Du devoir de protection et d’information du CMF


Par
Khaled BOUMIZA

 

Il y a quelques
jours, nous rapportions cette décision, en date du 15 septembre 2004, du
collège du CMF (Conseil du marché financier en Tunisie) qui avait annoncé
une série de sanctions prononcées à l’encontre d’un intermédiaire en bourse,
ainsi qu’à l’encontre de deux de ses dirigeants.

Aucun détail au sujet des délits reprochés à cette entreprise et à ses
dirigeants, n’a été fourni et les investisseurs en sont restés sur leur faim
se demandant s’il faut toujours faire confiance à cet intermédiaire en
bourse ou non. Ceci d’autant plus que les « bruits de couloirs » bourdonnent
d’allégations à propos de plaintes qui auraient été déposées contre cet
intermédiaire, sans qu’on puisse les confirmer ni les infirmer, ni d’un côté
ni de l’autre.

Nous avons pu, d’une manière non officielle, discuter de ce sujet avec l’un
des membres de ce même collège, dont la compétence et la probité ne pourrait
être mise en doute ainsi que la connaissance des textes de loi qui régissent
les fonctions de “gendarme du marché”. Ce dernier soutient et il a
probablement raison, que rien ne les oblige à communiquer les détails des
dossiers qu’ils jugent, ni de donner des explications au sujet de leurs
décisions.

Nous avons en effet parcouru les différents articles de la loi 94-117 du 14
novembre 1994, portant réorganisation du marché financier. A aucun moment
dans les 32 articles relatifs au Conseil du Marché Financier, sauf dans un
petit paragraphe de l’article 31, nous n’avions trouvé trace d’une
quelconque obligation, pour le collège, de communiquer des explications. Il
est en effet dit, dans ce paragraphe qui concerne les sanctions prises par
le conseil, que «les décisions individuelles sont notifiées par voie légale
et font l’objet d’un communiqué par extrait chaque fois que ses effets
intéressent des tiers». Il est tout aussi clairement notifié, dans les
articles 40 et 42 qui sont tous deux relatifs aux prérogatives de sanctions
du CMF, que «les décisions du conseil du marché financier, ainsi que celles
du conseil de discipline, sont motivées (…)».

Nous avons certes aussi trouvé que le CMF est «tenu au secret professionnel»
(article 25), mais qu’il est aussi et surtout défini comme étant «chargé de
la protection de l’épargne investie» (art.23). Un extrait de ces motifs,
pourrait bien donc, si le président du CMF le veut et tant que la
législation n’en restreint pas le contenu, faire l’objet d’une autorisation
de publication et figurer sur les colonnes du communiqué publié dans le
bulletin du CMF. Un peu de jurisprudence, ne va en rien à l’encontre de la
loi, ne nuirait pas au règlement et profiterait à la transparence du marché
ainsi qu’à la protection de l’investissement que le gouvernement appelle de
tous ses vœux !

Nous avions aussi objecté à notre interlocuteur du collège du CMF, que son
homologue français ne se gênait pas de publier de larges extraits des motifs
de la sanction. La loi organisant notre marché financier, n’est pas, à
quelques points prés, très éloignée de celle de son homologue français.
Notre interlocuteur a été catégorique en soutenant le contraire. A partir
d’un simple clic sur le site du Conseil du Marché Financier français, nous
avons pu pourtant prendre connaissance d’un communiqué de son conseil de
discipline portant sur des sanctions similaires à l’affaire qui a fait
l’objet de la décision du conseil de discipline (Communiqué du 15 septembre
2004). (Cliquez
ici pour visualiser le communiqué du CMF français
).

Sur quatre pages, le conseil français de discipline fait état des
différentes étapes de son enquête auprès de la société concernée par les
sanctions, des réponses données par les intéressés, des résultats de son
enquête et des attendus de sa décision, tant sur la procédure que sur le
fond. A aucun moment le conseil français n’a objecté un quelconque droit de
réserve, puisqu’il s’agit d’informer l’investisseur pour bien le protéger
contre ceux qui pourraient tromper sa confiance ou profiter des moyens, mis
à sa disposition.

Nous rappelons en dernier lieu que l’article 23 de la loi de 1994 indique
clairement que «le Conseil du Marché Financier est chargé de veiller à la
protection de l’épargne investie en valeurs mobilières, produits financiers
négociables en bourse et tout autre placement donnant lieu à l’appel public
à l’épargne. Il est également chargé d’organiser et de veiller au bon
fonctionnement des marchés de valeurs mobilières et des produits financiers
négociables en bourse ».

L’information est le premier pas vers la protection et une information
incomplète n’en est pas une !
Cette mission de protection, n’est par ailleurs donnée à aucun autre
organisme et personne n’est pas plus habilité que le CMF à l’exercer.
 

 

07- 10 – 2004 ::
08:00

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