Agriculture et croissance économique

Agriculture et croissance économique

Dans les pays agricoles d’Afrique sub-saharienne, l’agriculture est
essentielle pour la croissance qui est elle-même nécessaire pour lutter
contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire. De nouveaux marchés ont
profondément transformé le monde de l’agriculture au XXIème siècle et ont
créé de nouvelles perspectives pour accélérer la croissance. Pour tirer
pleinement parti de ces possibilités, il faut mettre en œuvre une approche
politique globale qui favorise la croissance, notamment par une amélioration
des incitations au producteur, une augmentation de l’investissement public
et privé et le renforcement des institutions d’appui, et qui soit consolidée
par la stabilité macroéconomique et politique.

L’agriculture peut être le secteur principal dans la croissance générale des
pays agricoles.

La croissance agricole a préludé aux révolutions industrielles qu’a connues
le monde tempéré, depuis l’Angleterre au milieu du XVIIIème siècle jusqu’au
Japon à la fin du XIXème siècle. Plus récemment, en Chine, en Inde et au
Viêt-Nam, une croissance agricole rapide a précédé le développement de
l’industrie. L’accroissement de la productivité agricole qui a entraîné un
surplus agricole (en partie taxé pour financer le développement industriel)
et permis une baisse des prix de l’alimentation a été à la base des succès
de la transformation structurelle. Le paradoxe dans cette transformation est
qu’une croissance agricole plus forte était nécessaire pour stimuler la
croissance économique en général, ce qui a ensuite causé le déclin de la
part du secteur agricole dans le produit intérieur brut (PIB).

Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, la croissance agricole peut-elle
toujours déclencher une croissance globale Quelles sont les mesures
essentielles pour accélérer la croissance agricole et lui permettre de
remplir son rôle historique ? Telles sont les questions que traite la
présente fiche qui s’intéresse essentiellement à l’Afrique subsaharienne où
le taux de croissance du PNB agricole par habitant était quasiment nul au
début des années 70, puis négatif dans les années 80 et au début des années
90. Cependant, les taux de croissance positifs des dix dernières années
laissent à penser que la stagnation de l’agriculture en Afrique
subsaharienne est terminée et que l’agriculture pourrait être le moteur
d’une croissance plus rapide et de la réduction de la pauvreté dans la
région.

Les quatre raisons pour lesquelles l’agriculture peut déclencher une
croissance globale dans les premières étapes du développement.

Un vaste secteur. Dans les pays à faible revenu au début de leur
transformation, la part importante de l’agriculture dans le PNB laisse à
penser qu’une forte croissance de l’agriculture est nécessaire à une
croissance économique globale. De fait, l’agriculture a été à l’origine
d’environ un tiers de la croissance en Afrique subsaharienne ces 15
dernières années. Avec l’augmentation du PNB par habitant, la part de
l’agriculture dans le PNB régresse, de même que sa contribution à la
croissance, même si ce secteur peut rester important dans certaines régions
de pays plus développés, comme dans l’État du Bihar en Inde ou dans
plusieurs États du Brésil.
1.Réduction des prix alimentaires. Dans nombre de pays d’Afrique
subsaharienne, la commercialisation des produits alimentaires est imparfaite
à cause de la prévalence des denrées alimentaires de première nécessité qui
sont peu commercialisées au niveau international, c’est le cas notamment des
racines, des tubercules et des céréales locales. Même pour les aliments qui
sont largement commercialisés au niveau mondial, une grande partie de
l’économie alimentaire nationale demeure isolée des marchés internationaux
en raison du coût élevé du transport et de la commercialisation, en
particulier dans les arrière-pays ruraux et les pays enclavés. Dans ces
pays, la productivité agricole détermine le prix des aliments, qui détermine
à son tour le niveau des salaires et la capacité concurrentielle générale.
La productivité concernant les denrées alimentaires de première nécessité
est donc la clé de la croissance.

