L’Afrique du futur selon Jacques Attali

Par : Tallel
 
 


Dans son dernier ouvrage,
Une brève histoire de l’avenir
(Fayard, 2006), un brillant essai de prospective et surtout de réflexion
stratégique, l’intellectuel français Jacques Attali énonce un diagnostic
accablant à propos de l’Afrique.

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Une brève histoire de
l’avenir

(Fayard, 2006), le dernier ouvrage de Jacques Attali, est un essai brillant
dans lequel nous est dressé une esquisse saisissante du futur de la planète.
Jacques Attali est président de Planetfinance, une organisation non
gouvernementale de troisième type spécialisée dans la micro finance, les
microcrédits comme moyens de lutte contre la pauvreté de masse (le
sous-développement). Il est ancien conseiller spécial de François
Mitterrand, fondateur de la banque européenne de reconstruction et
développement (BERD) des pays de l’Europe de l’Est. Caracolant les siècles,
chevauchant les continents, interpellant la civilisation humaine, il énonce
ce diagnostic accablant à propos de l’Afrique : «A la différence des autres
continents, l’Afrique ne réussira vraisemblablement pas à faire surgir une
vaste classe moyenne, même si elle est en mesure de connaître une très forte
croissance économique, largement compensée par une croissance démographique
plus forte encore». Tel est premier constat pour les prochaines décennies.

Ainsi, ajoute Jacques
Attali : «En 2025, le continent comptera plus de 1,5 milliard d’habitants.
Le Nigeria, le Congo et l’Ethiopie seront parmi les dix nations les plus
peuplées du monde. Même si le sol africain renferme 80% du platine, 40% des
diamants, plus d’un cinquième de l’or et du cobalt du monde, même si les
forêts africaines regorgent de ressources et de richesses touristiques
inexplorées, même si la Chine, l’Inde et d’autres puissances, venant y
quérir leurs matières premières, aideront à y aménager des infrastructures à
bas coûts, le continent africain ne sera toujours pas un acteur économique
d’importance mondiale». Tel est le deuxième constat. Les idéologues des
matières premières et autres chantres du scandale géologique que serait
l’Afrique, sont fixés sur le destin du Continent. L’avenir ne s’écrit pas
dans les richesses du sous-sol, mais dans les têtes. Bref, la libération des
énergies passe par une Révolution de l’Intelligence c’est à dire la
formation et l’éducation. Et non la contemplation du monde et des ressources
dites naturelles. Dans le monde des cinquante prochaines années, dans le
monde de demain, pour ne pas dire tout à l’heure, la seule vraie richesse
sera la Matière grise. Avis aux sourds et aux aveugles d’Etats…


L’absence d’une
«classe créative»

Et Jacques Attali de
pronostiquer : «En 2025, le continent aura un PIB par habitant inférieur au
quart de la moyenne mondiale ; la moitié des Africains continuera de tenter
de survivre avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté… Seuls réussiront
à s’en sortir quelques pays comme l’Afrique du sud (avec un PIB par tête qui
dépassera celui de la Russie), l’Egypte, le Botswana et peut-être le Ghana.
Les autres pays seront menacés d’éclatement ; divisés, ils risquent de
devenir des non-Etats». Face à cette «Catastrophe», les élites africaines
continueront à émigrer comme par le passé. Les nouveaux immigrés financeront
de plus en plus leurs pays d’origine.

Les causes de ce
«chaos», selon l’auteur, sont : le poids de l’Histoire (la ponction humaine
à grande échelle qu’a été la traite négrière), les pandémies notamment le
sida, les mutations climatiques à venir… Mais il est une cause majeure que
Jacques Attali énonce en filigrane c’est l’absence d’une «classe créative».
Concept qui est au cœur de son livre. Classe créative c’est à dire
financiers, artistes, entrepreneurs, inventeurs, porteurs d’innovations
technologiques, institutionnels et esthétiques qui sont les créateurs de
l’Ordre Marchand depuis l’apparition du capitalisme à Bruges entre 1200 et
1350, Venise1350-1500, Anvers, 1500-1560, Gênes 1560-1620, Amsterdam
1620-1678, Londres 1788-1890, Boston 1890-1929, New York 1929-1980). Et
Demain, Los Angeles…


L’émergence d’un monde
polycentrique

Paradoxalement, dans
les prochaines décennies, on assistera à la «fin de l’empire américain»,
annonce l’auteur. Vers 2050 naîtra un monde inquiétant à plus d’un titre :
«l’hyperempire» qui déconstruira les services publics, les Etats et les
nations. Et c’est la première vague de l’avenir. Le marché unifié et
planétaire l’emportera sur la démocratie. Et un ordre «polycentrique»
émergera… La «société d’autosurveillance» ou chacun sera son propre gardien
de prison risque de s’imposer. Quelle place pour le Continent dans cet Ordre
cannibale ? Jacques Attali écrit : «tandis que l’Afrique s’évertuera en vain
à se construire, le reste du monde commencera à se déconstruire sous le coup
de la globalisation. L’Afrique de demain ne ressemblera donc pas à
l’Occident d’aujourd’hui ; c’est bien plutôt l’Occident de main qui
ressemblera à l’Afrique d’aujourd’hui».

Dès la fin de l’empire
américain, on assistera à un développement des microcrédits. En 2025, ces
derniers toucheront plus de 500 millions de chefs de famille contre
aujourd’hui plus de 100 millions des entrepreneurs les plus démunis de la
planète. Durant «l’hyperempire», les réseaux de microcrédits deviendront
plus importants que le système bancaire traditionnel. La victoire du marché
sur la démocratie ouvrira le temps de «l’hyperconflit» : le temps des
pirates et des corsaires, et autres sociétés des mercenaires comme il en
existe déjà en Afrique. Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU parlait
de «privatisation de la guerre».

La troisième vague qui
submergera l’avenir dans les cinquante prochaines années est «l’hyperdémocratie».
Avec l’apparition d’une nouvelle «classe créative» porteuse d’une nouvelle
éthique faite de gratuité et d’altruisme, d’innovations technologiques,
artistiques, politiques. On peut même dire d’un immense bouleversement
institutionnel avec l’apparition d’«entreprises relationnelles» liées au
commerce équitable, aux microcrédits et aux fondations crées par des
milliardaires de la trempe de Bill Gates, le créateur de Microsoft et de sa
fondation contre le Sida en Afrique, Warren Buffet contre la prolifération
nucléaire… L’hyperdémocratie sera l’ère de la gratuité. Ce sera aussi le
temps d’une nouvelle «classe créative» composée de ce que Jacques Atalli
appelle les «transhumains». Un temps nouveau : «les femmes seront plus
aisément transhumains que les hommes : trouver son plaisir à faire plaisir
est le propre de la maternité» rappelle l’auteur.

A cette aune, voici
s’ouvrir l’ère des femmes africaines… La Femme ou rien ! La Femme ou le
chaos !

*
Bolya Baenga, écrivain