
En termes juridiques, il s’agit de ce qu’on appelle « crime d’écocide », crime érigé sur le plan internationale au même rang que le génocide humain et l’utilisation à grande échelle des armes chimiques lors des conflits armés. C’est le cas de la guerre du Vietnam. Les États-Unis ont utilisé du napalm de manière intensive larguant environ 352 000 tonnes de ce produit incendiaire entre 1963 et 1973..
L’écocide, c’est un terme qui regroupe les dommages graves et durables causés à l’environnement, à travers des activités humaines comme la pollution, la destruction de la biodiversité, le changement climatique….
Si on applique cette définition à la pollution de Gabès (150 mille habitants), nous constatons que nous sommes bien en présence d’un écocide au regard des dégâts occasionnés. Nous en énumérons quelques uns.
Le premier consiste en le rejet, chaque année, dans la mer d’environ 10 millions de tonnes de phosphogypse, matière extrêmement polluante dont le déversement en mer a impacté gravement l’écosystème du Golfe de Gabès. Pour en mesurer la gravité et l’ampleur des dégâts, ce plan d’eau est réputé pour être naturellement une des principales frayères de la méditerranée et pour abriter la seule oasis maritime du bassin.
Le deuxième a trait à l’impact de la pollution causée par les industries chimiques de Gabès. Les 150 mille habitants de la ville de Gabès sont eux-mêmes menacés par cette pollution en mer qui a également un impact sur la qualité de l’air et des sols et sous-sols. Selon des experts, elle serait responsable de cas de cancer et de maladies chroniques comme l’asthme.
Le troisième porte sur l’exploitation excessive des ressources en eau de la région. Pour satisfaire leurs énormes besoins en eau, les industries chimiques de Gabès ont pris le pli, des décennies durant, à exploiter les eaux souterraines destinées aux oasis et même l’eau potable distribuée par la SONEDE. Résultat : Gabès, devenue par l’effet de cette pollution, la ville la plus polluée de la méditerranée et bel et bien victime d’un crime d’écocide.
Le crime d’écocide n’a pas encore une définition consensuelle à l’international
Ce crime, qui n’est pas encore reconnu à l’international, n’a pas encore une définition juridique consensuelle, mais on considère que l’on peut parler d’écocide lorsque les conséquences d’un dommage environnemental sont irréversibles, affectant les écosystèmes, les espèces animales et végétales, et / ou les communautés humaines qui en dépendent.
C’est pourquoi, la plainte déposée en référé par des avocats tunisiens, notamment de la section de Gabès contre le Groupe Chimique Tunisien (GCT) pour demander la suspension de ses activités polluantes, a peu de chance d’aboutir auprès de juridictions internationales et nationales.
Conséquence : l’initiative des avocats demeurera juste une action s’inscrivant dans un contexte de mobilisation citoyenne croissante à Gabès en raison de la dégradation environnementale et de ses impacts sur la santé publique, avec des manifestations réclamant l’arrêt immédiat des activités du complexe industriel. Ce sera un geste de solidarité…
ABOU SARRA


