Moyen-Orient/Afrique du Nord : l’inévitable réforme du système éducatif

Moyen-Orient/Afrique du Nord : l’inévitable réforme du système éducatif

Les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord doivent effectuer une refonte
de leurs systèmes éducatifs s’ils veulent répondre aux demandes d’un monde
de plus en plus concurrentiel et réaliser le potentiel d’une population
jeune dont les effectifs importants ne font qu’augmenter.

 

C’est l’une des principales conclusions tirées du rapport de la Banque
mondiale, The Road Not Traveled: Education Reform in the Middle East and
North Africa (L’autre voie : Réforme de l’éducation au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord), publié en début de semaine à Amman. Ce rapport présente
une analyse économique exhaustive de l’impact des investissements pour
l’éducation dans cette région, ainsi que les changements démographiques, la
mondialisation, la migration de la main-d’œuvre et le rôle du marché du
travail.

 

Il souligne qu’une réforme de l’éducation ne suffira pas à elle seule à
stimuler la croissance économique. Cette région abrite de grands marchés non
officiels et manque, dans l’ensemble, de secteurs dynamiques suffisamment
importants pour être compétitifs sur le plan international – des
caractéristiques qui les distinguent fortement de l’Asie orientale et
certaines économies d’Amérique latine.

 

Le rapport encourage les décideurs politiques à favoriser des mesures
d’incitation, la responsabilisation du secteur public, des programmes
d’études et une réforme du marché du travail afin de dynamiser l’économie
régionale.

 

Après 40 ans d’investissements dans l’éducation qui ont permis d’éliminer la
disparité entre les sexes au niveau de l’enseignement primaire et d’assurer
l’éducation pour tous ou presque, la région fait face à de nouveaux défis
posés par la mondialisation et « l’importance croissante du savoir dans le
processus de développement », a déclaré le rapport.

 

« Les systèmes éducatifs doivent être changés pour enseigner de nouvelles
compétences »

 

Selon le rapport, la concurrence intense et la rapidité des changements
technologiques dans le monde d’aujourd’hui nécessitent des aptitudes à la
résolution de problèmes, à la communication et aux langues étrangères,
lesquelles ne sont pas encouragées dans la plupart des écoles de la région.

 

« Puisque l’éducation est la principale source de création du savoir, la
tâche est claire », y est-il indiqué. « Le système éducatif doit être
modifié afin d’assurer l’apprentissage des nouvelles compétences et
expertises nécessaires pour exceller dans un environnement hautement
concurrentiel. »

 

Dans cette région, les pays ne bénéficient pas du même rendement sur leur
investissement dans l’enseignement supérieur que certains pays asiatiques à
forte croissance et revenu intermédiaire, tels que la Malaisie et la
République de Corée, et « ne répondent certainement pas aux aspirations », a
déclaré Michal Rutkowski, Directeur sectoriel pour le Développement humain
dans la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) de la Banque
mondiale.

 

« Ce que nous constatons actuellement dans cette région, c’est que les
jeunes diplômés sortant de l’université ne trouvent pas de travail. » a-t-il
ajouté. « Le taux de chômage est très élevé parmi eux. C’est pourquoi le
rendement moyen que l’on peut observer n’est pas très haut, ce qui constitue
un grave problème. »

 

« Les établissements d’enseignement supérieur ne reçoivent aucun signal
du marché »

 

M Rutkowski a expliqué que le problème principal est dû à l’existence d’un
marché du travail dominé par le secteur public dans de nombreux pays, où les
diplômés universitaires préfèrent renoncer aux offres du secteur privé et
attendre deux, trois ou quatre ans pour obtenir un poste de fonctionnaire
garantissant un emploi à vie et des avantages sociaux supérieurs à ceux du
marché.

 

« Ce qui engendre une distorsion majeure du marché du travail, mais crée
également une situation où les établissements d’enseignement supérieur ne
reçoivent aucun signal en termes d’aptitudes à développer ou d’aptitudes
indésirables pour répondre à la demande », a-t-il ajouté.

 

C’est la raison pour laquelle le rapport examine aussi une des conditions
préliminaires les plus importantes pour la bonne marche d’un système
éducatif – un marché du travail fonctionnant correctement – et recommande
que les réformes dans ce domaine s’accompagnent de réformes de
l’enseignement, a noté Daniela Gressani, Vice-présidente de la Banque
mondiale pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), dans
l’avant-propos du rapport.

