Pour le FMI, la relance ne doit pas être perçue par les marchés comme menaçant la viabilité budgétaire

Que doit-on faire pour contenir les effets de la crise
financière devenue l’une des crises économiques les plus graves depuis l’époque
de la grande dépression des années 30 ? Sur fond de doutes quant aux
perspectives de croissance de l’économie mondiale revue régulièrement à la
baisse, comment devrions-nous réagir ?

Dans un entretien accordé au Bulletin en ligne du Fonds monétaire
international, Olivier Blanchard, Conseiller économique, et Carlo Cottarelli,
Directeur du Département des finances publiques, parlent des contours du plan de
relance mondiale proposé Dominique Strauss-Kahn, à l’occasion du sommet du G-20.

Nous vous en proposons ci-après les idées les plus importantes.

Pour faire face à la crise financière, un ensemble de mesures a été préconisé
par le FMI. Les plus importantes seraient de remettre sur pied le système
financier grâce à la recapitalisation des banques et à l’élimination des
produits financiers toxiques. Le recours à la politique monétaire pour accroître
la demande tout en sachant que dans plusieurs pays, la marge de détente
monétaire se rétrécit et les taux d’intérêt directeurs sont proches de zéro.
Sans oublier les perturbations sur les marchés du crédit qui atténuent l’effet
de la baisse des taux d’intérêt sur la demande. La relance budgétaire qui joue
un rôle déterminant, peut, à court terme, contenir la chute de la demande et de
la production.

Selon M. Blanchard, les gouvernements doivent jouer la carte de la relance
budgétaire et s’engager à mener les politiques nécessaires pour éviter que
l’histoire de la Grande dépression ne se répète. Ils pourront ainsi dissiper les
craintes que manifestent aujourd’hui les entreprises et les ménages et amorcer
la demande. D’autre part, ajoute C. Cottarelli, il est important que la
relancene ne soit pas perçue par les marchés comme menaçant la viabilité
budgétaire à moyen terme, au risque d’aller à l’encontre des objectifs visés, y
compris les effets immédiats sur la demande. La conception du plan est par
ailleurs déterminante. Les mesures budgétaires doivent pouvoir être réversibles
et il est souhaitable que les gouvernements soient disposés à inverser certaines
politiques le cas échéant. Toute relance doit s’inscrire dans un solide cadre
budgétaire à moyen terme, qui sera d’autant plus crédible que la politique
budgétaire sera soumise à une supervision indépendante.

La hausse salariale dans la fonction publique est déconseillée

Il ne faut pas perdre de vue que la principale menace qui pèse sur la
viabilité à long terme des finances publiques dans les pays avancés tient aux
prestations d’assurance-vieillesse et d’assurance-maladie financées par les
deniers publics. En valeur actuelle nette, ces coûts budgétaires futurs
dépassent de loin ceux de n’importe quel plan de relance budgétaire. Un
engagement crédible à maîtriser ces pressions budgétaires à long terme serait de
nature à rassurer les marchés au regard de la viabilité financière à long terme.
Enfin, les réformes structurelles propres à doper la croissance peuvent
également contribuer à renforcer la viabilité à moyen terme. De fait, de
nombreux pays ont réussi à réduire leurs ratios d’endettement public grâce à la
croissance. D’autre part, précise C.Cottarelli, les gouvernants ne doivent pas
tout miser sur une seule riposte, la bonne formule passe vraisemblablement par
la combinaison d’un ensemble de politiques. Faut-il augmenter les dépenses ou
faire baisser les impôts? Deux arguments qui militent en faveur des dépenses,
sans doute plus que par le passé. Tout d’abord, le repli de la demande du
secteur privé risque de perdurer. La politique budgétaire peut donc privilégier,
plus qu’avant, les augmentations de dépenses, y compris les investissements dans
l’infrastructure, car il n’y a pas lieu de s’inquiéter des délais d’exécution.

Ensuite, dans la conjoncture actuelle, la propension marginale des
consommateurs à dépenser le produit des allégements fiscaux ou des transferts
risque d’être réduite, d’où de faibles multiplicateurs. Cela dit, l’augmentation
des dépenses doit être nuancée : la consommation directe de biens et de services
par l’État -et surtout les quatre dépenses en capital- a un effet direct sur la
demande et elle agira également de façon positive sur l’offre. En revanche, les
augmentations salariales dans la fonction publique seront d’un maigre secours et
elles risquent par ailleurs d’être difficiles à inverser.

Assurances contre les grandes récessions

Pour agir directement auprès des consommateurs et leur redonner confiance
afin de les inciter à dépenser de nouveau, il faudrait selon C.Cottarelli que
les gouvernements lancent des plans pour des allégements fiscaux et des
transferts en faveur des consommateurs à court de liquidités, dont l’octroi
d’allocations chômage, l’augmentation des crédits d’impôt de type primes pour
l’emploi ou des allégements fiscaux en faveur des ménages pouvant subir des
contraintes de crédit, ou bien encore l’expansion des dispositifs de protection
sociale. Dans certains pays, les autorités pourraient songer à venir en aide aux
ménages dont le logement risque d’être saisi.

Les consommateurs, précise O.Blanchard, qui subissent des contraintes de
crédit ont tendance à dépenser le produit des allégements fiscaux, tandis que
les consommateurs attentistes seront plus enclins à épargner tout complément de
revenu. Il ajoute que les Etats pourraient être amenés à intervenir en offrant
des garanties aux entreprises qui ont engagé une restructuration crédible. Cela
dit, un soutien généralisé à l’ensemble des secteurs risquerait de conférer des
avantages par rapport aux entreprises étrangères, d’où un risque de représailles
et, partant, de guerres commerciales.

Sur un tout autre volet, le secteur public devrait proposer des assurances
contre les grandes récessions. Les gouvernements pourraient proposer des
contrats d’assurances qui entreraient en jeu dès que le PIB descendrait en
dessous d’un certain seuil, et les banques pourraient subordonner l’approbation
d’un crédit à l’acquisition de ce type d’assurance. Le principe serait semblable
à celui d’une assurance contre les inondations, que de nombreux détenteurs de
crédit immobilier doivent se procurer, précise Blanchard.

A.B.A.d’après le Bulletin du FMI