Entre l’économique et le sentimental

Par : Autres

Entre l’économique et le sentimental

Je crois qu’on est d’accord sur plusieurs points de
cette problématique. Ma réaction est justifiée par le nombre d’articles
consacrés à cette question, qui est loin d’être négligeable, et c’est bien
de la poser.

Il me semble toutefois qu’elle a été posée en des termes plus sentimentaux
qu’économiques. Oui, nos meilleurs cadres partent dans des entreprises
étrangères (en général, parce que dans la réalité ce n’est pas toujours le
cas, c’est une question d’opportunités… et de relations, je connais 4 ou 5
grosses entreprises étrangères ici que je ne peux pas citer où le système
tunisien basé sur la parenté, les épaules comme on dit, fonctionne
parfaitement).

L’emploi des cadres obéit à la loi du marché. Regardez le scandale dans la
gestion des ressources humaines : même si l’Etat se désengage, il a
justement besoin de cadres de haut niveau pour jouer le rôle nécessaire
d’une administration moderne. Que se passe-t-il en réalité? Vu les salaires
et la fameuse grille de la fonction publique, un directeur général quelque
part gagne 1.500 dinars, disons 2000 dinars en comptant la voiture et le
carburant.

N’importe quelle moyenne entreprise de yagourt ou de chocolat pourrait lui
offrir le double ; et le triple ou plus si c’est une entreprise étrangère.
Résultat; seuls les quelques uns restent pour diriger les services de
l’Etat!

Donc le paysage actuel, qu’on le veuille ou non, est hiérarchisé:
administration publique en bas, entreprises privées tunisiennes au milieu,
entreprises étrangères installées en Tunisie, et entreprises étrangères à
l’étranger en haut.

Notre administration est coincée par une vision “égalitariste” archaïque
mise en place il y a plus de 50 ans, d’un côté, et par des injonctions de
nos bailleurs de fonds (FMI et banque mondiale) pour réduire les coûts de
fonctionnement de l’Etat.

Nos entreprises privées ont eu un cadeau du ciel par la réforme du Code de
travail, et ont des traités de court terme orientés vers la limitation du
coût du travail et profitent à fond de la demande pléthorique d’emploi des
entreprises étrangères installées en Tunisie, même si elles paient mieux,
paient beaucoup moins les compétences que chez elles.

Les entreprises européennes ou américaines installées à Abou Dhabi ou au
Qatar, un ingénieur tunisien ou marocain leur coûte 3 à 4 fois moins cher
qu’un européen ou un américain (j’ai beaucoup d’exemples et de données
objectives sur cela).

Alors, fuite de cerveaux et de compétences ? Pas la peine de “pleurer sur
les atlal” c’est la mondialisation où bien sûr il y a des gagnants et des
perdants.

Réfléchissons à quelque chose de plus pratique : comment nos administrations
devraient reconnaître les compétences et mettre au point une grille de
rémunération liée plus aux compétences et aux performances pour instaurer
une véritable culture du ‘’mérite’’ ( Sarkozy) et non des avancements à
l’ancienneté.

Comment nos entreprises nationales privées et publiques doivent s’organiser
pour mobiliser les compétences nationales, et abandonner le calcul de
Djerbien comme on dit et le clientélisme ? Vaste chantier ! A la place, on
fait des parodies de rencontres, séminaires… pour attirer nos compétences
à l’étranger pour monter des projets ici. Combien y répondent? “Mouch barcha”
faute de données.

Dans ce domaine, on semble également oublier que nos compétences qui ont
séjourné à l’étranger ont connu aussi un environnement (d’affaires mais
aussi environnement en général) qu’ils ne peuvent trouver ici. A Hongkong,
aux USA, en Belgique, en France ou ailleurs, monter un projet ne nécessite
pas de faire les couloirs de l’équivalent du délégué, du gouverneur, de 5 ou
5 directeurs centraux ou régionaux, de subir des pressions pour recruter X
ou Y, etc., ça aussi, ça fait partie de l’environnement, pas seulement les
textes de subventions et autres avantages octroyés aux investisseurs.

Mondialisation, encouragement des Tunisiens de l’étranger à venir investir
dans leur pays, ça veut dire aussi cela : créer le même environnement qu’ils
pourraient trouver ailleurs. Sinon, je comprends bien qu’un Tunisien pouvant
être utile au pays s’installe en Belgique, France, Canada ou ailleurs. Et
rabbi l’aide, le biladi wa in jaret alaya azizatoun,ça ne marche pas avec le
buziness, surtout avec des citoyens qui ont eu la chance de vivre dans un
autre environnement.

Restons avec nos petits bricoleurs managers de PME qui paient le 2626 mais
qui paient mal leurs cadres, qui trainent pour payer leurs créances auprès
des banques, la CNSS, les impôts…. et ainsi, on continuera à avoir des
affaires de type Batam? groupa Affes et autres.

La Tunisie a ce paradoxe qu’elle dispose d’excellents cadres; mais qu’elle
reste attachée à des pratiques managériales mal adaptées!!!! Alach?

De par mon métier, j’ai connu en France, aux USA, en Afrique…, dans des
entreprises privées, comme entrepreneurs ou experts dans des organismes
internationaux d’excellents cadres tunisiens qui font du bon travail et qui
sont en général bien appréciés. Pourquoi ils ne peuvent pas avoir les mêmes
performances ici, dans l’administration ou dans nos entreprises? Question à
débattre !!!!! …

Voilà pourquoi j’ai dit que Hob el watan ne suffit plus pour retenir nos
compétences ; elles ont besoin d’un autre environnement qu’on n’a pas
encore. Environnement, cela englobe le financier, l’économique, le social,
le culturel, le juridique…mais aussi le politique. La liberté
d’entreprendre, elle doit s’accompagner d’un climat général de liberté
réglementé par des valeurs qui font de l’investisseur un citoyen avec des
devoirs et des droits ; où chacun joue son rôle (administration technique,
administration territoriale, syndicats de travailleurs, municipalités,
agences gouvernementales diverses…).

Sans cette règle fondamentale de citoyenneté, le développement de la Tunisie
restera en grande partie tributaire de chasseurs de primes (les subventions
généreuses de l’Etat) , … et laissons donc nos compétences qui ont
l’opportunités de s’épanouir ailleurs de le faire.

H.T.S.N


Réaction à l’article :
Mondialisation : Qui obéit donc (vraiment) aux règles ?

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