IDE : montée en puissance de la France ?


Par Moncef MAHROUG

Comme un match de football à très important enjeu, le Forum Economique
Tuniso-Français, organisé mardi 29 avril 2008, en marge de la visite du
président Sarkozy en Tunisie, s’est, si l’on peut dire, «joué» à guichets
fermés. En effet, confrontés à une forte demande, tant du côté tunisien que
français, les organisateurs –UTICA et MEDEF- ont pris la décision, une semaine
avant la visite, d’arrêter les inscriptions –payantes, puisque chaque
participant a acquitté la somme de 500 dinars- à 400 entreprises, parmi
lesquelles près de 120 françaises dont les patrons vont accompagner le président
Sarkozy en Tunisie.

 

Ces heureux «élus» auront le privilège d’écouter le discours que le chef de
l’Etat français prononcera en clôture du forum économique.

 

Même si le projet d’Union pour la Méditerranée s’annonce comme un thème
important, voire prépondérant de la visite du président Sarkozy, les dossiers
économiques ne pèseront pas moins que les questions politiques, assure M.
Bertrand Furno, chef de la Mission économique française à Tunis. Selon le
diplomate français, les deux parties vont procéder dans ce domaine à un état des
lieux, principalement pour déterminer ce qui pourrait être fait pour consolider
la coopération.

 

Dans l’interview qu’il a accordée, dimanche 27 avril 2008, au quotidien «La
Presse», le président Ben Ali a appelé à «une rénovation continue des
instruments de coopération, afin de les adapter aux nouvelles priorités des deux
pays». Or, la Tunisie ayant connu «des transformations profondes qui l’ont fait
passer, en l’espace de deux décennies, du statut de pays en développement à
celui de pays émergent», ses besoins ont forcément changé.

 

La visite du chef de l’Etat français intervient également alors que les
investissements français en Tunisie affichent les prémices d’une montée en
puissance et d’un redéploiement vers de nouveaux secteurs.

 

Avec un stock d’IDE de 1376 millions de dinars et 1180 entreprises, ayant généré
106.000 emplois (sur un total de 2.840 entreprises étrangères qui ont créé
287.735 emplois), la France est le premier investisseur étranger en Tunisie
-«hors énergie et privatisations». Toutefois, si l’on note une accélération du
rythme des investissements depuis une dizaine d’années –que la Chambre
Tuniso-Française de Commerce et d’Industrie (CTFCI) impute, outre «la proximité
géographique et culturelle», aux «relations stratégiques nouées par la Tunisie
avec l’Union européenne»-, on note une évolution irrégulière au cours des dix
dernières années.

 

Certes, le flux a considérablement augmenté de 50,2 millions de dinars en 1998 à
176,7 md en 2002 –dont 102,7 md au titre de la privatisation partielle (52%) de
l’UIB au profit de la Société Générale-, s’établissant successivement, dans
l’intervalle, à 76,7 (1999), 86,3 md (2000) et 136,4 md (en 2001). En 2003, le
volume des investissements français a chuté à 80,4 md, avant de remonter à 133,9
md en 2004, et baisser de nouveau à 97,5 md l’année suivante, puis d’augmenter
sensiblement à 153,1 md en 2006.

 

D’après une note la Mission économique française, avec 92 millions d’euros (plus
de 150 millions de dinars), la France se classe en 2007 à la 4ème
place des pays investisseurs en Tunisie après la Grande-Bretagne (471 millions
€), les USA (128 millions €) et l’Italie (103 millions €).

 

De même, le rythme de créations d’entreprises à participation française, selon
la CTFCI, s’est accéléré au fil des ans. Ainsi de 8 entreprises en moyenne
durant les années 1972-1987, il a augmenté à 30 au cours de la période
1988-1994, pour bondir à 70 pendant les douze dernières années.

 

Ancré aux trois quarts dans l’industrie manufacturière (mécanique, électrique et
électronique, textile et habillement), l’investissement français s’oriente
depuis cinq ans vers les secteurs à forte valeur ajoutée, en particulier les TIC
et l’aéronautique. Ce dernier secteur pourrait d’ailleurs connaître un
développement spectaculaire au cas où Latécoère, fabricant de composants et
équipements pour les avions, déjà présent en Tunisie, décidait d’y implanter –en
lieu et place du Maroc lui aussi en course pour l’accueil de cette unité- une
deuxième usine que cette entreprise veut installer au Maghreb.

 

Enfin, l’investissement français en Tunisie pourrait croître davantage dans le
sillage des grands projets –tant programmés dans le cadre du 11ème
Plan que réalisés par des investisseurs étrangers, dont ceux du Golfe- et que la
mission économique française à Tunis a déjà commencé à promouvoir parmi les
entreprises françaises dans l’espoir de les amener à s’y intéresser.