 

Les réformes de l’éducation seront vraisemblablement coûteuses. Le nombre
d’étudiants à la recherche d’une éducation complémentaire devrait augmenter
considérablement dans les prochaines décennies. Les pays devront également
transmettre les connaissances et les compétences à un plus grand segment de
la population pour rester concurrentiels, a indiqué le rapport.

 

Jusqu’à maintenant, les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord
privilégiaient la construction d’écoles, le recrutement et la formation
d’enseignants, ainsi que l’augmentation des inscriptions de garçons et
filles dans les écoles primaires. Des efforts particuliers ont été faits
pour inclure les filles, les enfants en zones rurales, les enfants de
groupes ethniques spécifiques et les handicapés, a indiqué le rapport.

 

Mais la région accuse toujours un certain retard par rapport à l’Asie
orientale et l’Amérique latine sur le plan de l’alphabétisation et du nombre
moyen d’années d’instruction chez les jeunes de 15 ans et plus. Si la
plupart des garçons et des filles sont inscrits à l’école primaire, beaucoup
quittent l’école dans les 5e, 6e et 7e années de leur scolarité, surtout les
filles, pour aller travailler ou suite aux pressions de la société, a
expliqué M. Rutkowski.

 

Les gouvernements doivent examiner chacun de leurs investissements afin de
voir dans quelle mesure ils contribuent au processus éducatif, notamment le
mode de formation des enseignants, pour vérifier s’ils sont formés selon
l’ancienne pédagogie de l’apprentissage par cœur ou la méthode socratique
bien plus indispensable, a-t-il ajouté.

 

Des « compétences non techniques » considérées essentielles à
l’accroissement de la productivité

 

Dans cette région, les étudiants ont besoin d’un apprentissage encourageant
la capacité d’interrogation et d’un nouvel éventail de « compétences non
techniques » – la résolution de problèmes, la communication, les langues
étrangères – qui sont essentielles pour promouvoir un avancement futur.

 

« Pour devenir concurrentiel, il faut passer de la capacité à effectuer des
tâches routinières à l’acquisition de compétences non techniques qui sont
absolument essentielles à l’augmentation de la productivité », a déclaré M.
Rutkowski. « Les pays commencent à remédier à ce décalage, mais ils se
doivent d’accélérer le processus afin de rester concurrentiels. »

 

Selon le rapport de la Banque, les incitations telles que des récompenses
pour une bonne performance des élèves aussi bien que des enseignants et la
responsabilisation du secteur public seront des outils indispensables pour
la réalisation des objectifs en matière d’éducation. Les autorités scolaires
doivent s’informer auprès d’un certain nombre de personnes concernées,
notamment les organisations non gouvernementales, les groupes de pression,
les organismes de surveillance, les parents, les organisations
professionnelles et autres. Le financement public doit être beaucoup plus
lié aux résultats et à l’innovation, a ajouté M. Rutkowski.

 

« Il est très important que l’éducation devienne un secteur caractérisé par
l’obligation de rendre compte à l’opinion publique », a-t-il dit. « Ce qui
signifie qu’à la fois au niveau national et au niveau local, il importe
réellement que le système éducatif soit performant ; les gens doivent
pouvoir en être informés et demander une amélioration de l’éducation, les
parents doivent pouvoir exercer une influence sur ce qui se passe à l’école,
le gouvernement local doit avoir une influence sur le programme des cours
et, lorsqu’il y a des évaluations internationales, les journaux doivent
écrire à ce sujet pour que l’on connaisse le niveau des élèves. »
 

La place de l’éducation aujourd’hui dans la région

 

Les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord consacrent en moyenne 5 % de
leur PIB et 20 % de leurs dépenses publiques au secteur de l’éducation –
plus que les autres pays en développement avec un niveau de revenu par
habitant similaire.

 

Ces pays ont presque réussi à instaurer l’éducation primaire pour tous et,
entre 1970 et 2003, ont quasi-multiplié par trois les inscriptions dans les
écoles secondaires et par cinq celles dans l’enseignement supérieur.

 

La parité entre les sexes en ce qui concerne l’éducation de base est
pratiquement réalisée. Bien que la région ait débuté avec des niveaux de
parité relativement bas, les indices pour l’enseignement secondaire et
supérieur ne sont guère différents de ceux enregistrés en Amérique Latine et
en Asie orientale.

 

Les taux d’analphabétisme ont baissé de moitié au cours des 20 dernières
années et la différence absolue entre les taux d’alphabétisation entre
hommes et femmes a connu un rapide déclin.

 

(Source : Banque
Mondiale)