2.Avantage comparatif. La plupart des pays d’Afrique subsaharienne dépendent
d’un portefeuille différent de produits primaires exportés bruts ou
transformés (y compris dans le secteur minier et le tourisme). Pendant de
nombreuses années, l’Afrique subsaharienne gardera un avantage comparatif
pour les activités primaires et la transformation des produits agricoles du
fait de ses richesses naturelles favorables à l’agriculture, de l’absence de
main-d’œuvre qualifiée et d’un climat d’investissement difficile qui limite
la compétitivité des biens manufacturés.

3.Relations entre différentes formes de croissance. La croissance agricole
est très fortement liée à d’autres secteurs économiques. Lorsque les revenus
agricoles sont dépensés pour acheter des biens et des services non
commercialisables produits au niveau local, cela stimule la demande en
produits industriels et en services au niveau local. Cela favorise ainsi la
croissance de la production agricole et de la commercialisation des denrées
alimentaires, ainsi que la hausse de la demande en produits et en services
intermédiaires.
Il existe de nouveaux marchés offrant des possibilités pour accélérer la
croissance.
La croissance doit être répartie entre les denrées alimentaires de première
nécessité, les exportations traditionnelles en vrac et des produits à plus
forte valeur ajoutée, notamment le bétail. Les denrées alimentaires de
première nécessité dominent la production actuelle et il continuera d’en
être ainsi dans l’avenir immédiat. En Afrique, la demande en denrées
alimentaires devrait atteindre 100 milliards de dollars U.S. d’ici 2015,
soit deux fois plus qu’en 2000. Tout l’enjeu est d’améliorer la productivité
de la production des denrées alimentaires de première nécessité afin
d’empêcher une hausse des prix alimentaires et de préserver la compétitivité
des secteurs commercialisables. En outre, avec l’urbanisation et la
croissance économique, le bétail et l’horticulture ouvrent de nouveaux
marchés aux producteurs d’aliments. Les exportations de produits non
traditionnels ou traditionnels sont importants, de même que les marchés
régionaux d’exportation pour les denrées alimentaires de première nécessité
et le bétail. Les marchés pour les exportations non traditionnelles telles
que l’horticulture se développent rapidement même si, dans la plupart des
pays, ce secteur reste trop limité pour affecter de manière substantielle la
croissance cumulée. Il y a toutefois des cas de réussites ponctuelles
d’émergence de nouveaux marchés (manioc au Ghana, café organique en
Tanzanie, aquaculture au Malawi) ou de développement de marchés comme celui
de la production de produits laitiers en Afrique orientale, qui sont en
train de transformer les moyens d’existence et pourraient être développés
afin d’accélérer la croissance.

Des mesures qui favorisent la croissance agricole dans le nouveau contexte
mondialisé.

Une approche globale destinée à stimuler la croissance agricole comprend
quatre éléments-clés : l’amélioration des incitations aux producteurs, la
fourniture des biens publics essentiels et l’amélioration du climat
d’investissement privé, la mise en place

d’institutions efficaces et l’utilisation durable des ressources naturelles.
Trouver le bon équilibre entre taxation et incitations dans le domaine de
l’agriculture. L’agriculture étant le secteur le plus grand, elle joue un
rôle important dans la fourniture de ressources pour le développement de
l’économie dans son ensemble. Les pays qui ont réussi ont investi dans
l’agriculture pour stimuler la croissance tout en taxant une partie des
surplus générés afin de financer le développement industriel. Cependant, la
sur-exploitation de l’agriculture avant que des investissements
significatifs aient été réalisés dans ce domaine peut être fatale, comme
cela a souvent été le cas en Afrique.

Dans les années 80, les pays en développement taxaient l’agriculture plus
que d’autres secteurs, en moyenne à 30 pour cent contre 45 pour cent en
Afrique subsaharienne, avec des taux de change surévalués, des barrières
tarifaires très élevées dans l’industrie et des taxes sur les exportations
agricoles. Il a été estimé qu’une réduction de 10 points dans la taxation
totale du secteur entraînerait un supplément de croissance annuelle générale
de 0,4 point.

