 50 000 pour un spot d’une
certaine complexité.

Gageons que ces films publicitaires sont autant de travaux pratiques
révélateurs de talents.