Tunisie : Zones d’ombre sur le dernier remaniement ministériel

Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a choisi un jour de démobilisation générale, samedi 25 février 2017, pour annoncer un remaniement ministériel partiel.

Zoom sur les zones d’ombre de ce remaniement.

En vertu de ce remaniement, Ahmed Adhoum a été nommé ministre des Affaires religieuses, Khalil Ghariani, ministre de la Fonction publique et la Gouvernance -en remplacement de Abid Briki-, Abdellatif Hmam, secrétaire d’Etat chargé du Commerce -en remplacement de Fayçal Hafiane, nommé conseiller du chef du gouvernement.

Un regard d’ensemble sur ce remaniement partiel fait penser que les personnes promues sont proches du parti Ennahdha.

A la faveur de ce “cadeau“ de Youssef Chahed, les Nahdhaouis récupèrent leur ministre préféré, celui des Affaires religieuses, alors que, logiquement, on s’attendait à ce que ce ministère soit neutre, car la religion concerne tous les Tunisiens (laïcs, islamistes et dérivés).

C’est donc une grande victoire pour le parti Ennahdha qui va reconquérir son espace de manœuvre privilégié, en l’occurrence les 6.000 mosquées du pays.

Grâce à ce remaniement, Ennahdha homogénéise, aussi, l’équipe de son super ministre de l’Industrie et du Commerce, Zied Ladhari, qui était en “très mauvais termes” avec son désormais ex-secrétaire d’Etat, Fayçal Hafiane.

Zied Ladhari, qui est en même temps secrétaire général du parti Ennahdha, va avoir enfin les coudées franches pour renforcer son statut de ministre régalien et faire ce qu’il veut.

Même la nomination du représentant du patronat, Khalil Ghariani au poste de ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, pourrait servir, indirectement, le parti Ennahdha, et ce pour une simple raison : son prédécesseur, Abid Briki, de par son ancienne appartenance politique au parti Watad, était l’ennemi juré d’Ennahdha au sein du gouvernement Youssef Chahed.

Avec ce tour de passe-passe, Ennahdha, va se donner en spectacle une guerre fratricide entre syndicats et patronat. L’objectif étant de les éreinter et créer le vide politique en vue d’émerger comme l’unique force de salut du pays. Ce scénario mérite d’être sérieusement médité.

Youssef Chahed et l’UGTT, les grands perdants

Au rayon des perdants, il y a en premier lieu la centrale syndicale (UGTT). Elle a perdu un de ses représentants au gouvernement, Abid Briki.

Les syndicalistes en “très mauvais stratèges et en très mauvais manœuvriers” ont trop cru en leur puissance et en leur banditisme au point d’oser narguer le gouvernement et demander la tête du ministre de l’Education, Néji Jalloul, qui reste, pour la majorité de la population, un bon ministre au regard de ses premières réalisations et de sa ferme volonté de réformer un secteur très cher aux Tunisiens.

Le nouveau secrétaire général de l’UGTT, Nourreddine Taboubi, a commis l’erreur de provoquer le gouvernement en déclarant au journal “Essabah” que “le gouvernement Chahed est faible et n’a pas le courage de décider”. Pour un responsable syndical du rang de secrétaire général d’une puissante organisation syndicale comme l’UGTT, cette déclaration est une grande gaffe.

D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si ce remaniement, de l’avis de plusieurs observateurs de la chose tunisienne, a des relents revanchards.

Dans sa réaction à chaud (le lendemain du remaniement), l’UGTT “considère que la nomination d’un homme d’affaires à la tête du ministère de la Fonction publique et de la Gouvernance est une manœuvre de défi envers les agents de la fonction publique, et une étape en vue d’attaquer leurs acquis, et un témoin de la volonté de privatisation des services publics, pour se conformer aux exigences du FMI”.

L’autre grand perdant de ce remaniement n’est autre que son initiateur, le chef du gouvernement, Youssef Chahed. A travers ce remaniement insipide et inefficace, il vient de prouver qu’il est loin d’être un grand chef. Il s’est permis le luxe de s’exposer à tous les risques de déstabilisation. Les prochains jours nous le diront…