Au cours des vingt dernières années, la plupart des pays en développement
ont amélioré leurs politiques macroéconomiques et ont réduit les biais
politiques contre l’agriculture. Ces améliorations ont eu des effets
positifs sur la croissance de l’agriculture en Afrique subsaharienne. Des
périodes de croissance rapide ont également fait suite à des réformes dans
certains sous-secteurs, comme pour le café en Ouganda ou le coton en Zambie.

Cependant, les politiques commerciales internationales, en particulier le
protectionnisme et les subventions accordées par les pays riches, continuent
d’imposer des coûts substantiels sur l’agriculture des pays en
développement. Les politiques commerciales dans leur ensemble diminuent les
prix des produits agricoles sur les marchés internationaux de 5 pour cent en
moyenne et imposent un coût de 0,3 pour cent de la croissance annuelle de la
production agricole (cf. Fiche sur le commerce des produits agricoles).

Des investissements accrus et de meilleure qualité dans l’agriculture. Les
investissements dans les biens publics essentiels (sciences, infrastructures
et capital humain) conjugués à des politiques et des institutions améliorées
sont essentiels pour renforcer la croissance de la productivité agricole.
Malgré de forts retours sur investissements, les pays d’Afrique
subsahariennes sous-investissent dans ces biens publics; ils doivent de
toute urgence accroître de façon significative leurs dépenses dans les biens
publics essentiels pour l’agriculture (cf. Fiche sur l’accroissement des
investissements en Afrique en quantité et en qualité).

Par ailleurs, les investissements nécessaires proviennent en grande partie
de l’épargne rurale et du secteur privé, le climat d’investissement rural
étant un facteur déterminant. L’investissement dans les biens publics tels
que les infrastructures est essentiel à un bon climat d’investissement pour
le secteur privé, tout comme des institutions qui fonctionnent bien et une
réglementation adaptée.

Renforcement des institutions. Les innovations institutionnelles peuvent
être une source importante de croissance de la productivité, même si peu
d’études en ont explicitement quantifié leurs effets. En Chine, 60 pour cent
de l’augmentation extraordinaire de la production agricole entre 1978 et
1984 ont été attribués aux réformes institutionnelles, notamment au système
de responsabilisation des ménages à l’égard de la production, et à la
réforme des prix.

Trois grandes catégories d’institutions sont importantes pour l’agriculture
:
•les institutions qui améliorent le fonctionnement du marché, notamment les
systèmes de régulation des marchés et d’information, les instruments de
gestion des risques et les institutions financières
•la sécurisation des droits de propriété de la terre et de l’eau afin
d’encourager l’investissement privé dans l’agriculture, notamment pour les
investissements à long terme
•l’action collective des agriculteurs par l’intermédiaire d’organisations
d’agriculteurs performantes pour réduire le coût des transactions, améliorer
l’accès des agriculteurs aux marchés et leur position de négociation sur ces
marchés.

Réduction des nuisances pour l’environnement. La croissance durable de la
productivité aurait bien souvent pu être plus forte si le coût de la
dégradation des ressources naturelles avait été moindre. Une grande partie
des gains de productivité résultant des progrès technologiques ont été
réduits à néant par la dégradation des sols et de la qualité de l’eau (cf.
Fiche sur l’agriculture et l’environnement).

Une reconnaissance accrue du rôle essentiel de l’agriculture comme moteur de
la croissance aux premières étapes du développement, conjuguée à de
meilleures politiques, aux nouvelles possibilités offertes par les marchés
et à la volonté d’accroître l’investissement peuvent accélérer la croissance
agricole et la croissance économique globale en Afrique subsaharienne. Une
croissance rapide est également essentielle pour lutter contre la pauvreté,
mais la croissance ne suffira pas à garantir une réduction de la pauvreté si
des politiques ne sont pas conçues pour assurer la participation des pauvres
au processus de croissance (cf. Fiche sur l’agriculture et la pauvreté).
 

(Source : Banque mondiale)