Tunisie-Union Européenne-Maghreb : Scepticismes, doutes et méfiances

En collaboration avec la Délégation de la Commission européenne en Tunisie,
l’Association des études Internationales a organisé, le 6 mai 2009, à l’IACE,
un séminaire à propos du «Partenariat Union Européenne / Maghreb : Accords
d’association, politique de voisinage, perspectives de statut avancé».

Après avoir précisé les enjeux globaux -paix, sécurité, pauvreté, migration,
changement climatique, développement- auxquels les pays du Nord et du Sud
sont confrontés, M. Rachid Idriss, président de l’A.E.I, a appelé les
différents intervenants à débattre des agendas des uns et des autres, des
flux financiers communautaires évoqués lors du déclenchement du processus de
Barcelone I, des grands projets structurants prévus par l’UpM et du
scepticisme des opinions publiques, dans la franchise, l’audace et la
confiance.

M. Adrianus Koetsenruijter, ambassadeur et chef de la Délégation de la
Commission européenne à Tunis, a ouvert le bal des interventions en mettant
l’accent sur les bienfaits des politiques concertées pour trouver des
solutions aux problèmes des peuples de voisinage, l’importance des
différentes structures de coopération euro-méditerranéennes au service d’une
approche plus pertinente entre les pays riverains et le développement de
nouvelles solidarités/ complémentarités liés à l’émergence, dans un contexte
international compétitif à outrance, d’un pôle régional, reflet des
partenariats de proximité, à même, dit-il, de damer le pion aux
regroupements en gestation aux quatre coins de la planète, de revitaliser le
dialogue des cultures et d’approfondir les questions classiques de la bonne
Gouvernance, au cœur des notions des droits de l’homme, de la liberté
d’expression, de l’alternance politique et du rôle des sociétés civiles à
l’aube du XXIème siècle.

De son côté, l’universitaire algérien de l’Institut national des études de
stratégie Global (INESG), Lotfi Boumghar, dans un style assez ferme et
musclé, a plutôt soupçonné l’UE de pratiquer, vis-à-vis de la façade sud de
la Méditerranée, une politique d’endiguement, à la place d’un partenariat
gagnant-gagnant, de cibler en priorité l’intégration des pays de l’Est du
Vieux continent et de privilégier les postures sécuritaires avec le Maghreb
au lieu de le percevoir comme une arrière-zone stratégique de l’Europe,
renfermant un potentiel de croissance considérable, capable de donner aux
deux rives cette grande aire civilisationnelle, une auréole de prospérité,
de paix et de complémentarité.

Abondant dans le même sens, M. Jean-Marie Miossec, ancien président de
l’Université de Montpellier III, a constaté, chez les membres de la
Commission de Bruxelles, l’évacuation de la dimension méditerranéenne dans
leur vision, comme l’atteste l’enveloppe destinée à la coopération avec
cette zone, estimée à la modique somme de 8 milliards d’euros.

«Le projet initial d’Union pour la Méditerranée apparaissait donc en rupture
avec les anciennes conduites de l’UE. Il proposait l’instauration d’un
véritable leadership euro-méditerranéen par une appropriation commune du
projet et plaçait la Mare nostrum au centre des nouvelles relations
euro-méditerranéennes à instaurer», ajoute M. Miossec, qui appelle ses
compatriotes à rejeter les perceptions de «marges» pour les territoires du
sud et de l’est de la Méditerranée, à apprécier plutôt la montée en
puissance de ces marchés émergents et à intégrer, à l’image des grands
ensembles d’orientation méridienne (USA/Canada, Japon/Chine/NPI,UE), une
vision de solidarité-complémentarité afin de peser sur la scène
internationale, de repositionner ces rivages millénaires au cœur d’un centre
marchand à la recherche, depuis toujours, de points d’ancrage, fondés sur la
mobilité, l’attractivité et les valeurs de l’effort, du labeur.

Tout au long des différents panels, les intervenants ont insisté, en dépit
des scepticismes, des doutes et des méfiances des uns et des autres, sur la
communauté de destin liant les deux bords de cette mer «frontière», la mise
en place d’un agenda prévoyant, graduellement, pour les pays du sud, «un
statut avancé, brèche délibérée dans un dispositif de montée globale en
partenariat afin d’envisager un futur décollage en groupe, de renforcer la
pertinence de l’échelon méditerranéen et de favoriser l’établissement de
pratiques harmonieuses et solidaires face aux défis écologiques,
territoriaux, énergétiques et sociétaux de la région», conclut M. Said Bhira,
secrétaire général du Conseil économique et social de Tunisie.